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Politique Publié le lundi 2 mars 2009 | Le Patriote

Accusé d’être un braqueur - Une victime raconte son calvaire avec la Police criminelle

Le Patriote : Le 10 décembre dernier vous avez eu maille à partir avec la police criminelle. Pouvons-nous en connaître les raisons ?
M.T. : J’avais un ami à mon petit frère qui était militaire. Il est entré dans l’armée après la guerre. Par la suite il a été affecté à Bondoukou. Toutes les fois qu’il était en transit à Abidjan, il venait loger chez moi à la maison. Quelques années après, notamment en 2007, il est tombé malade. Il a été réaffecté à Abidjan. Etant malade, il continuait à venir chez moi. Même au moment où le mal l’avait alité, c’est mon frère cadet et moi qui étions à son chevet au HMA (Hôpital militaire d’Abidjan, ndlr). Malheureusement, son mal l’a emporté. Mais avant son décès, il était venu chez moi avec certaines de ses affaires. Le premier jour qu’il est arrivé avec sa kalachnikov à la maison, mon frère lui a dit que la maison n’était pas l’endroit idéal pour l’y garder. Les raisons qui fondent les craintes de mon jeune frère est que nous sommes Malinké. Et à cause de nos origines, on nous taxe d’être du RDR (le parti d’Alassane Dramane Ouattara, ndlr). Aussi, voyant cela, mon frère lui a fait comprendre qu’une arme à notre domicile, cela pouvait nous créer des problèmes. D’autant plus que nous avions déjà eu maille à partir avec le GPP (Groupement des patriotes pour la paix, une milice proche du pouvoir en place, ndlr) en 2004 au prétexte que nous étions des rebelles. Devant cet argument, notre ami, nous a dit qu’il irait déposer son arme au ministère de la défense. Effectivement, tôt le lendemain, il est sorti aux alentours de 5 h avec son arme. Nous également, nous étions allés à la recherche de notre pitance quotidienne. A notre retour, il était déjà au lit. Nous n’avons pas vu l’arme. Pour nous, il était allé la déposer comme convenu au ministère. Mais, non. Car, il l’avait emballée et déposée dans le placard de la chambre qu’il occupait. Jusqu’à son décès, nous n’avions plus vu l’arme. En tout cas, ses treillis et de ses paires de rangers étaient déposés en évidence au dessus du placard. Cependant, par son truchement nous avons connu d’autres militaires qui également nous fréquentaient. Après le décès, il était d’ailleurs convenu qu’il devait être enterré avec ses treillis. Le jour précédant son inhumation, son frère nous a contactés pour nous dire qu’il n’était plus nécessaire de venir avec ses treillis car selon lui, l’armée avait fourni un nouveau complet et un cercueil. Sur ces faits, nous sommes allés faire la levée de sa dépouille mortelle au HMA. Et nous l’avons transféré à Maféré. Après son enterrement, nous avons demandé à son frère de venir chercher ses effets vestimentaires. Mais étant donné qu’il s’agissait d’effets militaires, cela n’avait pas une grande importance pour lui. Il a préféré aller prendre les appareils électroménagers de son défunt frère à Bondoukou au lieu de venir s’embarrasser avec des rangers et des treillis qu’il ne pouvait pas utiliser. Néanmoins, il nous avait promis qu’il allait venir prendre ce qu’il pouvait vendre des affaires de son frère.

