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Société Publié le mercredi 12 septembre 2018 | L’intelligent d’Abidjan

De l’intervention du Ministre Hamed Bakoyoko à Abobo

Il est de notoriété publique que notre pays rentre dans une période de joutes électorales. Dans la préparation de celles-ci, un candidat, en l’occurrence le Ministre Hamed Bakayoko était récemment à Abobo en vue de prendre langue avec son électorat. Aussi, a-t-il donné son point de vue sur la question de la préservation du bien-être des populations.
La campagne insidieuse qui en a été faite sur les réseaux sociaux constitue, pour le chercheur, une hypothèse d’école. Ce discours, pourtant très clair, a été manipulé par des techniques qu’il convient de décortiquer. Dans ce cadre, plusieurs interrogations nous ont interpellés quant au mécanisme d’implémentation de la cabale avec son corollaire de distorsion du message en vue de combattre un adversaire politique.
Comment faire dire à ce qui a été dit ce qu’il n’a pas dit ? En d’autres termes, pourquoi pervertir les propositions de l’adversaire en vue d’en faire, soi-même, un argument de campagne ?
Pour répondre à cette question, la présente proposition a mis l’accent sur les techniques utilisées pour corrompre le discours, d’une part, et, d’autre part, une étude sémantico-structurale qui aidera à mettre en lumière la faillite de ces entreprises pernicieuses et dangereuses.

1-Les techniques de distorsion du message comme moyen d’intoxication.

Convenons avec François-Bernard Huyghe que « La désinformation consiste à propager délibérément des informations fausses en les faisant apparaître comme venant de sources neutres ou amies pour influencer une opinion et affaiblir un adversaire ». Ainsi, parvient-on, en utilisant les dires d’une personne, à l’attaquer au moyen de la mascarade ce que nous tenterons de démontrer. De prime abord, rapportant in extenso les paroles de M. Hamed Bakayoko «A partir de maintenant, si vous croisez quelqu’un qui veut vous humilier, si vous croisez un policier ou un gendarme qui veut vous fatiguer, dites-lui attention je suis la maman, je suis le frère de Hamed Bakayoko et vous allez voir. Je vais veiller à ce que vous soyez protégés, respectés...» Voici, libellé, la relation neutre de cette intervention. Ce travail montrera ce que l’on a fait dire à ce qui a été dit et surtout pourquoi.
Ces amalgames ont plusieurs buts : décrédibiliser et surtout fabriquer à celui qui parle des ennemis. Comment ? Démontrons-le.

1. a. La massification de l’information erronée.

Entendons par massification, la fausse impression que plusieurs personnes relaient la soi-disant information. Cela passe par la création de plusieurs faux profils sur internet qui donnent différentes variantes des propos tronqués sans changer sa substantifique moelle. Cela à deux avantages : La majorité des personnes abusée ne trouve plus nécessaire d’écouter la version originale ou, quand elle le fait, est surdéterminée parce qu’elle a entenduad nauseam. La fausse information devient une évidence et tombe dans le « il paraît que… ». Certains par contre, se chargent de « résumer » l’information originale.

1.b- Le résumé pernicieux de l’information.

Résumé c’est rendre de façon succincte une information. Cet acte n’est pas anodin. Il est fortement idéologique car il s’agit de choisir, de réduire ou de supprimer des pans entiers de structures discursives au gré souvent de ses intérêts.
Dans cette veine, intéressons-nous au résumé deCote D’ivoire info du 6 septembre 2018 sur la chaîne Youtube : «Désormais à Abobo, si tu es un voleur qu’un policier t’attrape, dis-lui que tu es le frère de Hamed Bakayoko et il te relâche. »
Comme constaté, les « résumeurs » travestissent, dans une quasi pantalonnade, la thèse originale en vue de manipuler les masses qu’ils savent fragiles. Ils invitent de façon implicite à ne plus chercher à voir cette information car ils l’ont déjà fait pour vous.
Intéressons-nous à l’intervention du sieur Harris Sumo du 8 septembre 2018 qui réagit à ce résumé de Côte D’ivoire info du 6 septembre 2018 : «Mes frères gendarmes et policiers, le message est pour vous ohhhh, méfiez-vous d’Abobo ne vous mêlez pas de ce qui vous regarde pas ohhh sinon ils vont vous tuer svp. ». Imaginez-vous le nombre de personnes à qui Harris Sumo fera un compte rendu de ce qu’il n’a jamais entendu et ce que ceux-ci en feront ! À ce titre, Hermann Hesse a raison d’écrire que “L'être humain ne dispose pas d'une grande capacité de penser; même le plus intellectuel et le plus cultivé des hommes voit le monde et sa propre personne à travers un prisme de formules très naïves, simplificatrices, qui travestissent la réalité.”
Nous assistons clairement à une déformation du couple cause-conséquence. Hamed Bakayoko soutiendrait donc que:
- policiers et gendarmes ne doivent pas faire leur travail.
- On peut tuer impunément à Abobo.

Constatez avec moi l’absurdité de cette manipulation qui devient, si nous nous taisons, une vérité. Une autre technique consiste à utiliser notre petite intelligence en faisant des amalgames du genre « parce qu’il est Ministre de la Défense, il va effrayer les policiers et les gendarmes en vue de faire d’Abobo un far-west ! ». La concomitance entre le Ministre Hamed Bakayoko et le candidat Hamed Bakayoko est trop subtile. Il évoque un thème crucial pour une cité réputée criminogène. Le fait-il en tant que citoyen ayant une ambition de diriger la commune ou Ministre en charge de la Défense. Cette concomitance se transforme en brèche pour affaiblir et frapper de négativité le discours.

