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Société Publié le jeudi 16 mai 2019 | Le Patriote

Entretien/ Djiké Vincent (Ex-membres des Forces spéciales LIMA) : L’ouest n’a pas besoin de monument aux morts

« Nous ne voulons plus être manipulés »
« Ce que nous voulons, c’est le développement et non les bruits de canon »
« Depuis 2002, nous avons été manipulés »

Djiké Vincent, Sonhon Thomas, Kuato François, Nioule Fulgence, tous des ex-combattants wê, étaient dans nos locaux le dimanche dernier. Conduits par Djiké Vincent (Secrétaire général des ex-combattants wê et ancien membre des Forces spéciales LIMA de Toulepleu), ils disent avoir fait le déplacement pour épargner à leur région d’autres morts causées par une crise. Avec pour slogan « Zéro mort en 2020 », ils disent n’avoir besoin d’aucun monument aux morts. Entretien !
Le Patriote : En tant qu’ex-combattant, comment appréciez-vous la situation socio-politique actuelle du pays?
Djiké Vincent : La situation était calme jusqu’à une date récente. A l’approche de 2020, année électorale, les discours se font plus virulents et cela nous inquiète. Nous sommes d‘autant plus inquiets que comme les années précédentes, si rien n’est fait, notre région va encore payer le plus lourd tribut. C’est pourquoi, nous avons décidé de prendre notre bâton de pèlerin. Nous avons fait la guerre, nous savons ce que cela implique. Notre rôle est donc d’aller sur le terrain pour sensibiliser nos jeunes frères et leur demander de ne pas écouter les hommes politiques qui tirent un malin plaisir à nous voir souffrir. Depuis 2002, il y a eu plusieurs crises dans ce pays. C’est toujours chez nous à l’ouest qu’il y a des tracasseries. Nous, la jeunesse, sommes fatigués. Puisque c’est toujours la jeunesse qui est manipulée. C’est la jeunesse qu’on utilise. Il nous a paru donc opportun de lancer l’opération : « 2020, zéro mort dans le grand ouest ». Nous voulons dire non, non partout en Côte d’Ivoire mais précisément dans nos régions de l’ouest. Nous ne voulons plus voir de sang couler dans notre zone.
LP : Vous tenez donc à sensibiliser vos jeunes frères ?
DV : Nous pensons que c’est notre devoir de le faire. Nos frères ont besoin de sensibilisation. Nous ne voulons pas avoir des victimes à l’ouest. Pour des raisons que nous ignorons, la jeunesse de chez nous est manipulée. On prend l’ouest comme une zone d’expérimentation de la politique de destruction de la Côte d’Ivoire. Surtout que c’est une zone où le chômage, le manque d’emplois est une réalité. Des politiciens trouvent alors un terrain fertile pour la réalisation de leur sale besogne. Les jeunes sont prêts à accepter des miettes, même au péril de leur vie, pour suivre des hommes politiques. Depuis 2002, nous avons été manipulés. Aujourd’hui, nous ne voulons plus de manipulation et nous allons le dire à nos jeunes frères et à nos parents. Nous devons comprendre aussi que les temps ont changé et que mourir pour un homme politique ne doit plus être le slogan des jeunes de notre région.
LP : Qu’est-ce que vous entendez par manipulation ?
DV : C’est simple, par le passé, nous ne faisions pas la guerre. Beaucoup d’entre nous avaient des occupations. Moi qui vous parle, je suis artiste. Un matin, on nous appelle, on nous organise, on nous dit de retourner au village pour défendre nos parents qui ont été attaqués. Nous nous substituons aux forces de l’ordre et armes en main, nous retournons. Nous nous lançons sur le terrain dans le but de défendre nos parrains. A l’arrivée, qu’avons-nous eu ? Rien. Aucun d’entre nous ne travaille aujourd’hui. Je pense que nous devons nous-mêmes nous remettre en cause. Qu’est-ce qu’on a eu et pourquoi accepter encore d’être manipulé alors que devant nous