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Politique Publié le mercredi 10 janvier 2018 | Partis Politiques

Nouveau régime juridique de la communication audiovisuelle et de la presse - Les explications de l’honorable Guibessongui N’datien.

© Partis Politiques Par dR
Personnalité politique - Dr Séverin N’Datien Guibessongui, Député de Niakara-Arikokaha-Tortiya.
Lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale pour l’adoption des deux projets de loi portant nouveau régime juridique de la presse et de la communication audiovisuelle, le Député Séverin N’Datien GUIBESSONGUI a fait de nombreux amendements à ces textes législatifs qui ont été adoptés. Pour mieux comprendre ces amendements et leurs motivations, nous avons réalisé cette interview pour éclairer nos lecteurs. Pour rappel, l’Honorable GUIBESSONGUI est Docteur en Droit et Avocat.

Le Patriote : En ce qui concerne le texte sur la communication audiovisuelle, vous avez demandé la création d’un chapitre I pour y insérer les articles 5, 6 et crée un article 7. A quoi répond la nouvelle disposition que vous avez proposée ?
Séverin N’Datien GUIBESSONGUI: Je dirais qu’elle répond à un souci de logique juridique formelle et interne. Les articles 5 et 6 du projet de loi n’étaient pas logés dans un chapitre. Ces articles n’annonçaient pas non plus les chapitres du titre II. Ce qui aurait pu justifier leur emplacement. L’article 5 du projet de loi concerne la nature juridique de l’Autorité de la Communication Audiovisuelle. Quant à l’article 6, il porte sur la détermination du siège de l’Autorité de la Communication Audiovisuelle. Ces deux articles, on le voit, ne portent pas sur les attributions alors que le précédent intitulé tendait à les y englober. Pour une meilleure cohérence structurelle conforme aux règles de la légistique, nous avons proposé un nouveau chapitre I intitulé comme suit : « CHAPITRE I : NATURE JURIDIQUE ET ATTRIBUTIONS ». Ce chapitre I nouveau devra comprendre les articles 5 et 6 du projet de loi portant sur la nature juridique de l’Autorité de la Communication Audiovisuelle et sur la détermination du siège social de ladite Autorité, tout comme les articles du chapitre I ancien portant sur les attributions. Aussi, pour un souci de cohérence, une reformulation des articles 5 et 7 du projet de loi s’imposait. L’article 5 amendé devient: « Il est créé une Autorité administrative indépendante dénommée la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle, en abrégé HACA, dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. L’Article 7 a été reformulé comme suit: « La HACA a pour mission d’assurer la régulation de la communication audiovisuelle. A ce titre, elle est chargée :…… ».

LP : Vous avez également fait un amendement selon lequel les subventions allouées par l’Etat à l’Autorité en charge de la régulation de l’audiovisuel lui soient exclusivement octroyées contrairement aux autres ressources que sont les redevances et contreparties financières que cet organisme devra partager avec d’autres structures intervenant dans le secteur de la communication audiovisuelle. Pouvez-vous expliquer votre amendement ?
SNG : Une contradiction semblait apparaitre entre les articles 49 et 129 du projet de loi portant régime juridique de la communication audiovisuelle. Alors que l’article 49 alinéa 1 octroyait toutes les contributions versées par les titulaires d’autorisation à la HACA, l’article 129 allouait ces contributions à plusieurs structures dont notamment la HACA, l’organisme en charge du soutien et du développement de la presse, l’organisme en charge du secteur de la publicité. Dun coté nous avions des contributions exclusives et de l’autre, des contributions partagées.
Nous avons donc proposé une réécriture de l’alinéa 1 de l’article 49 en indiquant que « les ressources de la HACA, sont constituées, en plus des subventions de l’Etat, d’une quote-part des redevances et contreparties financières versées par les titulaires d’autorisation ». Ces contreparties financières étant partagées conformément à l’article 129 du projet de loi et les redevances d’utilisation de fréquences devant également être partagées avec l’organe de gestion des fréquences, il est mieux indiqué de parler de « quote-part », chaque acteur recevant une partie conformément aux modalités définies par décret. Il ne s’agit donc pas de la totalité des parts qui revient à la HACA mais de « quote-part ». L’absence de clarification dans la loi pourrait prêter à équivoque et être source de confusion ou même d’incertitude. Tel est le mérite de notre amendement.
Dans ce même élan, nous avons amendé l’article 162 avec l’ajout d’un alinéa 2 afin de ne pas ignorer la quote-part à percevoir par l’organisme chargé de la gestion des fréquences conformément à l’Ordonnance n° 2012-293 du 21 mars 2012 relative aux Télécommunications et aux Technologies de l’Information et de la Communication et au décret n° 2015-198 du 24 mars 2015 fixant les modalités de paiement et de répartition de la redevance d’utilisation des fréquences radioélectriques. Le nouvel alinéa à l’article 162 est donc comme suit « A cet effet l’organisme chargé de la gestion des fréquences recouvre sa quote-part des frais d’utilisation et de contrôle des fréquences radioélectriques, et les frais d’autorisation, d’installation et de contrôle annuel des stations radioélectriques ».

