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Société Publié le mercredi 20 mars 2019 | L’intelligent d’Abidjan

Emballage Ciment : la Côte d’Ivoire ferait-elle marche arrière ?

Ce que risquent les Ivoiriens ?

Par décret n°2013-327 en date du 20 mai 2013, le Gouvernement Ivoirien a procédé à l’interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation, de la détention et de l’usage du plastique. Ce décret qui devait connaître une application effective à compter de novembre 2014 a toujours peiné dans sa mise en œuvre du fait de puissants lobbys financiers dont les intérêts s’avéraient menacés.
Six ans après aucune répression du recours au plastique n’a été mise en œuvre et il continue à prospérer sur nos terres pendant que dans un pays africain tel que le Rwanda, la menace que constitue le plastique a été prise à sa pleine mesure et son interdiction est totale et effective depuis l’année 2004.

Pis, une prolifération sans précédent de ces emballages a pu être freinée in extremis par le Ministre du Commerce de l’Industrie et de la Promotion des PME Souleymane DIARRASSOUBA, le 14 décembre 2018, à travers un arrêté interdisant tout autre conditionnement que le papier kraft pour le ciment produit et vendu en Côte d’Ivoire.
Son Ministère avait eu échos de ce que l’actualisation de la norme CODINORM pour le ciment ne faisait plus référence au conditionnement en papier, et que ce changement aurait été initié sans consulter, au préalable, les cimentiers ou leur association représentative ; et que d’autre part, un nouvel acteur cimentier avait commencé la commercialisation de son ciment dans des sacs en polypropylène (PP). Il faut noter qu’à l’échelle de la production nationale annuelle de ciment, c’est 100 millions de sacs en plastique supplémentaires qui seraient déversés sur notre territoire si toute l’industrie du ciment opte pour le sac en matière plastique.
Pourtant cet arrêté fort providentiel du Ministre du Commerce de l’Industrie et de la Promotion des PME a fait l'objet d’une dénonciation auprès du Premier Ministre, de la part des industriels du plastique. Ils ont saisi le chef du gouvernement pour arbitrage au motif que son Ministre n’a pas pris une décision juste et rigoureuse.
Ainsi saisi et sollicité le 17 décembre 2018, par un groupement composé de trois producteurs de sacs en Polypropylène (PP) et de trois cimentiers, appuyés par la Chambre de commerce libanaise, en vue d’annuler le dit arrêté, le Premier ministre Amadou Gon Coulibay a instruit Ahoutou Koffi, son directeur de cabinet, d’initier une rencontre avec les différents acteurs, en vue d’avoir plus d’informations sur le sujet.
Selon Emmanuel Ahoutou Koffi, l’objectif des rencontres était de recueillir toutes les informations nécessaires pour permettre au gouvernement de prendre une décision définitive, qui prendrait en compte les intérêts des consommateurs, de l’environnement et des investisseurs.

Cette consultation pourrait-elle aboutir à l’annulation de l’arrêté du Ministre du Commerce de l’Industrie et de la Promotion des PME ?

Pourrait-elle faire de la Côte d’Ivoire un pays qui fait la promotion du plastique ?

Pourrait-elle changer le quotidien des citoyens Ivoiriens, voir impacter le futur des générations à venir ?

Examinons les arguments avancés par ceux qui soutiennent le sac en matière plastique et ceux qui leurs sont opposés.
L’argument principal avancé et soutenu par les supporters de l’utilisation du sac polypropylène pour le conditionnement du ciment est l’amélioration du pouvoir d’achat du citoyen Ivoirien. Selon eux, la différence de prix entre le sac en papier Kraft et celui en polypropylène permettrait une économie entre 500 et 800 FCFA TTC par tonne de Ciment, soit 25 et 40 FCFA par sac de Ciment de 50 kg.
Cette différence maximum de 40 FCFA représente une économie de 0,5 % sur le prix d’achat du Ciment, si effectivement, elle est répercutée sur le prix de vente du Ciment, et que le citoyen Ivoirien en bénéficie.
Selon nos informations, le problème est que cette économie potentielle est éphémère et volatile, parce qu’elle est liée à l’évolution du prix des matières premières, qui, rappelons-le, pour le polypropylène est très fluctuant et dépend fortement des variations du prix du pétrole.

Ainsi la volatilité des prix du polypropylène ne permet pas aux producteurs de sacs en plastique d’offrir des validités de prix sur de longues durées (trimestre généralement), alors que les producteurs de sacs en papier kraft, ont assuré s’être toujours engagés sur une stabilité des prix d’au moins 6 mois, voire une année.
Le second argument pour les adversaires du papier est le fait qu’ils ne voient aucun inconvénient ou problème à conditionner le ciment dans des sacs en polypropylène, au même titre que le riz, la farine et le sucre. Pourtant à en croire, les informations en notre possession, il y’a bel et bien des inconvénients réels et forts sérieux.
Ainsi au niveau des données chiffrées, l’on note que la consommation annuelle de la Côte d’Ivoire pour ces 3 matières que sont le riz, la farine et le sucre (en conditionnement de 50 kg) ne dépasse pas 200000 tonnes, soit 4 millions de sacs équivalant de 50 kg, alors que le marché du ciment est exclusivement conditionné dans des sacs de 50 kg totalisant un volume 100 millions de sacs approximativement comme nous le soulignions ci-dessus. De ce fait, il apparaît très risqué, aux dires des industriels du papier, de faire une extrapolation d’un segment à l’autre, et de créer des incidences sur l’environnement des populations.
Par ailleurs, toujours selon les industriels du papier kraft, les promoteurs de l’emballage en plastique n’ont pas une capacité de production suffisante pour couvrir le besoin de 100 millions de sacs pour le secteur du ciment, un chiffre qui sera appelé à augmenter rapidement avec la mise en service des nouvelles capacités de production de ciment.

