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Société Publié le lundi 21 septembre 2020 | Abidjan.net

Hommage au professeur Bernard Debré : Un ancien interne de l’école de médecine d’Abidjan

Le Professeur Bernard Debré, médecin et homme politique français, ancien ministre de la Coopération (1994-1995), est décédé dimanche 13 septembre dernier, à l’âge de 75 ans. Bernard Debré connaissait la Côte d’Ivoire, comme le rappelle Frédéric Grah Mel dans le bref hommage qu’il a voulu lui rendre ci-dessous.

Bernard Debré avait été, avec le professeur Adolphe Steg, l’un des deux urologues qui avaient pris en charge, le 1er juin 1993, l’intervention chirurgicale du président Félix Houphouët-Boigny à l’hôpital Cochin. De ce fait, je devais absolument le rencontrer durant les recherches de ma biographie sur le premier chef d’État de notre pays. Et il avait très aimablement accédé à une demande de rendez-vous introduite pour moi par le ministre Jean-Claude Delafosse à qui notre doyen Camille Alliali avait enjoint d’utiliser son entregent pour m’ouvrir toutes les portes qu’il pouvait.

Nous avions rencontré le professeur Debré ensemble à Cochin, un matin de l’année 2004. Son assistante nous avait annoncé une entrevue de quelques minutes. Il nous garderait plus d’une heure.

Dans le petit bureau austère où nous devisions, seule une image était accrochée sur le mur vis-à-vis des visiteurs : c’était une photo du professeur Robert Debré, son grand-père paternel. J’apprendrais qu’il était le père de la pédiatrie française.

Avant de remettre à notre hôte un exemplaire du premier tome de mon livre, j’avais écrit une dédicace dans laquelle je lui souhaitais de retrouver, plein de vie, l’homme dont les dernières images gardées dans sa mémoire devaient être celles de l’agonie. Il me plaisanta en assurant qu’il avait passé avec lui plus de moments vivants que de temps morts.

L’entretien avait ensuite porté sur la Côte d’Ivoire, le pays et les hommes, qu’il connaissait sur le bout des doigts. Mes investigations de l’époque concernaient les deux derniers tomes de mon livre. J’étais tout spécialement désireux d’entendre Bernard Debré parler du malade qu’il avait suivi à Cochin et de son comportement sur son lit d’hôpital. Il botterait habilement ma requête en touche, évitant de fournir même le presque rien, l’epsilon, que le secret médical pouvait l’autoriser à révéler de son illustre patient.

Il se montrerait plus disert en revanche sur sa première rencontre avec le président Houphouët-Boigny. C’était en 1964 à Matignon. Dans la pièce où son père recevait le chef d’État ivoirien, il n’avait pu se glisser sans être frappé par cet homme sanglé dans une élégante paire de bretelles que permettait de voir sa veste posée sur le dossier de sa chaise. Michel Debré s’était adressé à lui en précisant que c’était « le fiston » et qu’il était venu lui annoncer son départ prochain au service militaire. La réaction d’Houphouët-Boigny avait fusé : il le ferait en Côte d’Ivoire.

Voilà comment Bernard Debré avait dû accomplir, à 19 ans, son service militaire à Abidjan en tant qu’interne à l’École de médecine créée en 1962 et qui deviendrait en 1968 la faculté de médecine de l’université nationale de Côte d’Ivoire. Notre pays peut être fier d’avoir été le champ des premiers pas de sa pratique médicale. Devant Jean-Claude Delafosse et moi-même, Bernard Debré s’était souvenu d’une expérience exaltante, à un détail près, l’obligation d’être présent en famille tous les samedis. Peu de temps lui était en effet laissé pour les loisirs. Que le président fût en Côte d’Ivoire ou à l’étranger, il veillait scrupuleusement à ce que le jeune homme fût conduit à Yamoussoukro où il devait passer tous ses moments libres.

Il avait gardé de ce séjour abidjanais une véritable vénération pour ses maîtres ivoiriens dont il parlait avec une fierté visiblement inaltérée. Il évoquerait particulièrement, devant nous, les noms des professeurs Antoine Yangni Angaté, Jean-Baptiste Kébé Memel et Koffi Allangba, en déplorant de voir aller à vau l’eau le pays d’autant de grands hommes.

C’était déjà au début des années 1980 qu’Houphouët-Boigny aurait dû affronter l’intervention qu’il n’avait en fin de compte subie, auprès de son filleul, qu’au soir de sa vie. Il l’avait sans cesse repoussée à la fois par crainte d’un accident, donc par prudence, et par manque d’une confiance suffisante à l’égard des praticiens. En 1993, la persistance des douleurs et le succès de l’intervention subie, en septembre 1992, par le président François Mitterrand ont pour effet de l’encourager à se présenter enfin devant les médecins.

On raconte qu’avant l’anesthésie, François Mitterrand aurait plaisanté sur l’imprudence qu’il commettait à remettre sa vie entre les mains du fils d’un de ses pires ennemis. C’était un trait d’esprit auquel Houphouët-Boigny, en aucun cas, n’aurait pu songer. Pour sa part en effet, il remettait sa vie entre les mains du fils d’un de ses plus grands amis français, l’ancien Premier ministre Michel Debré.

Frédéric GRAH MEL
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