L.P. : Qu’avez-vous fait de son arme ?
M.T. : Nous étions dans cette attente jusqu’à la veille des fêtes de fin d’année. Dans l’optique de rentrer en beauté dans la nouvelle année, nous avons projeté de mettre une nouvelle couche de peinture à la maison. Arrivé dans la chambre que notre ami militaire occupait, mon frère voulait mettre de la peinture derrière le placard. Le placard étant lourd, il était obligé de le vider pour pouvoir le faire bouger. C’est en faisant cela que l’arme emballée dans un drap est tombée à ses pieds. Le défunt avait mis les munitions de son arme dans la poche d’un gilet. Ayant vu cela, mon frère cadet m’a fait appeler. Et m’a dit que Jacques (son ami décédé, ndlr) avait laissé son arme à la maison. C’est ainsi que nous avons déballé l’arme. Et nous nous sommes rendus compte que les munitions étaient devenues verdâtres à cause de la moisissure. Les amis du défunt avaient été aussi affectés à Bondoukou. Ils étaient au nombre de deux personnes tous des militaires. Nous avons contacté l’un d’entre eux pour lui expliquer la situation. Et surtout pour trouver une solution à ce problème. Ce dernier nous a indiqué qu’après la fête s’il a eu une permission il viendrait chercher l’arme en question. Voyant que le délai donné par ce dernier à savoir la fin des fêtes de fin d’année était trop éloigné, j’ai abordé le problème avec des amis de quartier. Et parmi eux, il y avait même un gendarme. Tous étaient donc au fait du problème de l’arme à feu de mon ami décédé. L’affaire n’était qu’un secret de polichinelle. Ces derniers m’ont conseillé d’attendre l’arrivée de son frère d’arme. Pour eux, étant du même corps il était préférable que ce soit lui qui trouve une solution à cette question épineuse. Deux jours après la fête, ce dernier est arrivé à Abidjan. Habituellement lorsqu’il est là, il nous signale un jour avant son arrivée. Mais cette fois ce ne fut pas le cas. C’est arrivé à Abidjan qu’il a contacté mon frère. Et il est allé le trouver à Adjamé et ensemble, ils sont rentrés la nuit à la maison. Ils sont arrivés aux alentours de 19 h. Il s’est lavé et à mangé. Entre temps, il y avait un match de football à la télévision. Et aux environ de 21 h alors que j’étais chez mon ami, j’ai reçu un coup de fil de ma sœur aînée. Elle m’a annoncé que des éléments de la police judicaire an nombre de huit personnes avaient fait incursion à la maison. Et avait mis mon frère aux arrêts au prétexte qu’il était un braqueur. C’est ainsi, que je suis arrivé à la maison au pas de course. Lorsque je suis arrivé, j’ai trouvé effectivement des personnes à la maison. A ma grande surprise, ces derniers m’ont accueilli avec la crosse de leur arme à la nuque. La violence du coup m’a fait tomber dans le divan. Ils menaçaient de nous abattre. Ensuite, ils nous ont menottés. Et nu pieds, ils m’ont conduit dehors. Ils sont allés me faire coucher au bord de la route dans mon quartier comme un malfaiteur. Et devant les habitants de mon quartier, ils menaçaient d’aller me tuer.

L.P. : Comment avez-vous été transféré à la police criminelle ?
M.T. : Etant au nombre de huit personnes plus mon frère, le militaire, moi et un autre jeune de mon quartier qui était venu regarder le match qui passait à la télévision, nous étions finalement douze personnes. Ils ont du emprunter deux taxis pour pouvoir évacuer toutes ces personnes à la direction de la police criminelle. Nous avons trouvé le Directeur de la police criminelle sur les lieux. Le lieutenant qui a planifié notre arrestation, nous a fait entrer dans son bureau. Mais par la suite, il y a eu une dispute entre eux. Certains disaient qu’il fallait nous laissé partir. Alors que d’autre s’y opposaient. Car selon ces derniers, il s’agissait d’une histoire d’argent. Les personnes qui ont été appréhendées avec nous ont été libérées. Et mon frère et moi avons été gardés à la police criminelle.

L.P. : Pourquoi se disputaient-ils?
M.T. : En fait, il n’avait pas été question initialement de nous transférer à la police criminelle mais plutôt de nous abattre comme de vulgaires braqueurs. C’est le lieutenant en question qui m’a révélé qu’ils avaient reçu l’ordre d’aller nous exécuter. Mais étant chrétien, Dieu a fini par toucher son cœur. Mais la raison véritable est que voyant une opportunité de tirer de l’argent dans cette histoire, un groupe a décidé de nous transférer dans les locaux de la PJ. C’est donc grâce à leur cupidité que nous avons eu la vie sauve. Déjà à la maison, ils ont pris la somme de 85.000 F CFA qu’ils m’ont restituée par la suite parce qu’il y avait une négociation entre les éléments de la police et mes parents.
L.P. : Que s’est-il passé lorsque vous êtes arrivé à la police criminelle ?
M.T. : Les policiers nous ont demandé comment l’arme est entrée en notre possession. Je le leur ai expliqué. Ils ont interrogé mon frère et moi séparément pour pouvoir comparer nos dépositions respectives. Malheureusement pour eux, ce sont les mêmes versions que nous avons données.

L.P. : Combien de jours avez-vous passé dans à la police criminelle ?
M.T. : Nous y avons passé 12 jours. Nous avons été incarcérés du 10 au 23 décembre. Les éléments de la police, nous ont demandé de faire un choix entre un braquage, une rébellion et une tentative de coup d’état.

