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Région Publié le lundi 2 mars 2009 | Nord-Sud

Reportage : De Bouaflé à Zuenoula - A la cueillette du cure-dent Gouro

Recommandé à l’époque comme aphrodisiaque aux séniors en pays Gouro, le fameux cure-dent éponyme est prisé aujourd’hui par toutes les générations du sexe fort.

Vendredi 20 février. Il est 9h. Dans le bourg de Blablata, distant d’une vingtaine de km de Bouaflé sur la voie menant à Daloa, nous sommes assailli par des vendeuses de vivriers. Proches d’elles d’autres commerçantes. Elles font une offre. « Il y a de quoi vous rendre efficace au lit : du cure-dent Gouro », nous lance laconiquement une belle dame, la quarantaine environ. Avant de poursuivre : «Je sais de quoi je parle. Chez nous les Gouro, les femmes veillent à ce que leurs hommes soient efficaces au lit ». Pendant ce temps, elle tient, soigneusement rangées dans un plastique bleu, des racines coupées en bâtonnets de 8 cm, chacun. Selon notre “docteur”, la légende en pays Gouro oblige chaque homme à « marquer » son épouse. C’est même “le” devoir conjugal. Devant notre intérêt pour l’offre, elle explique que son produit est original. Il lui est fourni périodiquement par des hommes qui ont le secret de l’extraction de cette plante thérapeutique.

Une bonne affaire

Tra Bi Gaston approvisionne bon nombre de commerçants de Bonon. Lui ne semble pas trop au fait du business qui entoure le cure-dent en question. Il livre les racines aux dames contre “peu d’argent”. Il soutient avoir le secret de l’extraction, mais n’en fait pas sa principale activité. Ce qui n’est pas le cas de Boti Bi Irié Léon à Bouaflé. Ce sénior père de quatre enfants, revèle qu’il tire le quart de ses revenus de la vente du célèbre cure-dent. Il gagne grâce à ce “remède, près de 80.000 Fcfa chaque mois. Au-delà des commandes individuelles, Léon place régulièrement des « paquets » dans des hôtels de la ville. Au bord champ, les trois bâtonnets sont vendus à 500 Fcfa. « Ce montant peut varier selon la qualité du client », précise Léon.
Plusieurs commerçants révèlent un rajeunissement de la clientèle. Selon Léon, 70% de ses clients sont des jeunes de 18 à 40 ans. Pendant que nous nous entretenons avec lui, son téléphone portable sonne. « Ce sont des clients. Ils viennent de décoller d’Abidjan et voudraient s’assurer que leur commande est disponible. Ils viennent en tournée politique », lance-t-il, heureux de souligner que cela est fréquent.

Tout un mystère

Kpêtoukro, le 21 février. C’est dans la forêt clairsemée qui ceinture ce village Baoulé, à une dizaine de km de Bouaflé, que se rend régulièrement Boti Bi Irié Léon alias « Dr Léon », pour récolter sa mystérieuse plante. Le cure-dent prisé par les adeptes des “performances” au lit provient d’un arbuste d’à peine 60 cm de hauteur. Commence. Comme le lui a enseigné son père, il se débarrasse de ses vêtements. Nu, il murmure quelques mots. Certainement pour invoquer les ancêtres. « C’est un médicament avant tout. Il faut entièrement se déshabiller pour le recueillir. Depuis des générations, c’est cette plante qui fait notre fierté ici », explique-t-il. Ensuite, il creuse près du tronc jusqu’aux racines. Il en coupe certaines, puis remet referme le trou. La production est terminée.
« C’est mon père qui m’a montré la plante, alors que je n’avais que 25 ans environ. Tu mâches la racine et avale régulièrement la salive, avant de passer à l’acte », souligne Léon.
En fait le cure-dent ne provoque pas d’érection sauvage. Il est conseillé de l’utiliser une heure au moins avant la “bataille”. La plante agit alors et, surtout, décuple les capacités sexuelles de l’homme. Cette plante soignerait aussi plusieurs maladies, telle que l’hémorroïde, l’impuissance sexuelle, l’éjaculation précoce. L’hémorroïde est l’une des causes de la faiblesse sexuelle chez beaucoup d’hommes. « Ce cure-dent vous permet de posséder votre partenaire autant de fois que possible sans répit », assure-t-il. Boti Léon redoute cependant la contrefaçon. Des marchands ambulants, certainement tentés par le gain facile, proposent, selon lui, d’autres types de racines. Ce qui met à mal l’image et la réputation du cure-dent authentique.

