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Société Publié le mardi 29 décembre 2009 | Le Mandat

Enquête : La rue princesse dévoilée - Là où l’alcool, la drogue, et le sexe s’entremêlent - Pourquoi les autorités sont-elles impuissantes ? - Une industrie culturelle et économique au cœur d’une cité !

Située dans la commune de Yopougon dans le nord d’Abidjan, entre les quartiers Selmer et Wassakara, l’ancienne Mesmer, jadis paisible, a changé de visage.
Notre enquête.

Quel ivoirien n’a jamais entendu parler de la Rue Princesse ? En tout cas, ils ne sont pas nombreux à vous répondre par la négative. Tant sa réputation de zone féérique est connue de certains ressortissants des pays limitrophes de la Côte d’Ivoire. Populaire pour le nombre impressionnant de ses maquis, bars et buvettes, et discothèques, mais également par la multitude des mets et les variétés musicales, la rue princesse est devenue le lieu le plus célèbre des rendez-vous nocturnes d’Abidjan. Aujourd’hui, la rue mille maquis à Marcory tente en vain de rivaliser avec la rue princesse, en termes de ‘’maquis’’ et d’expression culturelle.

Origine

Boulevard important dans l’économie de la commune, la rue princesse est née à la fin des années 80. La clinique devenue aujourd’hui “Cyclone Bar” est l’un des premiers ‘’maquis’’ à ouvrir ses portes sur cette voie. Vont suivre par la suite, la Pharmacie de garde (près du chawarma actuel de la rue princesse), le Sérum devenu Magnum, Get 27 et le Golgotha, dont Charly Beaux Yeux, Manou, Dj Ben, Boby, Adama Get, Martino Cerveau, Aladji Tutuya, Dj Moneka Jean Yao sont connus pour être de grands maîtres de salle…La salsa, la rythmique Blues, le Zouglou faisaient la gaieté du secteur.

Essor

La rue princesse va connaître un autre visage à partir de 1990 avec une extension fulgurante. Au début, les premiers “maquis” du secteur étaient simplement montés avec quelques planches. La beauté ou l’emplacement comptaient peu. Aujourd’hui, l’on ne parle que de “maquis” modernes avec des loubards, des filles ‘’enjoyeuses’’ et des animateurs au top. La classe des premiers Dj : Chao Mao, Get 27 et Aladji Tutuya semble révolue. L’Essor est incontestable pour celui qui y revient après 30 ans. Au Get 27, en venant du côté de la Pharmacie Keneya, la rue se limite au Magnum discothèque qui jouxte le quartier Bel Air. “Le Pouvoir” et “la Nouvelle Ecriture” font figure d’espace exquis après des rénovations les rapprochant à de véritables discothèques. Ces deux endroits rivaux de réjouissance qui se targuaient d’être des références, ont contribué à la promotion de cette rue au-delà de nos frontières. Alors que la crise battait son plein avec la période de couvre-feu, la rue, elle perpétue son extension avec la naissance de Shanghaï (précédemment Tango Tango). Un nouveau concept est alors imaginé par docteur Viera. Face à la rude concurrence, chaque ‘’maquis’’ s’est attaché des services de managers, de disques Jockeys (Dj) avec des cabines climatisées. Ainsi, que de serveuses aux allures de racoleuses et des body guards musclés en uniformes, à l’image de leur boîte. Les body guards ont assurément le physique de l’emploi. Quant aux filles, elles ont surtout l’art, sauf celui de l’ange. Lorsque, aux environs de 23h, nous prenons place dans un de ces espaces, nous étions loin d’imaginer qu’ici le sexe, l’alcool et la drogue forment un cocktail explosif.

Un autre monde

Sans aucune prétention, il ne serait pas exagéré de dire que la rue princesse est un endroit de tous les vices. Cette nuit là, la serveuse à qui nous avons offert une bouteille de bière 66, ne fait aucun mystère sur la vie à la rue princesse. Et cela, après lui avoir formulé le vœu de l’épouser. « Si vraiment, tu veux faire du sérieux, je vais tout arrêter », commence celle-ci avant de demander une cigarette que je lui offre sans hésitation. De l’estrade, on lui fait signe. Elle se lève en exhibant un postérieur qui peut faire frissonner plus d’un érotique. Ma compagne du soir ne passe pas inaperçue. Tout son habillement laisse transparaître presque sa nudité. De retour, je lui offre une autre bouteille de 66. Elle me trouve très aimable. De la vie à la rue princesse, elle raconte. « On se débrouille ici, chacun d’entre nous cherche sa vie. Ils sont nombreux les gars qui viennent ici et nous draguent. Souvent pour une passe. Mais, ils ne sont pas sérieux. C’est pour se défouler. Aujourd’hui, si tu n’es pas attirante, tu ne peux pas servir à la Rue Princesse. Parfois, la drogue circule ici. Leaders de la jeunesse patriotique, des refondateurs, des cadres de tous bords politiques passent ici ». Elle m’indique le véhicule d’un haut gradé de l’armée, mais refuse de dire son nom. Seul aveu, une de ses copines s’y trouve. Ma compagne du soir n’est pas une exception. Toutes les filles vivent le même quotidien dans la réjouissance même la plus inimaginable.

Impact économique

Aujourd’hui, les ‘’maquis’’ de la rue princesse génèrent assez de ressources. Les tenanciers de bars, buvettes et autres restautrants s’acquittent de leur taxe à la marie et constituent un frein au chômage par l’emploi de personnes déscolarisées.

Au plan culturel

La rue princesse est devenue depuis quelques temps, un endroit incontournable en Afrique de l’Ouest au plan culturel. Très populaire pour la diffusion des productions discographiques, des genres musicaux en vogue, coupé décalé, zouglou, elle a vu naître une classe de Dj qui, après la sortie d’un album, ont connu l’eldorado. On cite au panel Dj Mackenzy (de la Nouvelle Ecriture) Dj Arafat ‘du Shanghaï) Dj Bombastik (de la Station) Tata Kheny (de la Nouvelle Ecriture) Marechal Dj (du Shanghaï…) : Tous ces artistes sont désormais des ambassadeurs de la rue princesse et du coupé décalé dans le monde entier.

La république dans la poubelle

A la rue princesse, la musique, la boisson, et le sexe sont au cœur des échanges commerciaux. Objet de plusieurs reportages, le site est le lieu éponyme d’un film du cinéaste Henri Duparc, tout comme le tournage d’un épisode de la série satirique ‘’faut pas fâcher’’. Avec l’ère du temps, des opérateurs économiques rachètent les ‘’maquis’’ et tout se relooke. Le pouvoir est désormais baptisé ‘’Station’’. Quant à la Nouvelle Ecriture, elle s’est transformée en Fouquet’s. C’est ici, sur les bords de cette rue que le régime actuel a foutu l’âme de la république en l’air. Nous sommes le 29 mars 2008. Laurent Gbagbo et Jack Lang effectuent une sortie nocturne à Abidjan. Destination, une boîte de nuit dénommée le ‘’Queens Discothèque’’, de la rue princesse. Il ne serait donc pas malséant de dire que la Côte d’Ivoire a perdu son âme de république sous la refondation.

K Zéguédoua Tano
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