se dessine le développement. Nous devons faire notre mea-culpa. En tant qu’ex-combattants, nous avons été démobilisés avec les moyens qui accompagnent la démobilisation. Le moment est favorable pour nous de nous insérer dans le tissu social. Nous devons saisir cette aubaine et non nourrir l’idée d’une éventuelle guerre que certains politiciens souhaitent. C’est pourquoi, nous dénonçons avec la dernière énergie le terme génocide utilisé par l’ex-Première dame récemment à Duékoué, dans le cadre de la célébration de la fête de la liberté 2019 des « Gbagbo ou rien ».
LP : Que pensez-vous du projet de Simone Gbagbo d’ériger un monument aux morts à Duékoué ?
DV : Nous n’en voulons pas. C’est une mauvaise inspiration. Qui veut réveiller la douleur de nos populations ? En 1970, on nous a parlé de la guerre en pays guébié. Là-bas, aucun monument n’a été construit. Pourtant Laurent Gbagbo a dirigé ce pays pendant 10 ans. Il pouvait le faire. Il ne l’a pas fait. Pourquoi c’est chez nous que Mme Gbagbo veut réaliser cela ? Les gens veulent réveiller les tensions chez nous à l’ouest. Ce n’est pas bon. On aurait applaudi des deux mains si elle avait annoncé la construction de routes, d’écoles, de centres de santé… mais un monument aux morts, Duékoué dit non. Le Cavally dit non. Le Guemon dit non. Tout le grand ouest dit non. Nous voulons dire à nos frères que les Wê ne sont pas des va-t-en-guerre. Il faut qu’on ait maintenant une autre image du peuple Wê. Nous sommes un peuple courageux. Nous avons plusieurs atouts. Essayons de les mettre en valeur que de compter sur la guerre. Nous voulons effacer cette période difficile. J’invite les jeunes Wê en général et les ex-combattants en particulier à rejeter la violence sous toutes ses formes, à ne pas céder à la manipulation. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est la cohésion sociale, c’est l’apaisement, la paix, qui sont indispensables au développement de nos régions et à l’épanouissement de notre jeunesse.
LP : Votre appel aux cadres de la région.
DV : Il faut que les cadres aillent dans le sens de la cohésion et surtout occupent les jeunes pour qu’ils ne se lancent plus dans le maniement des armes. Le temps est venu aussi pour les jeunes de prendre conscience. J’avais 21 ans à l’époque. Aujourd’hui, je suis dans la quarantaine. Je me suis lancé dans cette guerre, j’ai tout perdu. Alors que j’avais devant moi, une belle carrière musicale qui se dessinait. Je ne suis plus rien. Je n’arrive même pas à joindre les deux bouts. Si je continue dans ce sens ça ne peut pas m’arranger. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’arrêter et de suivre une politique de développement. Rentrons dans le développement. Le pouvoir change d’un moment à un autre. Arrêtons les rancunes. L’axe Blolequin-Toulepleu aujourd’hui fait la fierté de notre région. Ce qui était inimaginable il y a quelques années devient une réalité. Nous ne pouvons qu’en être fiers. Soutenons les acteurs de ce développement avec en tête le président de la République Alassane Ouattara, dont la politique est valablement relayée sur le terrain par la ministre Anne Ouloto. Nos régions sont très en retard, comparativement aux autres régions.
LP : Comment expliquez-vous ce retard ?
DV : En grande partie par les incompréhensions entre nos cadres qui rejaillissent sur les populations. Par le passé, les gens avaient des difficultés à s’accorder sur l’essentiel qui est le développement pour faire la politique politicienne. Aujourd’hui, avec le temps, nous comprenons que si nous ne faisons rien, nous serons la risée des autres populations bien que notre région soit le grenier de la Côte d’Ivoire.
Réalisée par TL
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