LP : Vous avez relevé dans le projet de loi sur la communication audiovisuelle, une multitude de termes pour faire référence aux différentes ressources financières qui pour vous pourrait être sujets à interprétation ou à caution ?
SNG : Nous avons constaté que le projet de loi comportait une pluralité des termes pour faire référence aux différentes redevances ou contributions financières prévues en matière de communication audiovisuelle, sans tenir compte du sens que ces terminologies revêtent dans le droit positif ivoirien sur des matières identiques ou similaires. Notre amendement a consisté à harmoniser la sémantique des termes relatifs aux redevances, contreparties financières et droits d’accès aux fréquences avec celle des textes législatifs et réglementaires du secteur des Télécommunications et des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui, eux aussi, s’appliquent aux infrastructures et aux ressources rares utilisées dans le secteur de la communication audiovisuelle.

LP : Pourquoi avez-vous tenu à ce qu’au niveau de toute fourniture de service de communication, la précision se fasse pour que la HACA soit compétente en tout ?
SNG : Nous avons demandé l’insertion d’un nouvel article 80 ainsi rédigé : « L’autorisation de fournir un service de communication audiovisuelle est attribuée par la HACA. Elle est matérialisée par une convention assortie d’un cahier des charges ».
Le faisant, nous avons voulu faire une double précision pour une meilleure clarté de la loi. D’une part, il nous a paru nécessaire de préciser que la compétence de la HACA pour la délivrance d’une autorisation de fourniture de service de communication audiovisuelle ne doit pas être implicite mais explicite. D’autre part, de soumettre la fourniture de tout service de communication à l’autorisation préalable de la HACA indépendamment du type d’organisme (public, privé ou non-national). La compétence de la HACA s’étend donc indistinctement sur tout type de service de communication audiovisuel tel qu’indiqué.

LP : Vous avez demandé également que la HACA délivre les autorisations pour la fourniture de service de communication audiovisuel sur la base de conventions types et de cahiers de charges types préalablement approuvés par décret. Pourquoi ?
SNG : Nous avons fait un amendement tendant à compléter les dispositions du chapitre II relatif aux SERVICES DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE SOUMIS A AUTORISATION avec l’insertion d’un nouvel article 81 ainsi rédigé « les conventions types ainsi que les cahiers des charges types sont élaborés par la HACA puis adoptés par décret pris en Conseil des Ministres ».
L’objet de cet article 81 est de permettre une harmonisation du contenu minimum des cahiers de charges par voie réglementaire d’une part et leur approbation par décret d’autre part car il s’agit d’un acte juridique revêtant une nature réglementaire. Une harmonisation du contenu minimum des cahiers de charges et conventions-types permettra une meilleure régulation du secteur.
Sur la base de ces documents types, la HACA pourra élaborer les conventions et les cahiers de charges plus détaillés. Ainsi, les conventions types comme dans le cadre du secteur des télécommunications, encadreront à minima les autorisations et conventions que la HACA délivrera librement aux acteurs sectoriels. Il n'est donc en aucun cas porté atteinte au rôle du régulateur ni à ses prérogatives mais une distinction fonctionnelle entre la réglementation et la régulation.

