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Société Publié le dimanche 2 août 2020 | AIP

Mgr Pierre-Marie Coty : Lucarne sur l’homme et ses 65 ans de vie sacerdotale

© AIP Par Marc Innocent
Religion: dédicace du livre "Quand Marie Mère de la Charité Chrétienne Apparait"
Abidjan le 11 Mai 2019. L`oratoire de la Communauté Marie Mère de la Charité Chrétienne a abrité la dédicace de l`ouvrage intitulé "Quand Marie Mère de la Charité Chrétienne Apparait" de l`auteur Ablo Angelbert.
Abidjan - L’Eglise catholique Côte d’Ivoire est en deuil. Son ancien évêque du diocèse de Daloa, Mgr Pierre-Marie Coty est entré dans le repos éternel, le vendredi 17 juillet 2020, à la Polyclinique Sainte Anne-Marie (PISAM) d’Abidjan-Cocody. L’Homme aura consacré 65 ans de sa vie au service du Seigneur Jésus-Christ. Retour sur des aspects importants de sa vie et de son œuvre.

Les souvenirs douloureux de sa participation aux travaux forcés

« Le Seigneur a fait pour moi des merveilles. Je ne sais comment le remercier. En effet, le 19 juillet 1955, il m’a choisi pour aller dire aux hommes qu’il est le Christ ressuscité, Sauveur du monde. Il m’a appelé pour faire de moi un pêcheur d’hommes », ainsi s’exprimait feu Mgr Coty, au cours de la célébration des 60 ans de sacerdoce du 17 juillet au 08 août 2015.

Mais avant d'y arriver, l'homme a gardé les souvenirs douloureux de son adolescence marquée par sa participation aux travaux forcés dans le cadre de l'exploitation économique des colonies par la France.

Son excellence Mgr Pierre-Marie Coty a vu le jour le 22 novembre 1926 dans son village d’Anyana-Adjamé. Son patronyme, dit-on, serait une déformation orthographique de « Kotchi » par les colons. Il fait ses études primaires à l’Ecole Saint Paul du Plateau où il décroche le Certificat d’études primaires élémentaires (CEPE) en 1940.

A cause de la 2è guerre mondiale qui battait son plein, il se replie au village. Pendant trois ans, il participe aux travaux forcés de l’époque en compagnie de ses parents. « J’ai poussé des futs d’huile de palme vides d’Abidjan jusqu’à Anyama-Adjamé avec des aînés », a-t-il indiqué, se rappelant de l’agent de l’administration coloniale dont la présence rimait avec "bastonnades, brimades et travail forcé".

Le début de la vocation

Sa vocation pour servir le Christ Jésus a été inspirée par le Père Peyvel, un prêtre de la Société des missions africaines (SMA). Pour lui, contrairement au représentant de l’administration coloniale, le Père Peyvel incarnait le symbole de "l’amour, de la charité et de la joie de vivre". A son arrivée dans le village, il distribuait des bonbons et des biscuits aux enfants.

« Je me suis alors dit et convaincu que je ferai comme ce missionnaire quand je serai grand », s’est-il juré. D’où sa prétention d’intégrer le petit séminaire de Bingerville en 1943 avec l’aide d’un aîné, Feu Jean-Marie Assagou qui était pensionnaire au petits Clercs de ladite ville.

Plus tard, précisément en 1948, il part au Dahomey (actuel Bénin) pour poursuivre les études pastorales au grand séminaire Saint Gall de Ouidah. Revenu en Côte d’Ivoire, il est ordonné prêtre de Jésus-Christ le 19 juillet 1955 au petit séminaire Saint Augustin de Bingerville, par le premier archevêque d’Abidjan, Jean-Baptiste Boivin, en compagnie de son Jacques Nomel.

Pierre-Marie Coty devient ainsi le 16è prêtre catholique ivoirien, le premier étant René Kouassi.

Sa vie de prêtre de Jésus-Christ

Devenu membre du clergé catholique, Mgr Coty est affecté à la paroisse de Memni, à Alépé, comme vicaire. Pendant ce temps, il officie d’abord en tant qu’instituteur pour ensuite occuper le poste de directeur de l’école.