L.P. : En ce moment, quel était votre sentiment ?
M.T. : J’ai trouvé cela drôle. Je leur ai demandé de choisir ce qui les arrangeait. Ils ont quand même été intelligents. Car, ils savaient que les deux premières options allaient leur échapper. Ils ont alors décidé de nous coller les chefs d’accusation de braquage et de location d’arme à feu. Lorsqu’ils ont fini de rédiger le procès verbal, ils m’ont demandé de le signer. J’ai opposé un refus catégorique. Par la suite, ils nous ont dit que pour que nous puissions nous en sortir il faudrait que nous payions 50 millions de Francs CFA. Le lendemain, ils ont compris qu’ils avaient mis la barre haute. Et le lendemain, ils sont donc descendus à 10 millions de Francs CFA. Ce que nous trouvions effrayant c’est que les policiers de la criminelle avaient des informations sur tous nos parents. Ceux qui avaient de l’argent et qui étaient susceptible de nous tirer d’affaire. Pour avoir gain de cause, ils ont contacté certains de nos parents. Ces derniers ont cru qu’il s’agissait d’une affaire nécessitant des sommes relativement abordables. Lorsqu’ils sont arrivés, les négociations ont eu lieu. Ils ne se sont pas entendus. De 10 millions, ils sont finalement descendus à 5 millions. Entretemps, des personnes avisées ont dit à mes parents de ne pas conclure d’accord avec la police. Et d’attendre que nous soyons déferrés pour obtenir notre libération de façon légale. A la suite, les policiers sont descendus encore à 3 millions de FCFA. De fil en aiguille, ils ont compris que mes parents ne voulaient pas rentrer dans cette combine. Alors le matin du 16 décembre, ils nous ont fait sortir de la prison et nous ont photographiés. Mais avant de le faire, ils nous ont demandé de porter des treillis. Ce que nous avons refusé. Ils nous ont dit qu’étant donné que nos parents s’opposaient à leur requête, ils allaient nous créer des problèmes. Leur stratégie consistait à mentir dans nos PV. En le faisant, ils nous donnaient pour ce faire un aller simple pour la MACA. Ils nous ont fait rentrer dans le bureau du lieutenant pour nous prendre en photo. L’un des responsable est entré dans la salle et à demandé si les « Roméo Tango Indien » devaient arriver. Dans leur code cela voulais dire la RTI (Radio diffusion et télévision Ivoirienne, ndlr). L’un des agents présents a rétorqué que oui. A midi, ils nous ont rappelés dans le bureau. Et cette fois-ci, il y avait deux agents de la RTI. Ils ont pour l’occasion fait sortir les effets vestimentaires et la kalachnikov de notre défunt ami. Devant les agents de la RTI, ils nous ont demandé de porter encore une fois le treillis et nous avons refusé.

L.P. : Comment avez-vous été présentés aux agents de la RTI ?
M.T. : Nous avons été présentés comme des braqueurs. Ils nous ont donné la parole. Mais ceux qui ont suivi l’élément télévisé on dit qu’on ne nous entendait pas. On n’entendait que les commentaires de l’agent de la RTI.

L.P. : Quelle a été la réaction de vos parents ?
M.T. : Mes parents ont été purement et simplement choqués. Je suis un peu connu. J’ai flirté avec le milieu du show-biz. Alors imaginez la surprise que cet élément télévisé a causée à mes relations. Mes parents ont reçu des coups de fil d’un peu partout pour connaître le fin mot de cette histoire.

L.P. : Après la diffusion de l’élément télévisé, vos parents ont-ils finalement accepté les exigences des agents de la police criminelle ?
M.T. : Non. Pourquoi allaient-ils négocier encore puisque la police avait déjà sali notre réputation. Néanmoins, le lieutenant a pu escroquer 300.000 FCFA à l’une de mes sœurs au prétexte qu’il allait arranger le PV. Ce qu’il n’a pas fait puisque c’est le même PV que nous avons signé qui nous a suivi jusqu’au tribunal.

L.P. : Mais, vous êtes passé également dans la presse écrite
M.T. : En effet, nous sommes passés également dans un Quotidien le 18 décembre. Mais, nous n’avons jamais vu les journalistes de ce journal. Ce sont des policiers qui nous ont pris des photos avec leurs appareils portables et des appareils numériques. Il n y avait aucun journaliste. J’ai l’impression que ce journal a pour fonction de rattraper les bavures policières. C'est-à-dire que lorsque la police commet des bêtises, les journalistes sont là pour rattraper l’évènement.