1-c- La manipulation subliminale de la concomitance.

La mascarade à laquelle il nous est donné d’assister utilise aussi le rationnel mais de manière subtile. Hamed Bakayoko n’est pas un personnage lambda dans ce pays. Cet aspect donne tout son poids à une instance essentielle de l’énonciation : Qui parle ? Ce qui influe largement sur une autre, de quoi parle-t-il ?

11- Etude structurale du discours de Hamed Bakayoko: L’énonciation.

Etudier l’énonciation nous confrontait à deux moyens d’analyse : celui de Jakobson et celui de Bulher. L’analyse s’articulera autour du premier. Ce schéma beaucoup plus détaillé montre que l’acte d’énonciation met en branle plusieurs entités dont la concaténation >>>>>> >>>>>> produit le sens.

-Le destinateur du message.
L’auteur de l’énoncé de l’étude est, dans l’ordre protocolaire du Gouvernement, Ministre d’État. Il a dirigé le Ministère de la Sécurité Intérieure et est, en ce moment, chargé de la Défense.
Ce statut surdétermine fortement ce qui est dit car le destinateur est tributaire de la fonction expressive. Ici, il est bon de se demander si celui qui parle est Hamed Bakayoko, citoyen candidat à la mairie d’Abobo ou M. le Ministre Hamed Bakayoko ? Était-il dans le cadre de sa fonction régalienne ou à un meeting. Rappelons que les partis politiques sont des organisations privées. Il est clair que ce n’était pas dans le cadre de son travail officiel. Voici ou réside la manipulation subliminale des plus fragiles ! Si un maçon, candidat à la mairie, soutient que la ville sera reconstruite, le dit-il en tant que maçon ou en tant que futur gestionnaire des priorités de la commune ? La réponse est évidente.
Il est bon de rappeler que, de par ses fonctions officielles, évoquer le thème de la sécurité donne plus de poids à ce qu’il dit. Il est une instance crédible donc de validation de cette thématique. Ce sujet sera un point fort de sa campagne or celui-ci est essentiel pour l’électorat à Abobo. Pervertir le point fort de l’adversaire est donc capital. Jetons un regard sur le message lui-même.

-Le message.
La vidéo montre M. Hamed Bakayoko en tenue décontractée donnant son message sans le médiateur d’un texte écrit. Loin des discours officiels policés et éminemment calibrés. Ce sont des paroles à la cantonade où la fonction poétique du discours est fondamentale. Ce type de discours, qui appartient à la harangue et à la mobilisation, ne se surcharge pas de formalisme. L’objectif est de présenter ses projets de façon métaphorique et simple pour tout le monde. Comme on le dit communément ce n’est pas le lieu, ni le moment, de parler « gros gros français ».

- Le contexte
Ici, c’est un moment où le candidat vient créer un contact intime avec ses électeurs. Il vient briser la glace qui sépare ce qu’il représente dans la vie de la nation et ce qu’il sera en tant que premier citoyen de la ville. Nous sommes loin des espaces feutrés et sur une place publique où il est pratiquement collé à l’auditoire. Ce qui donne d’ailleurs tout son sens à cette instance : La fonction référentielle.
Il dit clairement « si quelqu’un, un policier ou un gendarme, tente de vous humilier… vous fatiguer.. », il parle explicitement de la minorité de policiers et de gendarmes qui, sous le prétexte fallacieux de chasse aux microbes, fait des rafles intempestives avec leur cortège de tractations en vue d’une libération. À ce titre, cela rentre dans les attributions du Maire qui a un pouvoir de police. Nous avons ici un discours simple direct, en situation, donc exophorique.
Toute l’épine dorsale de cette intervention réside sur les termes « fatigués, humilié » qui sont des mots dépréciatifs qui s’opposent au mot « protégé » qui, lui, est mélioratif. Ces mots disparaissent étrangement de l’intervention des rapporteurs de mauvaise foi et nous tombons dans la caricature.

- Le code
Le candidat utilise un ensemble de représentations métalinguistiques pour se rendre accessible. Des mots comme : maman, frère, sœur, protégé, respecté…. Il n’évoque pas par maman et frère une relation biologique. Pour l’Africain c’est un signe de proximité, d’uniformité et de socialité. La sémantique pragmatique impose, ici, en toute bonne foi, de mettre en relation le sens littéral du discours et le contexte situationnel. Ce que les manipulateurs oublient royalement de faire.

Postulat de conclusion.

L’analyse a essayé de démontrer que le discours du candidat Hamed Bakayoko à Abobo est resté dans le cadre des attributions de tout Maire : Veiller au bien-être des populations. Il n’y a pas de bien-être sans sécurité et respect de la personne humaine. La cabale, en cours en ce moment, contient les germes de sa propre faillite car elle soutient le contraire de ce qui a été dit.
Ce type de campagne de désinformation étend, de plus en plus, sa substance vénéneuse dans tout le corps social avec ses risques de dérapage. Derrière la cagoule de leurs faux profils, ces personnes sapent dangereusement les fondamentaux de notre unité nationale et tendent à vouer aux gémonies des franges de notre population. J’invite mes collègues universitaires à nous rejoindre sur le front du rétablissement de la vérité, où qu’elle se trouve, loin des diatribes enflammées, mais par la démonstration froide et neutre de la science.

Docteur Issan Degbeh, Université Péléforo Gon Coulibaly.
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