LP : En quoi est-ce que l’assignation et l’utilisation d’une fréquence sont différentes ?
SNG : Un de nos amendements a porté sur l’article 122 et a consisté à distinguer « l’assignation de fréquences » de « l’utilisation des fréquences » qui renvoient non seulement à un sens différent mais aussi à un régime juridique distinct. Cet article en son alinéa 2, prévoyait que « En mode analogique, l’autorisation d’éditer qui vaut autorisation d’usage des fréquences est donnée au terme de la procédure d’usage des fréquences prévue par les articles 138 et suivants du présent projet de loi. ». Nous avons proposé d’écrire plutôt que « En mode analogique, l’autorisation d’éditer vaut assignation de fréquences radioélectriques ».
« l’assignation de fréquences » est un acte administratif délivré en vue de l’allocation de fréquences radioélectriques à des utilisateurs de bandes de fréquences alors que « l’usage des fréquences » est l’acte d’utilisation de ressources radioélectriques mises à dispositions ou assignées par l’autorité administrative (autorité de régulation ou gestionnaire des fréquences). Ainsi, distingué, le régime juridique en découlant est distinct. En effet, « l’assignation de fréquences » donne lieu au paiement d’une contrepartie financière, dont le montant est déterminé par l’affectataire à l’issue d’une procédure ouverte, alors que « l’utilisation des fréquences » donne lieu au paiement d’une redevance, dont une quote-part est recouvrée par l’agence de gestion des fréquences, tel que défini aux articles 55 et 57 de l’Ordonnance n° 2012-293 du 21 mars 2012 relative aux Télécommunications et aux Technologies de l’Information et de la Communication et au décret n° 2015-198 du 24 mars 2015 fixant les modalités de paiement et de répartition de la redevance d’utilisation des fréquences radioélectriques. En conséquence, nous avons amendé les articles 138 à 155, en précisant que l’autorisation ne couvre que l’assignation et que le montant des frais d’utilisation de fréquences sont fixés par décret.
Par cet amendement, nous avons évité un conflit de lois préjudiciable à une meilleure coordination et cohérence de l’action gouvernementale. Aussi, en notre qualité de législateur, avons-nous tenu compte de la qualité et de l’harmonie des normes juridiques que nous adoptons pour servir de socle ou de boussole à l’action gouvernementale.

LP : Au niveau de la presse, pourquoi tenez-vous que l’expression « régime juridique », figure en lieu et place de l’expression « les règles relatives » ?
SNG : C’est de la technique juridique. Le régime juridique étant l’ensemble des règles applicables à une matière donnée, nous avons estimé judicieux que l’article 2 soit amendé comme suit « Le présent projet de loi a pour objet de déterminer le régime juridique de la presse ».
Il faut dire que le projet de loi portant régime juridique de la Presse ne déterminait pas clairement son objet et l’étendue de son champ d’application. Sur ce dernier point, certains éléments du champ d’application sont introuvables tandis que d’autres se retrouvent dilués à l’article 84 curieusement.
Nous avons demandé qu’après les dispositions relatives à l’objet, que j’ai tenu à préciser, soient insérées celles relatives au champ d’application de cette loi. Ainsi, nous avons Inséré après l’article 2, un article 3 nouveau comme suit : « La loi concerne la presse écrite ainsi que les productions d’informations numériques » et obtenu le déplacement, par souci de cohérence, de l’article 84 ancien du projet de loi qui concerne en réalité le champ d’application de la loi, à la suite du nouvel article 3 inséré. L’article 4 nouveau devient: « Les dispositions du présent projet de loi s’appliquent également aux journaux, écrits périodiques ou productions d'informations numériques qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux enfants et adolescents ».
Ayant ainsi donné le sens positif du champ d’application, nous avons raisonné en creux en indiquant le sens négatif pour ce que la loi ne concerne pas. Ainsi le nouvel article 5 est comme suit: « Les dispositions du présent projet de loi ne s’appliquent pas aux publications scolaires »
.
LP : Pourquoi voulez-vous que l’on débaptise le Conseil national de la Presse en « Autorité nationale de la Presse » ?
SNG : C’est un souci de cohérence. Il s’agit de tirer les conséquences logiques de la nature juridique de l’organe de régulation de la presse sur sa dénomination et avoir une approche harmonisée sur ces catégories juridiques ou structures revêtant la nature d’Autorité administrative indépendante. Nous avons donc demandé la reformulation de l’alinéa 1 de l’article 40 comme suit : « Il est créé une Autorité administrative indépendante dénommée Autorité Nationale de la Presse, en abrégé ANP dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière ». Voyez-vous, au niveau du secteur de la communication, l’organe de régulation qui est une autorité administrative indépendante se dénomme Autorité de la communication audiovisuelle. Dans le secteur des télécommunications, c’est l’Autorité de régulation des télécommunications/TIC, dans le secteur des marchés publics il s’agit de l’Autorité de régulation des marchés publics et dans le secteur de la bonne gouvernance nous avons l’Autorité de la bonne gouvernance. Ces structures ont pour commun d’être toutes des Autorités administratives indépendantes et cette nature se reflète dans leur dénomination. Donc en lieu et place de « Conseil », nous avons précisé « Autorité ». C’est tout et rien d’autre ne change dans les attributions et prérogatives. Il faut juste que dans l’ordonnancement juridique, on soit constant et cohérent dans les termes utilisés dans les cas identiques ou similaires.