L.P. : Lorsque vos parents vous ont vu quelle a été leur réaction?
M.T. : C’est moi-même qui leur remontais le moral.

L.P. : Avez eu peur à un moment donné ?
M.T. : J’ai eu peur pour mon jeune frère. A un moment donné des gens ont voulu que nous soyons libérés chacun à son tour. J’ai refusé. Car j’estime que nous avons été mis aux arrêts ensemble. Et si nous devons être libérés, nous devons l’être ensemble.

L.P. : De la police criminelle finalement vous vous retrouvez au parquet. Comment cela s’est-il passé ?
M.T. : Lorsque nous sommes arrivées au parquet, les juges se sont rendu compte que le dossier était vide. Parce que nous n’avons même pas reconnus les faits. Ce sont les policiers qui nous ont obligés à signer le PV. Puisque nous voulions être déferrés, les policiers nous ont dit que tant que nous ne signons pas le PV, cela ne se ferait pas. Nous étions donc contraints de signer le PV.

L.P. : Les policiers ont-ils pu justifier le nombre de jours que vous avez passé dans leur local ?
M.T. : Nous n’avons même pas abordé cette question. Il y a des gens que nous avons trouvés là-bas qui avaient passé près d’1 mois dans les prisons de la police criminelle. Plus vous durez là-bas, mieux cela les arrange eux. Car vous avez le temps de trouver leur argent. Or ils oublient qu’un détenu ne peut sortir pour aller chercher l’argent. Si tu n’as pas de parents pour te soutenir, tu vas tout droit en prison. Nous y avons rencontré des personnes innocentes qui étaient aussi victimes de chantage de la part de la police. Il y a eu notamment celui d’un Camerounais qui vivait dans un quartier précaire du port dénommé Zimbabwe. Il se nommait Edjanké Samuel. Il a été condamné à 5 ans de prison ferme pour escroquerie alors qu’il était innocent. La police avait reçu une plainte concernant un Camerounais qui avait grugé un homme. Et n’ayant pas pu mettre la main sur lui, ils sont allés mettre Samuel aux arrêts alors qu’il était en train de cuire sa banane au feu. N’ayant pas de parents pour le tirer des griffes de la police, le pauvre homme a écopé de 5 ans de prison fermes. Il y a aussi le cas du vieux Sidibé, un quinquagénaire d’origine malienne vivant au PK 18. Des éléments de la police sont allés nuitamment enterrer des cartouches de Kalachnikov sur son site de travail. Le lendemain, ils sont venus le mettre aux arrêts au prétexte qu’il est le cerveau d’un gang de braqueur. Devant son opposition et le scepticisme des riverains, ils se sont dirigés comme par un radar vers le lieu où les cartouches ont été enterrées. Puis les ont déterrés au grand dam de l’assistance. Le vieux Sidibé a recouvré la liberté qu’en graissant la patte des policiers en payant la somme de 500.000 FCFA.

L.P. : Comment étiez-vous détenus à la MACA ?
M.T. : Nous sommes rentrés le 23 décembre. Et nous avons été jugés le 5 janvier. Nous avons fait près de 17 jours à la MACA. Nous avons été libérés le 6 janvier. On était au « blindé » dans le tristement célèbre bâtiment « C ». Les cellules sont en faite des coffres aussi petits que ma chambre (il désigne la chambrette où nous sommes assis).

L.P. : Mais depuis le 6 janvier comment vivez-vous ?
M.T. : Depuis cette date, je vis caché. Je ne peux plus vivre chez moi avec ma femme. Car les policiers m’ont dit qu’ils connaissaient chez moi. Donc à chaque moment, ils peuvent effectuer une descente à la maison. Et que si nous avons pu échapper à la première tentative, ce ne sera pas évident à la seconde. Actuellement nous nous cachons. Mais ce n’est pas une vie. Souvent je me cache pour aller à Yopougon. Mais, je sors de bonne heure. Je vis une existence de nomade. J’ai un oncle dont l’ami fait partie du Cecos. Et ce dernier lui a dit un jour que la police savait où nous trouver. Et que les maisons de nos tuteurs étaient sous surveillance.
Coulibaly Brahima
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