Palabres entre connaisseurs

Le cure-dent Gouro n’échappe pas aux querelles d’authenticité. Balou Bi Néné César est tradipraticien à Zuénoula où il place directement ses aphrodisiaques sur les différents marchés des villes de la région. Une activité qui lui rapporte au moins 10.000 Fcfa chaque semaine. À l’image de Boti Léon, il dit détenir également le secret du cure-dent de son père. Mais, il nous présente une tige de plante différente de la racine déterrée par Léon.
De Bouaflé à Zuenoula en passant par Bonon, il nous est paru paradoxal que seuls quelques initiés connaissent la plante. Le grand public ne connaît que la forme du produit fini, c’est-à-dire le bâtonnet. Balou Bi Néné, lui, soutient mordicus qu’il n’est pas nécessaire de se déshabiller avant d’extraire la plante. « Mon père ne m’a jamais enseigné cela. Seulement, il m’a toujours conseillé de tenir mon pied gauche devant moi en coupant la plante. Et c’est le majeur de ma main qui sert de mesure », explique-t-il. La méthode d’utilisation est ici bien particulière. « Il faut maintenir le cure-dent en position debout au chevet du lit, tout le temps que vous serez avec votre partenaire. Cela vous permet de rester debout tant que vous le voulez », assure notre spécialiste. Qui met en garde les chauds lapins : « Toutefois, le cure-dent que nous utilisons à Zuenoula devient inefficace, dès lors que l’une de ces prescriptions n’est pas respectée.»
Le cure-dent Gouro a un goût amer et la couleur varie selon la plante. A en croire Balou Bi, il existe trois variétés. Les racines de celles retrouvées à Zuenoula sont plus jaunâtres que celles cueillies à Bouaflé et à Gohitafla. L’appellation reste cependant la même : « Glô dêh plêlê ou pela », ce qui signifie littéralement :« Donne la force à l’homme ».
Au nombre des clients de Balou-Bi, l’on compte des touristes européens qui s’en procurent par curiosité. Selon lui, les Ivoiriens vivant en Europe lui passent des commandes. Visiblement, ce tradipraticien vit de son savoir. Chacune de ses racines est accompagnée d’une notice comportant la posologie et son contact. Pour la petite histoire, un sexagénaire natif de Gohitafla raconte qu’à l’époque des travaux forcés, les bras valides déportés pouvaient rester deux à trois ans, loin de leurs épouses. « Lorsque ta femme est passée par l’excision et que tu dois l’abandonner tout ce temps durant, il faut utiliser les moyens coercitifs afin qu’elle te reste fidèle. C’est cette habitude qui restée au peuple Gouro et que nous sommes en train d’exporter ailleurs.
L’autre grande remarque, c’est que les jeunes gens sont plus frappés par la faiblesse sexuelle aujourd’hui que les adultes. « C’est en partie lié à notre alimentation et c’est dommage», explique Djê Bi Eustache, enseignant à la retraite. Le gombo frais, le poisson frais, la viande fraîche seraient ainsi nuisibles aux candidats au septième ciel, selon Léon.
Le cure-dent Gouro pourrait faire bientôt l’objet d’un brevet. Un groupe de chercheurs y travailleraient discrètement. Selon certaines indiscrétions, ils s’activent à établir que les différentes racines ou branches utilisées sont effectivement des aphrodisiaques et traitent la panoplie de pathologies suscitées. Après quoi une nouvelle vie s’ouvrira sans doute à la racine chère aux Gouros.

Inza D. Kader, Correspondant régional
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