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Société Publié le jeudi 14 novembre 2019 | Le Nouveau Réveil

Journée nationale de la paix 2019: Célébration sur fond de crispation et d’inquiétudes

© Le Nouveau Réveil Par DR
Vue de la ville d`Abidjan, la capitale économique de la Côte d`Ivoire
Demain 15 novembre 2019, célébration de la Journée nationale de la paix en Côte d’Ivoire. Une journée instaurée afin de magnifier la paix et l’exalter entre les Hommes pour un monde d’Egalité, de Justice, de Partage et d’Amour. Un monde de « vivre ensemble » vrai et sincère. Un monde de Tolérance pour toujours donner une chance à une vie communautaire harmonieuse et paisible.

A travers cette Journée nationale de la paix, les dirigeants ivoiriens ont donc voulu donner un contenu réel et concret à la pensée du père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne, Félix Houphouët-Boigny, qui n’avait de cesse de dire : « La paix, ce n’est pas un vain mot mais c’est un comportement ». Ou encore : « La paix est la seconde religion de la Côte d’Ivoire ». Dès lors, il fallait créer un cadre et une occasion pour pratiquer cette religion. D’où la Journée nationale de la paix dont on célèbre demain l’édition 2019.

Mais que faut-il entendre par Paix ? Et quelles doivent être les conditions de son avènement, sa pratique et sa préservation ? En Côte d’Ivoire, quelle est la réalité de cette paix entre les Ivoiriens au-delà des discours dans lesquels tous parlent de paix et de réconciliation alors que leurs actes sont totalement contraires aux déclarations trompeuses ?

Si le sens premier de la paix, c’est « l’absence de conflit », il faut bien aller au-delà de cette définition sommaire pour déceler en la paix beaucoup d’autres vertus. Loin d’être, en effet, simple absence de guerre, la paix se veut une recherche inlassable de bien-être social, politique, économique, culturel, etc.



Combien sommes-nous à pratiquer les valeurs de paix ?

Un jeune théologien disait de la paix qu’elle est : « plénitude de bonheur. Elle n’est jamais acquise une fois pour toutes mais sans cesse à construire. Elle est un don de Dieu que l’homme obtient par la prière confiante mais aussi par une activité de justice et d’amour. Les injustices, les inégalités d’ordre social et économique, l’envie, la méfiance, l’orgueil, la jalousie, sont autant de facteurs qui menacent la paix et causent les guerres. La paix advient à travers des gestes concrets de sollicitude fraternelle envers l’autre sur tous les plans (…) ».

Combien sommes-nous à pratiquer ces valeurs ? Dans les crises successives que connaît la Côte d’Ivoire depuis le coup d’Etat du 24 décembre 1999 contre le président Bédié, en passant par la rébellion du 19 septembre 2002 contre le président Gbagbo et la crise postélectorale de décembre 2010 à avril 2011 entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, la paix en Côte d’Ivoire est devenue plus que problématique.

Cela amène les hommes de bonne volonté à prodiguer sans cesse des conseils aux Ivoiriens pour le retour d’une paix durable dans leur pays. Diplomates, guides religieux, Ong, société civile, organisations internationales, tous s’y emploient. Mais pratiquement en vain à en croire l’évolution de la situation sociopolitique en Côte d’Ivoire à moins d’un an de la prochaine présidentielle d’octobre 2020. Une situation de plus en plus crispée, délétère et empreinte d’incertitudes et d’inquiétudes pour des lendemains brumeux.

Les opposants traqués et réduits au silence

Les multiples tentatives de l’opposition de voir être mise en place une Commission électorale véritablement indépendante et impartiale aux fins d’élections démocratiques, ouvertes, crédibles et transparentes, se heurtent au refus catégorique d’un régime qui ne laisse aucune chance au consensus. Tout s’obtient au forceps. Là où il y a la moindre réticence de l’opposition, le pouvoir procède par passage en force. L’exemple le plus patent et encore d’actualité est celui de la Cei dont le rôle crucial dans l’organisation des élections, commande qu’elle soit à l’abri de tout soupçon pour éviter de nouvelles crises postélectorales entre les Ivoiriens.

Mais le régime n’a que cure de ces préoccupations pourtant légitimes et logiques. Assuré du soutien de ses forces spéciales et autres forces armées, il préfère mettre en garde contre ce qu’il considère comme « tentatives de déstabilisation et troubles à l’ordre public ». Les opposants sont traqués et réduits au silence, soit par l’emprisonnement comme le président du conseil régional de Gbêkê, Jacques Mangoua, incarcéré à la Maca ; soit par d’autres mesures judiciaires comme le cas du président de la Jpdci urbaine, Kouassi Valentin, interdit de prendre la parole en public.

On n’oubliera pas ceux qui sont contraints à l’exil notamment l’ancien maire du Plateau, Noël Akossi Bendjo, poursuivi pour un supposé détournement de deniers publics. Ou encore ceux qui, craignant pour leur sécurité, ont choisi de se tenir loin de la Côte d’Ivoire. C’est le cas de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Soro Guillaume.

Pourtant, et pourtant, déjà en 2006, parlant de la crise en Côte d’Ivoire, le Pape Benoît XVI (prédécesseur du Pape François) disait aux Evêques ivoiriens qu’il recevait au Vatican : « La crise que vit votre pays a malheureusement mis à jour des divisions qui constituent une blessure profonde dans les relations entre les différentes composantes de la société. Les violences qui ont résulté ont gravement porté atteinte à la confiance entre les personnes et à la stabilité du pays, laissant derrière elles beaucoup de souffrances difficiles à guérir ».

Les conditions d’une paix véritable et durable

Selon Benoît XVI, « le rétablissement d’une paix véritable et durable ne sera possible que par le pardon généreusement accordé et par la réconciliation effectivement réalisée entre les personnes et entre les groupes concernés. Ceux-ci doivent accepter de poursuivre courageusement le dialogue pour examiner les causes qui ont conduit à la situation actuelle (en 2006, ndlr) ». Et de conclure : « Le chemin de la paix est long et difficile mais il n’est pas impossible ». Comme l’on peut le constater, ces conseils prodigués en 2006 par le Souverain Pontife sont encore d’une déconcertante actualité comme si les différentes crises survenues en Côte d’Ivoire et leurs conséquences (3000 morts pour le seul conflit postélectoral de 2010-2011) n’ont pas suffi à conscientiser les acteurs politiques ivoiriens. Et ce, d’autant que ceux-ci bandent à nouveau les muscles pour un nouveau pugilat aux conséquences imprévisibles. Et le peuple apeuré et pris en otage par les hommes politiques de retenir son souffle.

Ainsi se présente le contexte dans lequel se déroule la Journée nationale de la paix 2019. Un contexte morose fait de brimades, d’injustices sociales, d’emprisonnements et traques des cadres de l’opposition. Un contexte marqué également par la paupérisation galopante avec des vagues de limogeages sur la base de considérations politiques, le paiement au compte-gouttes des dettes des fournisseurs de l’Etat, la réduction drastique des fonds alloués aux collectivités décentralisées. La liste n’est pas exhaustive.

Quelle paix dans un tel contexte ? Rendons néanmoins grâce à Dieu (pour les croyants) de nous permettre de nous lever chaque jour pour lutter contre tous ces maux qui minent nos sociétés. Et espérer des lendemains meilleurs au-delà des hommes qui passent. Quel que soit leur statut social. Ceci constitue une forme de paix que l’on peut célébrer. En dépit des souffrances. Bonne Journée nationale de la Paix !

ABEL DOUALY
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