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Art et Culture Publié le samedi 13 juin 2009 | L’intelligent d’Abidjan

Valy Coulibaly, président de l’ODP – Artisan à Korhogo :‘’Nous regrettons les années Duon Sadia’’

Arrivé dans les arcannes des artisans de Waraniéné (région des Savanes), entre les articles accrochés sur les étals de fortune, un homme assis, la tête entre les mains. Le visage soucieux et les yeux écarquillés. Valy Coulibaly, président de l’ODP (Organisation départemental et professionnelle), artisanat d’art promenait des regards inquiets.... Malgré les difficultés, ils donnent, sans rien attendre en retour par «pur humanisme». Dans cette interview ..., l’artisan de Waraniéné regrette au bord de l’émotion, les années du ministre Duon Sadia.
Vous affichez un visage piteux pur un commerçant qui devrait attirer du visiteur sur son étal...
Vous voyez, il n’y a personne aujourd’hui (Ndlr, 2 mai 2009). Un des nôtres est en deuil. On doit le soutenir. Mais où trouver de l’argent pour l’aider ? Notre association peut bien lui venir en aide, mais ce n’est pas suffisant. C’est ce qui explique le fait que je sois triste.
Quelles sont les difficultés que les artisans de Waraniéné rencontrent dans l’exercice de leur métier?
Nous vivions de l’abondance des touristes dans nos rayons. Depuis le début de la crise, nos activités ont baissé d’intensité. Les touristes ne viennent plus à Waraniéné, ce qui fait que nous sommes en difficultés aujourd’hui. Nous regrettons les années du ministre Duon Sadia qui avait crée une Journée nationale du Tourisme où tous les artisans venaient exposer. Le 27 septembre de chaque année, il organisait ladite journée pour permettre aux artisans de gagner un peu d’argent.

Je souhaiterais demander au ministre Sidiki Konaté de penser aux artisans de Waraniéné et, par ricochet, à ceux des différentes régions de la Côte d’Ivoire, en organisant une grande exposition au niveau d’Abidjan pour les artisans ivoiriens. Notamment les artisans d’art (ndlr les sculpteurs, les peintres et autres). Il faut des expositions comme celle qu’on organisait le ministre Duon Sadia dans les années 70. Nous disons au ministre du Tourisme et de l’Artisanat (ndlr, Sidiki Konaté) que, nous avons entendu son message. Celui de patienter et que, lorsque la crise sera terminée, les touristes reviendront. Entre temps que faisons-nous ? Devons-nous nous laisser mourir ? Il faut que le ministre s’implique dans notre métier pour que nous arrivions véritablement à vivre de notre art.
Avec quel matériel travaillez-vous pour la concevoir vos articles ?
Notre matière première est le coton. Il est soit filé à la main, soit filé en usine. Le coton filé en usine nous arrive de Gonfreville (Ndlr, Bouaké), l’Utexi à Dimbokro et de Cotivo d’Agboville. C’est vrai que ces entreprises ont été, pour la plupart, fermées. Certaines ne fonctionnent pas à plein régime. Durant la guerre, en 2002, nous avons fait une année de disette. On n’a pas travaillé, parce qu’on n’arrivait pas à nous réapprovisionner. Tenez-vous bien, l’activité principale du village est le tissage. Pendant cette période, les hommes ont eu leur salut grâce à la ténacité des femmes du village. Elles se sont décarcassées pour entrer dans les différents vergers, chercher du bois de chauffe pour les vendre et nous faire à manger. C’est l’occasion de leur rendre hommage. Je salue au passage les braves femmes de Waraniéné. Il faut traduire nos remerciements au PAM (Programme alimentaire mondial) qui nous a ravitaillé en produits vivriers à savoir des sacs de riz.
Pour faire face à ces difficultés, est-ce que vous bénéficiez en ce moment du soutien du ministre du Tourisme et de l’Artisanat ?
Pour le moment non ! Le ministère ne fait que nous organiser et nous structurer. Nous voulons que le ministre de tutelle nous aide à organiser une foire nationale et internationale où nous pourrions exposer. Nos articles sont exposés un peu partout dans le monde, mais sans nous.
Quelles sont les démarches que vous avez entreprises auprès des autorités ivoiriennes ?
Nous avons côtoyé en vain les autorités. Ainsi, par le biais de votre journal, nous réitérons notre volonté de nous faire entendre des autorités ivoiriennes ; en l’occurrence le ministre du Tourisme et de l’Artisanat. Nous demandons à être associés aux différentes foires internationales ; que les autorités nous fassent déplacer afin d’y exposer. Nous voulons aller commercialiser nos produits nous-mêmes. C’est ce que nous préférons. Nous sommes les seuls qui ont la possibilité de décoder ou de commenter nos œuvres. C’est nous qui pouvons convaincre les touristes, afin qu’ils paient les produits de Waraniéné.
A quel rituel doit-on sacrifier pour apprendre le métier de tisserands?
A Waraniéné, nous acceptons que tout le monde vienne apprendre ce métier qui nourrit son homme. Avant la crise, nous recevions des gens de tout le pays. On a reçu à Waraniéné un jeune bété qui apprenait le métier à nos côtés. Bien que notre métier soit héréditaire, nous acceptons de le partager avec les autres. En tissant, ton fils se tient près de toi, il observe ce qui se fait. Puis, il commence à rempiler la bobine. Lorsque tu finis de tisser, il prend ta place et il apprend déjà et pédale avec la navette à la main. Au fur et à mesure, son père l’instruit. Même nos enfants qui vont à l’école, apprennent à tisser parce que le tissage est une affaire de génération.
Vous recevez chaque année des stagiaires pour apprendre le métier de tisserand sans imposer des frais de cours malgré vos difficultés financières. Pourquoi le faites-vous?
Chaque année, nous recevons des stagiaires de tout le pays. Certains nous arrivent de l’Europe pour apprendre à tisser. C’est une formation que nous donnons gratuitement, mais nous exigeons que le matériel soit acquis au frais du stagiaire. Nous le faisons par pur humanisme. Nous pensons que c’est un métier comme tout autre, nous serions fiers que nos stagiaires soient de grands tisserands dans leurs régions d’origine.
Au bout de combien d’années, un nouvel adepte peut-il apprendre et maîtriser la profession de tisserand?
Si le stagiaire est très attentif, il peut tout boucler en deux (2) ans d’apprentissage. Au terme de cette période, il peut reproduire les motifs et tous les accessoires du métier. Nous ne nous opposons pas à ce que celui-ci veuille aller faire valoir son talent ailleurs pour gagner sa vie.
N’avez-vous pas peur de la concurrence ?
Non ! Nous n’avons pas peur de la concurrence. D’ailleurs, ce n’est pas Waraniéné seul qui est la localité productrice d’articles faits à base de coton tissé. Il y a des tisserands au centre du pays - à Bomizanbo - et à l’Ouest. La particularité de Waraniéné se situe au niveau de la matière utilisée, des motifs et des modèles. Notre doigté est original. Les tisserands de Bomizanbo font du bon travail mais, ils n’ont pas la même qualité que nous tisserands de Waraniéné. Nos articles sont diversifiés. Nous faisons les nappes de table, les couvre-lits, des vêtements et des oreillers. Alors qu’eux tissent les pagnes appelés « Kita ».
Entretien réalisée à Korhogo par Krou Patrick
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