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Politique Publié le jeudi 17 décembre 2009 | Nord-Sud

Santé, Enseignement, Justice - Gbagbo aux grévistes :“Je n`augmenterai pas les salaires”

Face à 94 journalistes venus de 51 organes de presse, nationaux et internationaux, le président de la République a parcouru en deux heures d'échanges l'actualité politique locale et étrangère. Il a présenté ses « excuses » aux Ivoiriens pour ne leur avoir pas épargné la guerre. Ferme, Laurent Gbagbo ne compte verser aucun sous aux travailleurs qui réclament des augmentations de salaires. De larges extraits de son propos…


Aux journalistes : «Ne me donnez pas tort »

Je pense que la meilleure manière d'appliquer une idée c'est de l'appliquer soi-même. Je voudrais lancer un appel aux journalistes. D'abord, nous n'avons pas dépénalisé les délits de presse nous avons supprimé la peine d'emprisonnement parce que les sanctions pénales sont des peines. J'ai estimé que ce n'est pas la peine de mettre certains en prison à cause de ce qu'ils pensent. C'était malsain pour la Côte d'Ivoire. Nous avons donc décidé de ne pas faire condamner un journaliste à des peines d'emprisonnement à cause des idées qu'il émet. Ainsi au moment où nous le faisions, beaucoup de chefs d'Etats m'ont dit que ce n'était pas bon de le faire. Des responsables politiques ivoiriens m'ont dit que ce n'était pas bon parce que les journalistes ivoiriens allaient prendre cette liberté pour la licence et qu'ils n'allaient plus avoir de limite. J'ai tenu bon parce que c'est ma conviction profonde que cela ne sert à rien de faire emprisonner quelqu’un à cause de ce qu'il dit. C'est vous qui devez me donner raison ou tort. Aujourd'hui, beaucoup d'hommes politiques qui me disaient de ne pas faire voter cette loi, viennent me dire : « On t'a dit de ne pas le faire, tu ne nous as pas écoutés ; tu vois qu'ils écrivent n'importe quoi sur ton compte et celui des autres». Donc dans cette bataille, j'ai fait ma part, il appartient aux journalistes de faire la leur. En faisant ma part, je me suis dis que les journalistes allaient avoir un sursaut de responsabilité. On continue de raconter des choses qui ne sont pas bien. Alors qu'il suffit de s'informer. Sans faire de la publicité, le journal que j'aime le plus au monde, c'est le Canard enchaîné pour ce qu'il écrit et à cause de sa méthode de travail. Ne me donnez pas tort, parce que si vous me donnez tort quand un autre président viendra il va remettre les peines d'emprisonnement. Et on va recommencer les mêmes ballets à la Maca (Maison d'arrêt correctionnel d'Abidjan). Pour vous-mêmes, ne me donnez pas. Confortons la liberté de la presse au lieu de la mettre en péril.

«Je veux une Côte d'Ivoire démocratique et prospère»

Ce n'est pas parce qu'il y avait un parti unique qu'il n'y a pas plusieurs pensées. Je l'ai écrit dans un livre qui paraît dans quelques jours : “La Côte d'Ivoire dont je rêve, ce n'est pas la Côte d'Ivoire d'hier”. J'entends les gens dire qu'il faut qu'on revienne à la Côte d'Ivoire d'avant. Je veux qu'on vienne à une Côte d'Ivoire pacifiée et démocratique. Je veux qu'on atteigne une Côte d'Ivoire démocratique et prospère. Je ne veux pas qu'on retourne à la Côte d'Ivoire d'avant parce qu'avant c'est nous qui étions en prison. Et je ne veux pas d'une Côte d'Ivoire où celui qui pense différemment de celui qui est au pouvoir parte en prison. (…) La leçon que j'en tire (de ses années d'opposant maintes fois emprisonné) je ne suis pas de ceux qui regrettent la Côte d' Ivoire passée. Je veux qu'on avance et pour avancer, je veux une Côte d'Ivoire prospère, démocratique. Il faut bâtir la paix sur la démocratie et la prospérité.

«Je ne vais pas augmenter les salaires maintenant »

