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Société Publié le lundi 1 mars 2021 | AIP

Vers la normalisation de la gestion des boues fécales à San-Pedro (dossier)

San-Pedro-La gestion des boues fécales ou boues de vidange (mélange d’excréments humains et d’eau des fosses septiques) impliquant la vidange, le transport et le traitement, est encore partiellement assurée dans les normes, à San-Pedro, mais des dispositions sont en cours pour corriger les défaillances. La gestion se fait selon deux systèmes pour deux circuits différents dans la commune. Il y a le service des camions de vidange qui transfèrent les boues extraites des fosses septiques vers une station de traitement et la moto-vidange informelle procédant à la vidange et le rejet dans la nature avec des motopompes.

Le dépotage sauvage des boues de vidange, une pratique courante à San-Pedro

Le plan d’urbanisme de la deuxième ville portuaire de la Côte d’Ivoire présente un réseau d’assainissement semi-collectif. Certains quartiers à savoir, la Cité, le Lac SICOGI et Séwéké bénéficient de l’assainissement collectif réalisé selon un système gravitaire. Le dispositif est construit de telle sorte que l’eau et les excrétas (urines et fèces) descendent naturellement des résidences vers des stations de pompage, sous l’effet la force de gravité, avant d’être rejetés dans un lac.

Les quartiers de la plus grande partie de la ville notamment, le Bardot, JB, Francophonie et Jules Ferry, ne bénéficient pas de ce réseau collectif. Ils ont recourt à un système d’assainissement individuel ou autonome (fosses septiques).

Ces ouvrages d’assainissement autonomes ne sont pas souvent réalisés conformément aux normes. De plus, l’on note une connexion massive de certains aux rivières ou aux ouvrages de drainage des eaux usées et de pluies (les caniveaux).

La majorité des ménages de ces quartiers sollicite les services de la moto-vidange au lieu de faire appel aux camions de vidange. Ces motopompes évacuent les contenus des fosses septiques directement dans la nature, les caniveaux ou les fosses circonstancielles creusées par eux-mêmes sur terrain de l’opération. Ils opèrent souvent sous la pluie ou la nuit pour échapper aux agents de la salubrité. Ces pratiques sont qualifiées de «dépotage sauvage des boues de vidange» par les spécialistes en charge de l’assainissement.

Le directeur régional de l’Assainissement, Atouoman Oi Atouoman, le directeur technique de la mairie, M. Gouanou et le gestionnaire de la station de traitement des boues de vidange, Diallo Alpha, indiquent que toutes ces pratiques sont interdites parce qu’elles peuvent avoir des conséquences sur l’environnement et la santé.

Et pourtant, plusieurs personnes les préfèrent aux services des opérateurs de camions citernes à cause de leurs coûts jugés plus accessibles et plus négociables en fonction de la taille de la fosse. Avec un tarif variant entre 25.000FCFA et 35.000FCFA, une moto-vidange vide tout le contenu d’une fosse septique.

«Leur service est moins coûteux, sans danger sur la santé de l’homme, car un produit est utilisé pour couper l’odeur désagréable des boues.», affirme Adon Philippe du quartier SOTREF, un usager de la moto-vidange. Il paye 35.000F pour vider toute sa fosse.

Les camions de vidange, quant à eux, affichent des tarifs qui varient entre 25.000 FCFA et 35.000FCFA pour un seul tour de vidange. Ils font généralement plus d’un tour par ménage.

Moumouni Sani, Emilienne Ahouré et Coulibaly Daouda, des chefs de ménages interrogés aux quartiers JB, SOTREF et Jules Ferry, soulignent que leurs services sont certes plus onéreux, mais ils les sollicitent parce qu’ils font l’opération de manière plus professionnelle.

Diabaté Drissa, opérateur de camion de vidange (18 ans d’expérience dans ce métier), évoque des difficultés de trésorerie pour justifier les coûts. Il demande une aide de l’Etat remboursable à des conditions très souples, pour acquérir un engin plus moderne pour mieux assurer ce service.

Les éléments de la brigade de salubrité de la mairie procèdent à quelques saisies des matériels de travail des opérateurs de moto-vidange, à partir des messages de dénonciation qu’ils reçoivent.

Une fois son matériel saisi, l’opérateur informel de moto-vidange paye une amande de 200 000FCFA à 300 000 FCFA avant de le récupérer. Selon le directeur technique, M. Gouanou, la mairie n’utilise pour le moment que ce seul moyen de répression pour les décourager.

Les boues de vidange, des produits aux impacts négatifs à l’état brut

Les produits de vidange qui proviennent des latrines et des fosses septiques sont constitués de divers éléments qui peuvent avoir à la fois des impacts positifs et négatifs sur l’environnement.

L'urine, par exemple, est riche en plusieurs composées chimiques et en matières organiques utiles notamment, le sodium, le potassium, l'urée, l'acide urique et la créatine. Par contre, les fèces induisent la pollution par les micro-organismes et les germes pathogènes.

