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Société Publié le lundi 30 avril 2018 | L’intelligent d’Abidjan

Les cinq réformes nécessaires dans l’administration publique en Afrique

La fonction publique en Afrique face au défi de l’émergence,
Quels sont aujourd’hui les critères d’une administration publique efficace ?

La fonction publique en Afrique est accusée de tous les maux : elle est pléthorique, lente, désorganisée, peu ouverte au changement et à la modernisation. Les problèmes de corruption, l’absentéisme, sa forte politisation et son « ethnicisation », la rendent inefficace. Le mal est profond. Or, les Etats, désormais confrontés aux défis de plus en plus grands de l’émergence, soucieux d’améliorer leur capacité administrative, ont besoin de services publics qui répondent à des exigences de rapidité, d’efficacité et de rendement. L’administration est, pour les Etats, une arme indispensable. Conscients des travers de leurs administrations, ces mêmes Etats ont introduit des réformes. C’est le cas au Burkina Faso, au Bénin, en Côte d’Ivoire, des pays qui ont lancé un observatoire des services publics, afin d’aller, dans un contexte de compétition mondiale, vers plus d’organisation, de qualité et d’efficacité du secteur public. L’objectif est de répondre aux attentes des citoyens, les services publics étant la seule richesse des plus pauvres, un facteur d’égalité pour tous les citoyens et un vecteur du développement pour tous les secteurs de l’économie. On sait que la réussite dans les initiatives de reconstruction d’un pays et de son économie induit une réelle reconstruction institutionnelle et administrative. Or, la culture politique africaine est, depuis les indépendances politiques des années 1960, une entrave à la modernisation de l’administration, ce qui fait qu’aujourd’hui les pays manquent d’agents de l’État qualifiés, , correctement rémunérés, respectés par les usagers des services et motivés par la reconstruction du pays. Or, les faiblesses administratives ralentissent la marche vers l’émergence en ralentissant la reconstruction de l’Etat.

Trop de fonctionnaires ?
On a longtemps dénoncé le trop grand nombre de fonctionnaires dans les pays africains. La légende veut que, contrairement à ceux de l’Afrique anglophone, les systèmes éducatifs de l’Afrique francophone forment des fonctionnaires. La Banque mondiale, lors des « ajustements structurels » des années 1980, a alors obligé les différents gouvernements africains à dégraisser les effectifs. Conséquence : aujourd’hui, les services publics ne sont plus confrontés au sureffectif. Selon les dernières statistiques de l’Observatoire des Fonctions Publiques Africaines (OFPA), en Afrique francophone, les agents permanents de l’Etat représentent en moyenne 1 % de la population, alors que le taux est de 9 % en France. Certains pays affichent un ratio plus serré ; ainsi, 0,41 % seulement des Tchadiens émargent au budget de l’Etat, Le défi que doit relever l’administration africaine est désormais celui de l’efficacité, ce qui suppose des agents qualifiés, rémunérés correctement et payés régulièrement, afin de les motiver et de lutter contre la corruption. La motivation est en effet le principal problème : les moyens pour les payer correctement et régulièrement, manquent encore. Les Etats paient irrégulièrement leurs fonctionnaires, au gré des rentrées. Certains Etats doivent à leurs agents des arriérés de salaire. En Côte d’Ivoire, depuis janvier 2018, le début du paiement des stocks d’arriéré de salaire des 120.000 fonctionnaires fait polémique. Le Niger, qui doit à ses fonctionnaires 41 milliards de francs CFA d’arriérés, à défaut de les payer, leur propose des terrains ou la possibilité d’achat de leur logement de fonction.

Améliorer les conditions de travail, introduire la notion de mérite et rendre transparents les systèmes d’avancement
Les fonctionnaires africains sont aussi démotivés par leurs conditions de travail : locaux rudimentaires, voire insalubres, absence de moyens informatiques, formation professionnelle inexistante, manque de considération, systèmes d’avancement très opaques. Les agents de l’Etat réagissent par un fort taux d’absentéisme, l’Etat, qui a mauvaise conscience en raison des arriérés qu’il doit, ferme les yeux. Le développement économique et social dépend, pour une large part, de l’efficacité des administrations chargées de suivre les activités commerciales et industrielles, de recouvrer l’impôt et les taxes, afin de financer les politiques régaliennes, les investissements productifs et les politiques sociales. Le Trésor public perd des milliards de FCFA, l’inefficacité des services publics entraînant une faible mobilisation des ressources propres (recettes fiscales, douanières, taxes diverses), ce qui provoque de fortes tensions budgétaires en période de crise. La Côte d’Ivoire a dû faire face, récemment, à des dépenses imprévues : exigences des ex-rebelles, crise du cacao, demandes sociales fortes, etc. L’Etat doit donc motiver ses agents, reconnaître le mérite des modèles, assidus à leur travail. Un système de notation et d’avancement fondé sur le mérite doit venir concurrencer le vieux système de l’avancement à l’ancienneté. Les agents doivent pouvoir déposer un recours en cas d’injustice flagrante. On peut imaginer aussi toute une série d’avantages matériels qui contribuent à légitimer le rôle des agents (téléphone portable, tablettes).

Les réformes administratives nécessaires
Des réformes sont nécessaires, afin d’aller vers un management public moderne au service du développement économique et social, de la croissance inclusive et de la démocratisation des sociétés. L’absence de reddition de compte, c’est-à-dire la présenter d’un compte pour qu’il soit examiné, et la gabegie dans les services publics sont des obstacles à la démocratisation des sociétés. L’administration souffre aussi de nominations, affectations, recrutements, voire attributions de marchés publics qui sont plutôt des « récompenses » accordées à des affidés, dans une logique de rente électoraliste malgré l’incompétence de ceux qui sont recrutés ou promus. L’ascenseur social est ainsi bloqué. L’Afrique peut-elle continuer ainsi ? Cinq grandes réformes administratives sont nécessaires afin de moderniser l’administration et la mettre en capacité d’accompagner le développement et la démocratisation du continent : 1) la dépolitisation de l’administration 2) la gestion des ressources humaines 3) le pilotage et l’évaluation systématique des politiques publiques. Selon Louis-Marie KAKDEU (1), « Il s’agit de repenser et d’adapter à l’Afrique la Nouvelle Gestion Publique (introduction des objectifs et des indicateurs de performance) dont on parle depuis la fin des années 1990 mais, qui a été engloutie par le poids de la bureaucratie. » 4) la réforme du management de l’information et des documents administratifs 5) la contractualisation, l’externalisation et la délégation des tâches administratives suivant les principes de subsidiarité, d’efficacité et d’efficience.
Il existe deux rêves absurdes, celui porté par des régimes totalitaires qui rêvent d’un Etat sans économie, celui des ultralibéraux qui rêvent d’une économie sans Etat et sans administration. L’Etat-régulateur, stratège, et son administration sont des vecteurs de progrès économique et de justice sociale, indispensables dans la modernisation des pays africains.
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