(…) Nous attendions le point d'achèvement en septembre 2002 ou en mars 2003 quand la guerre a éclaté. Donc ceux avec qui nous négocions se sont retirés. Mais quand ils se retirent, c'est la Côte d'Ivoire qui a des problèmes. Malgré cela, nous avons tenu la route. Non seulement, nous avons maintenu les salaires mais nous les avons même augmentés. Aujourd'hui dès après la signature de l'accord de paix de Ouagadougou, j'ai demandé au gouvernement de relancer les négociations avec les institutions de Bretton Woods. On a connu des moments difficiles, certains on même cru que la Côte d'Ivoire était en cessation de paiement. La Côte d'Ivoire n'a jamais été en cessation de paiement mais nous avons pris des risques à un moment parce qu'il fallait, où les élections arrivent, que le nouveau gouvernement ait les mains libres pour relancer efficacement la machine économique de la Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, nous sommes sur le point de faire les élections et nous sommes sur le point d'atteindre le point d'achèvement. Et nous avançons bien. Nous n'allons pas compromettre tous ces efforts. Je ne vais pas augmenter les salaires maintenant. Ce que le ministre Diby (de l'Economie et des Finances) propose, même à ceux (les grévistes) avec qui il a eu des accords, c'est de leur payer 50 % et puis d'attendre le point d'achèvement de l'initiative PPTE (Pays pauvres très endettés) pour payer le reste. Certains ne veulent pas entendre raison, ils font comme s'il y a une caisse qui est remplie d'argent à distribuer. On ne peut pas accepter cela. Je ne donnerai pas cinq francs. Je ne donnerai pas cinq francs de plus. Vraiment je ne donnerai pas et puis c'est fini. On attend le point d'achèvement et on va reprendre les négociations. Mais il faut que les Ivoiriens comprennent qu'il s'agit de leur pays. Dans la situation où nous sommes aujourd'hui, nous ne donnerons pas un franc. On leur donnera ce que le ministre de l'Economie et des Finances va leur donner ; c'est-à-dire peu par rapport à ce qu'ils attendent.


“Il n'y a pas d'opposition en Côte d'Ivoire”

(…) Au plan strictement juridique et au plan de la définition, il n'y a pas d'opposition en Côte d'Ivoire. Parce qu'une opposition est composée de personnes qui s'opposent au programme politique de ceux qui sont au pouvoir. Les opposants sont des gens qui sont organisés, qui ont leur propre manière de voir, leur propre programme contradictoire avec celui qui est appliqué. Et qui ne sont pas du tout ou partiellement accord avec ce qui ce fait et qui attendent, cherchent le suffrage des électeurs pour remplacer ceux qui sont au pouvoir. Pour mettre leur politique en œuvre. Mais aujourd'hui en Côte d'Ivoire, nous sommes dans une période que d'autres ont appelé transition. Donc quand la guerre a éclaté, c'est le chef d'Etat seul qu'on a conservé. On lui a adjoint tous les autres partis politiques qui étaient représentés à l'Assemblée nationale pour former un gouvernement afin de sortir de la crise. Au sens du droit et de la langue française, il n'y a pas d'opposition en Côte d'Ivoire. Ceux qui se disent opposants abusent ceux qui les écoutent parce qu'ils ne sont pas des opposants. Parce que dans une République, les décisions se prennent dans un Conseil des ministres. Mais nous sommes tous au Conseil des ministres. J'ai rencontré une situation similaire à Niamey au Niger où j'ai demandé à des amis, qui étaient censés être des opposants, comment ils se comportent. Ils m'ont dit : « Non, nous sommes au gouvernement, il n'y a plus d'opposition ». Voilà qui est honnête. Sur l'ensemble de l'Afrique, je pense qu'elle est vraiment en train de changer. Notamment dans les rapports entre l'Afrique et les anciennes puissances coloniales. Il y en a qui prenne les cas de la Guinée et la Mauritanie et ils disent qu'il y a des coups d'Etat en Afrique. Je leur dis, mettons balle à terre. Moi, je suis optimiste sur l'Afrique. (…)


« Je ne travaille pas pour que les élections soient retardées »

Moi je pense qu'il faut aller aux élections. Avec les propositions que j'ai faites après la signature de l'Accord de Ouagadougou, on aurait pu aller aux élections en décembre 2007. Plus vite on s'en va aux élections, mieux ça vaut pour moi. Donc j'ai intérêt à ce qu'on aille vite aux élections. Mais la Commission électorale indépendante (Cei) qui organise les élections, vient me voir pour me dire on n'a pas fait ceci, on n'a pas fait cela... Que voulez vous que je lui dise. Faut-il bâcler le travail ? Faut-il bâcler l'identification pour laquelle il y a eu la guerre et la crise ? Ce n'est pas possible ! Donc il faut qu'on sorte véritablement de la crise. Il faut travailler pour la Côte d'Ivoire, pour qu'elle soit équilibrée. Aujourd'hui, on ne parle plus d'Ivoirité, tout le monde est candidat. Donc moi je ne travaille pas pour que les élections soient retardées, au contraire. Il ne faut pas que les gens s'amusent avec les élections en Côte d'Ivoire. L'intérêt de la Côte d'Ivoire c'est qu'on aille aux élections le plutôt possible. Mais il convient de laisser à l'organisme à qui nous avons confié l'organisation de l'élection le temps de bien faire le travail qu'il faut faire pour que les maux qui nous ont envoyés la guerre ne reviennent plus. Une fois que nous tous nous aurons compris ça, je crois qu'il n'y aura plus de problème en Côte d'Ivoire (…)

Bidi Ignace et P.A.T
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