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Politique Publié le mardi 12 novembre 2019 | Le Nouveau Réveil

Il y a 30 ans le mur de Berlin tombait / Essy Amara fait des révélations : « Houphouët-Boigny et l’illusion communiste »

© Le Nouveau Réveil Par DR
Essy Amara, candidat déclaré à l`élection présidentielle d`octobre 2015
Le Président Houphouët-Boigny avait toujours proclamé haut et fort que le Communisme n’allait jamais fêter son centenaire. En effet, le 9 novembre 1989 fut la chute du mur de Berlin qui sonna le glas du Pacte de Varsovie et deux ans plus tard l’effondrement du Bloc Soviétique.

Aujourd’hui, les journaux de toutes les Capitales du monde Est-Ouest-Nord-Sud consacrent de longs développements sur ce mur qui, en réalité, s’étendait sur 160 km, 3,60 m de hauteur et 300 miradors qui séparait les deux Allemagne.

Je me suis toujours posé la question : Comment cet Africain Houphouët-Boigny, originaire d’un petit village alors Yamoussoukro avait pu, par une prospective partie d’un diagnostic de la nature humaine, d’une connaissance pointue des relations internationales, déceler très tôt, les failles du régime Communiste et pronostiquer sa chute à moyen et long termes ? Houphouët-Boigny, pour des raisons stratégiques, avait adhéré au Groupe Parlementaire Communiste en arrivant au Palais Bourbon avec ses collègues Députés Africains.

Tous les grands intellectuels, à travers le monde, avaient été séduits par la philosophie communiste comme relatée avec minutie par François Furet dans son magnifique ouvrage « Le passé d’une illusion ».

Les responsables communistes d’alors :

- Maurice Thorez, Jacques Duclos, Georges Marchais en France, Enrico Berlinguer en Italie faisaient trembler toute l’Europe par leurs déclarations fracassantes contre l’impérialisme, responsable de tous les maux de la terre.

- L’Asie avec les victoires du Viet Nam du Nord et la grande Chine Communiste de Mao faisait trembler tout ce continent.

- En Amérique Latine, Fidel Castro, Ernesto « Le Che » Guevara, Hugo Chavez, étaient devenus comme Simon Bolivar, les nouveaux libérateurs de ce continent. Tous les Etats de gauche se retrouvèrent au sein d’une organisation d’intégration : « Le Groupe Andin » face au Mercosur et à l’OEA d’inspiration impérialiste.

- Le Premier homme envoyé dans l’espace fut Youri Gargarine.

Dans ce conteste euphorique, parler de la fin du Communisme triomphant partout, pouvait être considéré comme un blasphème, un sacrilège, une idée saugrenue provenant de l’esprit d’un irresponsable.

Mes études à l’Institut des Hautes Etudes Internationales et à la Dotation Carnegie à Genève m’avaient permis de rencontrer dans cet Institut des étudiants en provenance des pays de l’Est : Pologne, Hongrie, Albanie, RDA, Tchécoslovaquie.

Avec Feu Kofi Annan, Feu Arba Diallo, nous avions conservé des relations d’amitié avec ces anciens condisciples devenus tous de hauts responsables en Suisse dans tous les secteurs de l’Economie Suisse et dans les Organisations Internationales ayant leur siège à Genève. Nous avions transféré dans la vie civile nos débats d’étudiant sur les relations internationales et notamment les évolutions dans le Bloc Soviétique.

Représentant Permanent de Côte d’Ivoire aux Nations-Unies à New-York, j’appelais les uns et les autres souvent en fonction des remous dans les pays du Bloc Soviétique et surtout des pays d’où ils étaient originaires. Eux-mêmes n’hésitaient pas de m’appeler lorsqu’ils avaient des informations ayant un impact dans les débats au sein des Nations-Unies. L’arrivée de Gorbatchev en 1985 à la tête de l’URSS avait bouleversé toutes les données et pratiques au sein du Bloc Soviétique. Ce fut surtout la fin de la Doctrine Brejnev dans le cadre de sa Perestroïka qui prévoyait : « La renonciation à l’usage de la force pour maintenir les Etats Communistes Satellites d’Europe dans le Bloc Soviétique ».

A l’Assemblée Générale de l’ONU en 1988, Gorbatchev affirmait que : « L’usage de la force ne peut plus constituer un instrument de la politique étrangère et que le principe du libre choix est un principe universel qui ne devrait souffrir d’aucune exception ». Les conséquences de cette « Pérestroïka » furent la déstabilisation du Général Jaruzelski en Pologne avec l’arrivée de Solidarnosc et Lech Walesa au pouvoir.

Le Gouvernement Hongrois et les représentants de l’opposition mirent en place un système multipartite en vue de l’organisation d’élections libres.

C’est dans ce contexte que je reçus des appels de trois de mes anciens condisciples originaires de la RDA pour me dire que les choses vont bouger à Berlin-Est après une grande manifestation à Leipzig, du peuple qui scandait « Nous voulons sortir ».

C’est dans ce contexte que j’appelai le Président Houphouët-Boigny pour l’informer que le mur de Berlin risquait de tomber dans les 48 heures. Il était heureux, excité même et me posa une série de questions sur la véracité de cette information, car pour lui le mur de Berlin était le symbole le plus visible du Bloc Soviétique dans le monde. Sa chute serait inévitablement les prémisses de la chute de l’Union Soviétique.

Je lui avais dit que 250.000 à 500.000 personnes convergeaient vers la « Porte de Brandebourg » en appelant à la liberté d’expression, liberté de réunion.

Il me demanda de suivre très attentivement la situation et de le rappeler à n’importe quelle heure s’il y avait une évolution.

Il me demanda alors que font la Police et les troupes Russes à Berlin Est.