Ils ont ajouté que le risque de voir la Côte d’Ivoire basculer, de nouveau, à un statut d’importateur d’emballage est bien réel, si le ciment est conditionné en sacs polypropylène, alors que ce risque est totalement nul avec les sacs en papier Kraft.
Un troisième point est le caractère fort polluant de ces sacs en matière plastique malgré ce qu’en disent les industriels de ce secteur. En effet, les sacs en polypropylène ne sont pas biodégradables. Chaque sac polluera, d’une façon agressive la faune et la flore, pendant une période allant de 40 à 50 années, qui correspond à la durée nécessaire pour voir ces sacs se dissoudre dans la nature. Chaque million de tonnes de Ciment conditionné dans des sacs en polypropylène représente 20 millions de ‘’grands’’ sacs qui ne disparaîtront que dans 40 à 50 années. Les possibilités de recyclage du sac Ciment usagé en polypropylène sont très limitées car d’une part, les structures de recyclage ne sont pas nombreuses en Côte d’Ivoire et ne couvrent pas l’ensemble du territoire, et d’autre part la collecte des sacs usagés est très peu développée, voire inexistante sur une grande partie du territoire Ivoirien.

D’ailleurs, nombre de pays africains, à l’instar de beaucoup d’autres pays dans diverses parties dans le Monde, ont déjà banni l’utilisation du sac plastique du fait de leur impact négatif sur l’environnement. Cet impact est d’autant plus grand lorsqu’ils ne sont pas correctement collectés et recyclés, ce qui est le cas, malheureusement, de la Côte d’Ivoire.

À son opposé, le sac en papier est totalement biodégradable et il ne lui faudra qu’une courte période (moins d’une année) pour le voir complétement dissout dans la nature, et ce sans impact négatif sur l’environnement. De plus le papier utilisé provient de forêts européennes gérées d’une façon durable et certifiées, établissant ainsi que l’exploitation qui en est faite est respectueuse des plus hauts standards de développement durable. Les forêts Ivoiriennes sont totalement préservées et ne souffrent d’aucune façon de la production des sacs en papier kraft pour Ciment.
Le cinquième point porte sur le fait que les sacs en polypropylène de par la nature de la matière première utilisée, leur processus de fabrication mais aussi au vu de celui d’ensachage chez les clients Cimentiers, ne sont pas (et ne peuvent pas être) étanches. En effet, il est nécessaire que ces sacs soient perforés afin de permettre l’ensachage chez les Cimentiers. Ces perforations ‘’artificielles’’ mais aussi la nature de la valve de fermeture des sacs en polypropylène laissent passer du Ciment lors du remplissage, mais aussi lors du transport et des différentes manipulations chez les clients. Ces fuites de Ciment anéantissent les efforts consentis par les Cimentiers pour la protection de l’environnement consistant en la réduction des émissions de particules polluantes dans l’air. Une grande partie des investissements dans l’environnement est alors perdue.

Ces mêmes fuites sont à l’origine de risques importants liés à la sécurité routière car, avoir du Ciment sur la surface de ces sacs les rends glissants les uns aux autres, et ne permet pas la stabilité des chargements lors du transport, ce qui induit un grand risque de chute de sacs de Ciment pleins sur les routes. Les accidents impliquant des camions transportant du ciment sont légions et le recours au polypropylène ne contribuera qu’à les accroitre.

En définitive, tous les pays de la région, à l’exception de quelques-uns tels que le Nigéria, le Liberia et le Sierra-Leone… ont pris une position très tranchée sur le conditionnement du sac Ciment : seuls les sacs en papier sont autorisés ! Aucun pays ayant adopté un décret interdisant le plastique n’a ensuite pris des mesures le réintroduisant dans un secteur en pleine croissance de son économie. Procéder ainsi ferait de la Côte d’Ivoire le premier pays à faire montre d’une telle contradiction !!!

Il importe de se poser les bonnes questions, car autoriser le recours au polypropylène pour l’emballage du ciment reviendrait pour le Gouvernement à renier le décret pris en novembre 2013 et portant interdiction totale du plastique, mais aussi l’arêté de décembre 2018 concernant l’obligation du recours au papier pour le conditionnement du ciment.

En effet, une chose est de ne pas être capable de freiner la prolifération du plastique, une autre serait d’adopter des dispositions qui viendraient instituer une situation pire pour l’environnement que celle existant avant la prise du décret.
Les regards sont désormais tournés vers le Premier ministre, chef du gouvernement, à qui le directeur de cabinet Emmanuel Ahoutou, a promis de rendre compte fidèlement des arguments des uns et des autres. Les consommateurs ivoiriens, et les protagonistes de la question observent.

Une contribution de Justice Konan
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