En 1958, il retourne au petit séminaire de Bingerville pour exercer la fonction de professeur jusqu’en 1960. Il part en France pour une formation d’une part, au centre de formation des journalistes de la Rue du Louvre et d’autre part, à l’Institut catholique de Paris, pour des études en sociologie.

Revenu au pays en 1963, il devient vicaire général d’Abidjan et directeur national des œuvres catholiques de Côte d’Ivoire. Une fonction qu’il assumera pendant cinq ans puisqu’en 1968, il atterrit à la paroisse Notre Dame du Perpétuel secours de Treichville. C’est, en fonction dans cette paroisse, qu’il sera nommé, le 20 novembre 1975, évêque du diocèse de Daloa, où le poste de premier responsable était vacant depuis août 1974.

Le diocèse de Daloa ou les défis du vaste champ missionnaire

Mgr Coty prend officiellement fonction à la tête du diocèse de Daloa après sa consécration le 04 janvier 1976. Tout de suite, il se rend compte des défis qui l’attendent dans ce vaste champ missionnaire.

Le diocèse regroupait des localités où la rareté des prêtres ivoiriens et même africains était une réalité. Il lui fallait donc trouver des ouvriers nationaux et africains pour semer la graine de l’évangile.

« J’ai mis cela en prière et j’ai demandé au Seigneur de me donner les hommes qu’il faut pour que nous lui rendions témoignage. Ma prière a été exaucée le 15 juillet 1979. J’ai ordonné mon premier prêtre ivoirien en la personne de l’Abbé Ange Thomas Agoussi », se souvenait-il, précisant qu’à son départ en juillet 2005 du diocèse, les prêtres ivoiriens et africains se chiffraient à 40.

L’ordination de ces prêtres a été accompagnée de nouvelles chapelles mais aussi d’autres structures d’édification spirituelle. La ville de Daloa a bénéficié de l’accueil du grand séminaire de philosophie Saint Pierre de Balouzon et du Foyer de la charité de Zébra, un lieu de ressourcement spirituel et moral pour les prêtres et les laïcs

A Issia, se trouve le sanctuaire marial Notre Dame de la Délivrance devenu aujourd’hui un lieu de pèlerinage surtout à l’occasion de l’Assomption chaque 15 août. « J’ai voulu créer un lieu de pèlerinage et de prière pour aider les fidèles à mieux connaître le Christ. Aujourd’hui, beaucoup de chrétiens viennent de partout pour aller en pèlerinage à Issia et leurs vœux sont exaucés. Je ne peux que rendre gloire à Dieu », a-t-il expliqué.

Sur le site de ce sanctuaire, a été bâti aussi le séminaire des Aînés confiée à la communauté des Béatitudes et le séminaire de propédeutique Sainte Thérèse pour la formation spirituelle des grands séminaristes.

L’évêque a été pour beaucoup dans l’augmentation des communautés religieuses dans son diocèse. Aux quatre communautés religieuses que comptait le territoire diocésain à son arrivée en 1976, à savoir Les Sœurs de Nevers (Sinfra et Zuénoula), Les Sœurs de l’Assomption (Daloa) et les Sœurs de Saint-Philbert (Saïoua et Vavoua), Mgr Coty a pu en rajouter 11 autres.

Ce sont Les Sœurs Notre Dame de la paix (1976), Les Frères des écoles chrétiennes ou Frères de Salle (1979), Les Sœurs dominicaines de l’Assomption (1980), Les Sœurs dominicaines du saint sacrement ou Sœurs de l’Anawana (1982), Les Sœurs missionnaires du Christ Roi (1988), Les Auxiliaires sacerdotales de l’Immaculée (1989), Les Filles Notre Dame des miséricordes (1989), La Fraternité servante du cœur de l’hostie vivante (1989), Les Sœurs bénédictines de la providence (1997, Les Sœurs Notre Dame de l’incarnation (2000) et Les Sœurs cœur de Jésus miséricorde (2020).