L’on trouve aussi dans ces boues des substances telles que les nonyphénols provenant des détergents. Les détergents (ou agents de surface, détersifs, surfactants) sont des composés chimiques, généralement issus du pétrole, dotés de propriétés tensioactives, les rendant capables d'enlever les salissures. En se dégradant, ils libèrent le nonylphénol qui est susceptibles de contaminer l'environnement et certains organismes.

Ces boues de vidange peuvent être à l’origine de pollution des eaux de surface et souterraines, avec des conséquences pour la santé des populations, si elles ne subissent pas de traitement adéquat avant d’être évacuées dans la nature.

Avant l’ouverture de la station de la commune, les camions de vidange déversaient leurs contenus dans la nature ou dans des champs à la demande des propriétaires. Le directeur régional de l’assainissement exhorte les acteurs à éviter ces pratiques, prévenant qu’elles sont interdites, parce que ces boues contiennent des micro-organismes. Il leur conseille de de tout transférer à la station de traitement afin d’éviter les problèmes environnementaux et de santé.

Une station de traitement moderne des boues de vidange peu connue et sous-exploitée

Une station moderne est officiellement ouverte dans la commune de San-Pedro, le 20 janvier 2020, pour un traitement plus adéquat des boues de vidange. La réalisation de cet ouvrage vise à assainir le cadre de vie des populations en luttant contre les pratiques irrégulières.

Construite et gérée par l’Office National d’Assainissement et du Drainage (ONAD), cette station est la deuxième réalisée à l’intérieur du pays. Elle est bâtie sur trois hectares à près de huit kilomètres du centre-ville, sur l’axe San-Pedro-Sassandra. Le dispositif ne reçoit pas des boues provenant des unités industrielles.

L’ONAD a prévu la construction de vingt stations similaires dans les grandes villes notamment, à Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo et Man.

Cette infrastructure est encore méconnue des populations et sous-exploitée. Elle est dimensionnée pour recevoir 17 à 25 dépotages (ou voyages de camions de vidange) équivalant à plus de 100 mètres cube de boues par jour. Elle ne reçoit que trois à quatre camions par jour. De janvier à fin août 2020, la station a reçu 997 dépotages contre 6.320 attendus pour la période. Elle accueille cinq entreprises de vidange agréées qui assurent le service dans la commune.

Le directeur des services techniques de mairie estime que ces entreprises ont des difficultés pour avoir la clientèle parce que leurs coûts sont exorbitants. Cela contribue à la rébellion des populations et à l’insuffisance des dépotages reçus par la station de traitement.

La station utilise une technologie de traitement naturel. Le travail se fait à travers différents ouvrages à savoir, des plateformes de dépotage (ou de réception des boues) munies d’un système de dégrillage, des bacs d'observation, des lits de séchage plantés ou filtres plantés de macrophytes et un système de lagunage composé de bassins anaérobies et de rejet vers un thalweg. Il y aussi un hangar de stockage du compost.

La procédure de traitement indique qu’une séparation entre le liquide et le solide a lieu au niveau des lits de séchage plantés. Les macrophytes absorbent l’eau contenue dans le dépôt de boue qui se forme dans le lit pour croître. Par ce mécanisme, ils favorisent le séchage de la boue et sa phytoépuration ou l’élimination des composantes dangereuses et des impuretés qu’elle contient.

Le traitement de la fraction liquide se poursuit dans les bassins anaérobies. Elle y subi une purification nécessaire, avant d’être est rejetée dans la nature (dans un marécage).

Le gestionnaire de la station, Diallo Alpha, a souligné que cette eau peut être réutilisée dans l’irrigation des parcelles agricoles ou l’arrosage des plantes, après des analyses. Pour l’heure, elle n’est pas utilisée à cette fin. De même, la boue séchée peut servir à faire du compost utilisable comme engrais organique pour la fertilisation des sols.

Des dispositions pour corriger les défaillances

La station de traitement a été inaugurée sans cérémonie officielle. M. Atouoman a déjà initié, en collaboration avec l’ONAD, des rencontres d’information et de sensibilisation sur cette infrastructure. Il prévoit d’autres initiatives pour amener les populations à changer de comportements et arrêter les mauvaises pratiques.

Il a annoncé qu’un projet de réhabilitation et d’extension du réseau d’assainissement collectif est en cours. Les quartiers qui ne pourront pas en bénéficier utiliseront toujours des fosses septiques.

M. Atouoman a sollicité la prise d’un arrêté préfectoral ou municipal d’application du code de l’environnement pour une meilleure gestion des boues vidange.

Au niveau de la mairie, certaines dispositions sont en cours d’exécution. Le conseil municipal a pris, en sa session du 27 novembre 2020, une délibération portant sur la réglementation et la gestion des boues de vidange. Le maire Anoblé Félix avait indiqué que cette décision permettrait d’appliquer fermement le code de l’environnement, appelant au transfert de toutes les boues fécales enlevées à la station de traitement.

Le directeur technique de la mairie a fait savoir que cette décision en cours d’exécution avec la commande de deux camions de vidanges (des hydrocureurs). Ils permettront aux agents municipaux de procéder à la vidange des fosses pleines qui déborderont, aux frais des propriétaires récalcitrants. Ces engins serviront également à l’entretien du système d’assainissement collectif de la ville.


nbf/ask
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