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Editorial Publié le vendredi 25 juin 2010 | Le Nouveau Courrier

Sale temps à Abidjan, au propre comme au figuré

© Le Nouveau Courrier Par Emma
Fortes pluies sur Abidjan - Inondations à Cocody, Adjamé et Abobo
Jeudi 24 juin 2010. Abidjan
L’implacable saison des pluies, qui révélait déjà les laideurs et les failles de notre métropole qui n’aime rien tant que faire illusion («on est tombés, mais on n’est pas renversés»), présente désormais son visage de meurtrière. Dans le même temps, ce qu’il est désormais convenu d’appeler «l’affaire Tagro», la suite de l’opération «mains propres» menée par le président Laurent Gbagbo, mais aussi tous les scandales révélés par les médias comme dans une sorte de strip-tease moral dévastateur, occupent l’actualité.

Nous sommes dévoilés ! Abidjan pourrit sur pied, et nos pourritures intérieures se montrent sans pudeur. Les deux actualités qui se font concurrence aujourd’hui sont reliées l’une à l’autre par une sorte de fil blanc. Si la «Perle des Lagunes» est aujourd’hui dans cet état de décrépitude et de fragilité, c’est (entre autres) parce que ses habitants, grands comme petits, à la fois insouciants et âpres au gain, ne l’ont pas assez aimée pour la protéger.

Cela fait aujourd’hui vingt ans que la Côte d’Ivoire n’en finit pas de négocier la périlleuse transition du parti unique à la démocratie. Une transition prise en otage par la «course au pouvoir» de trois ligues politiques à la fois alliées et concurrentes, qui ont sacrifié l’intérêt national à leur combat singulier. Mais on ne peut pas indéfiniment jouer avec le feu, exercer une pression toujours plus forte sur l’existant, reporter à demain – quand on sera au pouvoir ou quand on aura consolidé notre pouvoir – les grandes urgences. Nous avons perdu deux décennies, nous le payons aujourd’hui et nous le paierons demain. L’Histoire, la mondialisation et la «guerre économique» entre nations ne font pas de cadeau.

Il faut réagir. Il faut s’adapter. Ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui. Ce qui est valable aujourd’hui sera dépassé demain. Les petits arrangements avec l’aménagement urbain, les négligences qu’on considère comme anodines, les «demain, on verra bien», la vénalité ordinaire et les autres médiocrités quotidiennes étaient source de contrariétés hier. Aujourd’hui, elles tuent. En ce sens, le «grand naufrage» d’hier répond en écho au scandale des déchets toxiques. Ils nous disent : «Continuez à jouer ! Le temps n’est plus à la rigolade !»

Il suffit de faire quelques projections démographiques pour entrevoir les défis qui nous attendent et nous convaincre d’une chose : ou nous nous élevons ensemble vers une vraie modernité, ou nous coulons ensemble dans les abîmes les plus profonds. Mais on ne peut plus garantir l’existant.
Dans 25 ans au plus tard, la population abidjanaise sera de 10 millions d’habitants. Abidjan sera aussi peuplé que Paris et sa région. Si nous continuons de vivre à l’aveuglette, en chérissant nos passions égoïstes, en nous chamaillant sur tout avec dans le cœur le désir secret de tout faire péter si nous n’avons pas tout, que deviendrons-nous ? Nous mangerons dans les poubelles, nous nous entretuerons, la milicianisation de la société deviendra infernale, des armées privées urbaines nous dépouilleront, le choléra fera des ravages. «Le plus doux au monde» deviendra «l’enfer sur terre». Ce ne sont pas des propos alarmistes, c’est la stricte vérité !

Il faut de l’argent, beaucoup d’argent pour prendre à rebours le phénomène de dégradation de notre cadre de vie. Ce n’est pas le plus difficile. La Côte d’Ivoire continue d’avoir une agriculture dynamique, le secteur minier se développe vite et est plein de promesses. Mais il faut que cet argent soit bien géré, par des hommes d’honneur, pétris de bon sens, soucieux de l’intérêt général. Où les trouver ? Un «renouvellement de l’intelligence» est absolument nécessaire.

Il faut de l’argent certes, mais il faut du travail, aussi. On ne pourra plus vivre longtemps avec un taux de chômage de 40%. Il faudra en finir avec la culture du parasitisme et de la politique du moindre effort, réformer l’enseignement pour qu’il ne produise plus des «chômeurs semi-alphabétisés» mais des citoyens autonomes et imaginatifs. Il faut tuer l’informel, industrialiser le pays à marche forcée, construire en hauteur et donc changer nos modes de vie avec des cellules familiales plus restreintes, une natalité maîtrisée, une paternité responsable.

Notre ville peut redevenir belle, futuriste. Elle peut nous remplir de fierté et d’assurance comme autrefois. Mais pour cela, nous devons mériter d’elle en triomphant de nos démons. Ceux-là mêmes qui l’ont défigurée.
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