LP : pour ce qui est des entreprises de presse, quelles sont les raisons qui ont poussé à faire mentionner expressément qu’elles soient soumises aux dispositions de l’OHADA et non « aux dispositions en vigueur » ?
SNG : Il fallait être précis et avoir une cohérence juridique. En effet, l’Article 3 sur lequel mon amendement a porté dispose que « l’entreprise de presse est créée sous la forme d’une société commerciale. Ce qui veut dire que c’est une société commerciale qui doit être créée en respectant les formes de création des entreprises commerciales. Or, les dispositions en vigueur concernant les entreprises commerciales sont celles de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique. Cet amendement porté a le mérite de la clarté et de la cohérence juridique.

LP : Dans l’infraction de presse concernant la diffamation, pourquoi avez-vous demandé le maintien de la vie privée uniquement et la suppression les deux derniers tirets sur l’amnistie et sur la durée du fait qui remonte à 10 ans? Expliquez-nous pourquoi pour ces deux cas, il ne doit pas revenir au journaliste d’apporter la preuve de la véracité de ses écrits ?
SNG : L’article 99 consacre le principe de « l’exceptio veritatis » qui est un principe qui donne l’opportunité, aux acteurs de la presse, d’établir la preuve de la véracité de leurs écrits en cas de poursuite pour diffamation. Toutefois, cet article 99 ne manque pas de préciser les cas spécifiques dans lesquels il est interdit à l’auteur des écrits d’apporter la preuve du bien-fondé de ses allégations. Il en résulte que, dans ces cas de figure, l’auteur des allégations qualifiées de diffamatoires ne doit pas apporter la preuve de la véracité des faits qui lui sont reprochés.
Le premier cas d’exception (premier tiret de l’article 99) : « Lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne ». Cette exception ne pose aucun problème car la protection de la vie privée est un droit constitutionnel.
Le second cas d’exception (second tiret de l’article 99) : « lorsque l’imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ».
Il proscrit de façon absolue la possibilité de faire la preuve dès lors que les écrits se réfèrent à des faits qui remontent à plus de dix ans. Il en est ainsi de tous les propos ou écrits résultant de travaux historiques ou scientifiques ainsi que les imputations se référant à des événements dont le rappel ou le commentaire s’inscrivent dans un débat public d’intérêt général remontant à plus dix(10) ans. Une telle mesure d’interdiction, de par son caractère général et absolu, porterait atteinte à la liberté d’expression car elle n’est pas proportionnée au but poursuivi (c’est-à-dire éviter les abus de la liberté de presse). En France, le Conseil Constitutionnel a jugé qu’une telle limitation est inconstitutionnelle et méconnaît l’article 11 de la Déclaration de 1789. (cf. Décision n° 2011-131 QPC du 20 mai 2011, Mme Térésa C. et autre).
Il en est ainsi du dernier cas d’exception (dernier tiret de l’article 99) ou l’interdiction qui a un «caractère général et absolu » vise sans distinction tous les faits ou écrits dont « l’imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision ». (cf. Conseil Constitutionnel, 7 juin 2013, n° 2013-319 QPC).
Nous avons demandé le maintien de l’article 99 en l’amendant comme suit : « L’infraction de diffamation n’est pas constituée lorsque la véracité des faits qualifiés de diffamatoires est établie, sauf lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne ».

Interview réalisée par Jean-Claude COULIBALY/Le Patriote
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