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Économie Publié le lundi 4 septembre 2017 |

Le franc CFA, les réserves de change, des sujets qui déchaînent les passions…

© Par DR
Billets de banques
Face au triomphalisme affiché par un activiste galvanisé par la justice sénégalaise, la lucidité semble s’éloigner davantage.

Plusieurs déclarations recueillies ça et là amènent à constater que très peu parmi les détracteurs du franc CFA connaissent l’historique réelle de cette monnaie. Ils ne semblent pas savoir non plus comment fonctionne réellement la Banque Centrale. Ils ne semblent pas davantage comprendre les mécanismes mis en place au fil du temps pour mener les politiques monétaires des pays de la zone UEMOA au sein de laquelle circule le franc CFA.

Nous avons plusieurs fois approché l’Institut d’émission, qui obstinément préfère ne pas se prononcer. Visiblement, ses dirigeants ne souhaitent pas s’engager dans un débat plus animé par des passionnés exaltés que par de véritables chercheurs de solutions. Devoir de réserve ? Résignation ? Toujours est-il qu’il n’est pas dans les habitudes de la BCEAO de s’épancher sur des sujets polémiques ou de répondre par voie de presse à ses détracteurs. Dommage, car elle aurait certainement enrichi le débat et contribué à éclairer l’opinion.

En effet, bien que le niveau et la qualité de ses cadres permettent d’apporter la réplique à tous ceux qui s’égosillent sur des sujets touchant à son activité, les agents de la Banque Centrale ont toujours estimé que la bataille était ailleurs. L’Institution ne compte pas se laisser distraire des missions à elle confiées par les Etats de l’Union, notamment la définition et la mise en œuvre de la politique monétaire au sein de l’UMOA, la stabilité du système bancaire et financier, le bon fonctionnement et la sécurité des systèmes de paiement ainsi que la gestion des réserves de change des Etats membres de l’UMOA.

Toutefois, dans ce contexte caractérisé par des attaques tous azimuts et sans précédent contre le FCFA et la BCEAO, il nous apparaît important de veiller à ce que l’opinion ne soit pas malencontreusement induite en erreur.

L’institution communautaire jouit d’une indépendance acquise au bout de rigoureuses réformes et dont elle peut être fière. La politique qu’elle mène, loin d’être dictée ou imposée par la France, est éminemment conjoncturelle et s’adapte systématiquement aux besoins des Etats.

Quant aux réserves de change sur lesquelles la BCEAO serait assise, tout économiste prétendument féru des conditions de développement de nos Etats devrait savoir que la contrepartie de ces réserves officielles, logées au Trésor français, financent déjà nos importations. La contrepartie de ces réserves, c’est-à-dire leur valeur en CFA, est donc déjà dans nos économies. Ainsi, l’utilisation de ces réserves à d’autres fins que le règlement extérieur de nos transactions ne servirait qu’à alimenter l’inflation par une utilisation non rationnelle de la planche à billets.

Les réserves de change de la BCEAO proviennent essentiellement du rapatriement des recettes d’exportation dans notre système bancaire. Elles sont constituées également par le produit en devises des emprunts extérieurs des Etats. Ainsi, le mécanisme de constitution des réserves est le suivant : lorsqu’un exportateur de l’Union se fait payer en devises, celles-ci sont cédées à la BCEAO qui, en contrepartie, crédite en FCFA le compte de cet exportateur auprès de sa banque locale. Il en est de même lorsque les Etats bénéficient de financements extérieurs. Les devises ainsi générées sont « achetées » par la BCEAO au moyen de francs CFA qui sont versés aux Etats en contrepartie. En conséquence, les devises ainsi obtenues par la Banque Centrale ont déjà une contrepartie dans l’économie. Elles ne sauraient donc être utilisées une seconde fois pour financer des activés internes, cela créerait bien évidemment de l’inflation.
Contrairement aux préjugés répandus, les règles élémentaires de comptabilité préconisent de ne pas financer ces activités par une ponction sur le capital de la Banque Centrale.

Par ailleurs, il est noté une confusion persistante autour de la politique monétaire. Cela aussi est dû à une méconnaissance du mode de fonctionnement de l’Union Monétaire Ouest Africaine et de ses Organes, parmi lesquels le Comité de Politique Monétaire de la BCEAO. Le CPM est composé du Gouverneur et des Vice-Gouverneurs de cette Institution, mais aussi de treize autres éminents experts en questions économiques et monétaires. Ces experts indépendants sont généralement proposés par les Etats et choisis par le Conseil des Ministres des Finances de l’UMOA.

En résumé, et en dépit des affirmations infondées de certains détracteurs, les réserves de changes servent déjà à honorer les besoins en importations de nos économies et à garantir la monnaie.

Quant aux décisions de politique monétaire, elles ne se prennent pas dans le but de servir les intérêts d’une banque centrale ou de son compte d’exploitation mais pour répondre aux impératifs dictés par la conjoncture du moment, les conditions économiques et les objectifs fixés. Dans toute banque centrale digne de ce nom, il est recommandé de mettre en place une muraille entre la politique monétaire et l’exploitation. C’est justement ce qui se pratique à la BCEAO, tout comme cela est d’usage à la Réserve Fédérale Américaine ou à la Banque Centrale Européenne.

S’agissant des revenus tirés de la gestion des réserves de change, le bas niveau des taux d’intérêts impacte leur rémunération au sein de toutes les Banques Centrales. Toutefois, avec un peu d’ingéniosité, il est possible d’immuniser ces réserves contre une baisse des taux d’intérêt.

Pour finir, la BCEAO assure elle-même une gestion rigoureuse et orthodoxe de son compte d’exploitation. Ses détracteurs sont invités à mieux se documenter afin de dépassionner le débat et le ramener à une réalité plus simple. Il y va des intérêts de huit pays, au nom desquels tant de femmes et d’hommes au sein de la Banque Centrale, soucieux de l’essor de nos économies, ont eu à se battre depuis des décennies pour préserver un idéal communautaire qui ne mérite pas d’être sabordé.

Des pays africains, souvent et à tort cités en exemple, et où le dollar circule pourtant comme chez lui, sont là pour nous indiquer le chemin de la prudence.

La passion éloigne toujours du discernement et les plus regrettables déconstructions se sont opérées sous l’impulsion de ceux là même qui en étaient trop animés. Avant de supprimer le franc CFA, ce bel outil d’intégration, soyons sûrs de pouvoir disposer d’une autre monnaie, solide, convertible, stable, unique, bien mieux acceptée. Ce projet prendra du temps, autant de temps que la construction de cette même union monétaire commencée en 1962 et dont veulent se débarrasser, de manière bien trop théorique, ces aventuriers qui nous invitent à sauter dans le vide, sans aucun autre filet que leurs promesses d’un avenir meilleur.

Ibrahima Diop
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