Mon interlocuteur qui était sur place à Berlin m’appelait pour me donner des détails sur les rapports de force en présence. Les Forces Armées Soviétiques en Allemagne de l’Est formées de 350.000 hommes avaient reçu l’ordre de rester dans leur caserne. La situation était irréversible car de milliers de Berlinois franchissaient le mur à pied ou en voiture. De nombreux habitants de Berlin escaladaient le mur, franchissaient en masse la porte mythique de Checkpoint Charlie contrôlée par les USA.

De la nuit de jeudi 9 au vendredi 10 novembre, le Président Houphouët-Boigny consacra le gros de son temps à téléphoner pour s’assurer que le mur était effectivement tombé pour toujours. En effet, les Autorités de la RDA avaient quelques jours auparavant dit que le mur allait survivre pour 50 ou 100 ans encore.

La chute du Mur de Berlin avait été une des plus grandes satisfactions du Président Houphouët-Boigny. Car cela corroborait ses analyses sur le régime soviétique. Il avait, à trois reprises, été invité en URSS mais avait préféré envoyer à sa place le Président Mamadou Coulibaly, Président du Conseil Economique et Social.

En 1980, le Président Houphouët-Boigny avait reçu à sa demande S.E. Stefan Tchervonenko, Représentant Permanent de l’URSS auprès de l’Office Européen des Nations-Unies à Genève et éminent membre du Bureau Politique. L’Ambassadeur était venu remettre au Président Houphouët-Boigny une lettre d’invitation en URSS à une date dont on lui laissait le choix de fixer.

Diplomatiquement, il exprima sa joie de visiter ce grand pays. Il ne fit jamais de proposition pour honorer cette invitation car, en réalité, il ne voyait pas d’intérêt pour visiter un empire qui va s’effondrer tôt ou tard.

La chute du mur de Berlin était la fin de la bipolarisation. La fin de la guerre froide avec la victoire de l’idéologie de Hobbes sur celle de Marx et Engels. Selon François Furet, le régime Soviétique est sorti à la sauvette du théâtre de l’histoire où il avait fait une entrée en fanfare. Tous les analystes des relations internationales spéculaient déjà sur l’avènement d’un monde de paix dominé par l’économie de marché qui allait gérer le nouveau monde qui vient de naître sur les cendres de l’URSS. Cette euphorie eut pour Chef de file Francis Fukuyama, Conseiller du Président Clinton à travers son best-seller : « La fin de l’histoire et le dernier homme ».

L’évolution du monde actuel voit que la chute du mur de Berlin n’a pas amené la paix durable escomptée et d’autres murs ont vu le jour un peu partout pour barrer, cette fois, l’accès d’un territoire à des émigrés.

La chute du mur avait été suivie donc de bout en bout par le Président Houphouët-Boigny du jeudi 8 novembre jusqu’au 10 – 11 novembre. Le 12 novembre, lorsque la situation était devenue irréversible, le Président Houphouët-Boigny m’appela pour lui communiquer les coordonnées du Chancelier Helmut Kohl et du Bourgmestre de Berlin Ouest, Willy Brandt.

Il fut l’un des premiers Chefs d’Etat à les féliciter alors que nombreux de ses collègues avaient beaucoup hésité et pris leur temps avant de féliciter les responsables Allemands qui s’acheminaient déjà doucement vers leur réunification. Sa satisfaction était qu’il avait fait le bon choix lorsqu’il devait déterminer sa ligne politique dans ce monde bipolaire. Ses amis, voisins, Sékou Touré, Modibo Keita, N’kruma avaient fait le choix que nous savons. Le Président Houphouët-Boigny était un Bourgeois donc de droite mais son expérience dans les gouvernements Français, lui avait permis de comprendre que les rapports entre Etats étaient dominés par des rapports de force essentiellement économique et militaire.

Socrate disait « Connais-toi toi-même ». Même de droite, il avait toujours maintenu des relations cordiales avec ses connaissances de gauche dans l’ancien Empire Français comme les responsables Vietnamiens, Cambodgiens etc…

Son sens de la prospective lui avait permis, très tôt, de préconiser le dialogue pour résoudre l’Apartheid en Afrique du Sud. Ce fut un tollé aux yeux des « progressistes » des « va-t-en-guerre ».

Il y a deux mois de cela un débat public avait opposé Tito M’boweni, Ministre des Finances (ANC) d’Afrique du Sud et les dissidents de ce parti qui avaient rejoint l’opposition. Ces derniers reprochaient à l’ANC de n’avoir pas respecté tous les engagements pris à l’époque en faveur des Noirs.

Tito M’boweni avait reconnu que c’était vrai mais qu’il leur fait remarquer que l’ANC n’avait pas gagné la guerre pour arriver au pouvoir. L’ANC est arrivé au pouvoir par le dialogue, la négociation. L’ANC avait donc dû faire des concessions pour avoir un accord acceptable par tous et acquérir ainsi le pouvoir.

L’ANC, dit-il, n’a pas oublié ses engagements et fera tout pour respecter cas par cas tous ces engagements notamment celui des terres et autres améliorations dans le domaine social. Il est sidérant de voir qu’en 2019, plus de 25 ans après sa disparition, un jeune dirigeant Sud-Africain, Tito M’boweni de surcroît figure de proue de l’ANC, se révèle élève d’Houphouët-Boigny comme l’on en a connu peu à ce jour.

La chute du mur de Berlin, la question du dialogue en Afrique du Sud et sur la scène Africaine montrent à quel point nous avons eu en Houphouët-Boigny un grand visionnaire, un passionné des relations internationales et un acteur pour s’impliquer dans toutes les situations où il avait une contribution à offrir./
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