De la controverse sur l’Abidjanaise

« Au nom du devoir de mémoire, j’aimerais humblement dire que c’est l’Abbé Pango et moi qui avons composé et écrit la toute première version de l’Abidjanaise, notre hymne national qui a été retenu par le jury de sélection en 1960. C’est ça la vérité », s’exprimait Mgr Coty pour éclairer la lanterne de la nouvelle génération sur la controverse de l’hymne national de Côte d’Ivoire.

Selon lui, les pays africains qui s’apprêtaient à obtenir étaient appelés à se doter chacun d’un hymne national. Avant même qu’un appel à candidature ne soit lancé officiellement, racontait l’évêque, le député de Bonoua, Mathieu Ekra, est venu voir discrètement Michel Pango pour lui demander de composer une musique du genre marche militaire. Ce qu’il fit sans arrière-pensée.

Mais quand vint le moment de l’appel à candidature, l’Abbé Pango refusa d’y participé par rapport à ce qu’il avait déjà fait dans l’anonymat pour le député Ekra. Selon lui, il ne voulait pas concourir contre sa propre musique. Mais voilà qu’il reçoit la visite de l’ancien séminariste, avocat et homme politique, Arsène Usher Assouan, l’informant de ce que le président Félix Houphouët-Boigny tenait absolument à ce qu’il prenne part à ce concours.

L’Abbé Michel Pango accepte de participer à la compétition. Il écrit la musique qu’il interprète devant l’Abbé Coty et lui demande d’en écrire les paroles. Ce qui fit chose faite et à la proclamation des résultats, lui et son confrère Pango arrivèrent en tête. Sa première initiative avec Mathieu Ekra vint en 5è position.

C’est la version du duo Pango-Coty qui fit jouée le jour de la proclamation de l’indépendance le 7 août 1960. « Nous avons assisté, en tant lauréats, à l’exécution de notre œuvre par l’orchestre de la gendarmerie », a-t-il précisé.

La même année 1960, le président Houphouët-Boigny estime qu’il faille modifier les paroles de l’Abidjanaise en lui donnant un contenu politique. Il confie cette tâche à Mathieu Ekra qui devient ainsi l’auteur de la version actuelle. De là est née la polémique sur la paternité de l’hymne national.

Sa reconnaissance au régime de Ouattara qui répare 53 années d’injustice

Après avoir entériné la version révisée de l’Abidjanaise, le nom de l’Abbé Pierre-Marie Coty disparait des documents officiels au profit de Mathieu Ekra. Les démarches entreprises pour corriger cet impair restent vaines.

« Je m’en suis plaint au Président Houphouët-Boigny qui a promis de rétablir la vérité. Hélas, cette promesse n’a été tenue et cette injustice a duré 53 ans », se rappelait-il.

Il s’est réjoui de ce que Dieu ait fait éclater la vérité car, grâce au Président Alassane Ouattara et à son gouvernement, sa contribution « à ce pan important de l’histoire de la Côte d’Ivoire » a finalement été reconnue.

En effet, le prélat est décoré le 13 novembre 2013, au grade de commandeur de l’ordre national à titre exceptionnel par le président de la République. Les insignes de cette distinction lui seront remis par le ministre de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs d’alors, Alain Lobognon.

« Tout est bien qui finit bien », dit l’adage. Mgr Pierre-Marie Coty aura passé 65 ans de vie sacerdotale et 45 d’épiscopat à marcher dans les pas du Christ avec "courage, abnégation et dévotion". Lui qui s’était donné pour devise épiscopale "Ubi caritas et amor deus ibi est" qui signifie "Là où sont charité et amour, là est Dieu", a vécu la charité dans son entièreté.

Le mardi 04 août, ce sera la séparation définitive d’avec les siens à savoir parents, amis et connaissances. Il part reposer à jamais dans le sein son Père Dieu, le créateur qui, de son trône l’attend pour lui dire, « bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître ».

(AIP)

fmo
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