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Politique Publié le samedi 27 mars 2010 | Le Patriote

Journées commémoratives des événements de mars 2004, Joël N’Guessan (Ex-ministre des Droits de l’Homme) : “Les droits de l’Homme n’existent pas en Côte d’Ivoire”

L’ancien ministre des Droits de l’Homme a prononcé une conférence de presse hier, dans le cadre des journées commémoratives des victimes de mars 2004. Nous vous proposons de larges extraits de cette conférence qui avait pour thème : « Les droits de l’Homme en Côte d’Ivoire ».

(…) Les droits de l`homme sont un concept selon lequel tout être humain, quelque soit son sexe, sa nationalité, sa religion, possède des droits universels. En mot ce sont des Droits qui sont attachés à notre nature humaine. Nous sommes des êtres humains donc nous avons ces droits.

Cette façon de raisonner n’a pas toujours été le cas. Dans l’histoire de l’Humanité, il fut des périodes où les hommes étaient catégorisés. Il y avait les Maîtres d’un côté et les Esclaves de l’autre. Il y avait les Seigneurs et les Cerfs. Il y avait ceux dont le sang était supposé être de couleur bleu, les rois et leurs lignées, tandis que les autres, le peuple, avaient un sang ordinaire rouge qui coulaient dans leurs veines. Pendant longtemps, il était admis que les Maîtres ou les Seigneurs avaient des Droits tandis que les Esclaves et les Cerfs avaient des Devoirs ou des obligations. Il a fallu des millénaires et des siècles pour que la communauté humaine dans son ensemble s’accorde sur le caractère sacré et universel des droits inhérents à l’existence de l’être humain. Cela ne s’est pas fait automatiquement. Cela a été le résultat des luttes et conquêtes sociales à travers des siècles. C’est après de sanglantes et meurtrières guerres qui ont fait des dizaines voir des centaines de millions de morts que les êtres humains ont accepté le concept des droits de l’homme et l’ont érigé en lois.

Quelle est la réalité des droits de l’homme en Côte d’Ivoire ?

Mesdames et Messieurs,
Le sujet est vaste. Aussi, je vous propose d’analyser ensemble quelques aspects des Droits de l’Homme dans notre pays.

Le Droit à la vie

Oui Mesdames et Messieurs, la vie humaine n’a plus de valeur pour nous en Côte d’Ivoire.

Je ne reviendrai pas sur les crimes de guerre commis par les forces belligérantes à partir du 19 septembre 2002. Assassinats de centaines de personnes à Daloa en octobre 2002 par la BAE, Assassinats des gendarmes à Bouaké, Charniers au Nord et au Sud de notre pays.

Je ne parlerai pas non plus des exécutions sommaires qui ont cours depuis 10 ans en Côte d’Ivoire, sous le fallacieux prétexte que nous sommes en guerre.

Je ne parlerai pas aussi des 500 personnes tuées lors des évènements de mars 2004 et qui justifient la présente commémoration.

Je ne parlerai pas des bombardements des populations ivoiriennes du Nord de novembre 2004 où il y eu des centaines de morts.

Tout ce que je viens de citer est consigné dans des rapports établis par l’ONU. Tous ceux qui le souhaitent peuvent se les procurer à la Division des Droits de l’Homme de l’ONUCI.

Enfin, je ne parlerai pas des morts de Daloa, Gagnoa et Divo lors des manifestations à la suite de la dissolution inutile du Gouvernement et de la Commission Electorale.

Mesdames et Messieurs,
Nos hommes en arme ont la gâchette trop facile. Peut être qu’il manque à leur formation certaines valeurs morales.

Le Droit à l’Education

Mesdames et Messieurs, avec cet exemple, vous comprenez que le Droit à l’éducation est réservé à ceux qui sont nantis, ceux qui peuvent payer.

Je voudrais attirer votre attention sur le fait que ces Universités privées sont la propriété de nos éminents professeurs, qui après avoir détruit l’école officielle s’enrichissent en créant des universités privées.

La prise en otage de l’Ecole par la FESCI, une mafia d’éternels étudiants n’est pas faite pour arranger les choses

Le Droit à la Santé

Je ne sais pas s’il est nécessaire de parler de Droit à la santé en Côte d’Ivoire. Il n’y a qu’à observer la prolifération des pharmacies par terre et le développement constant des lieux de prière pour comprendre. Quand on ne peut pas se soigner par manque de moyens ou d’hôpitaux, on se confie à Dieu et à tous les charlatans vendeurs d’illusions.

Je vous invite de faire un tour dans nos salles d’urgences médicales et dans nos hôpitaux pour vous rendre compte de la réalité. Elle est écœurante.

Le Droit de vivre dans un environnement sain.

Abidjan la perle des lagunes est un vieux souvenir. Les poubelles et les ordures côtoient les habitations et les populations. La pollution atmosphérique par le gaz carbonique rejeté par les véhicules importés qui ont définitivement dits au revoir à la France ou à la Belgique est la source de plusieurs maladies pulmonaires.

Je ne parlerai pas du scandale des déchets toxiques dont les effets se font encore sentir sur les populations.

Je ne parlerai pas non plus du délestage qui a causé depuis quelques mois des dégâts économiques et sociaux importants

Le Droit au Travail

Je dirai plutôt le Droit au chômage car c’est le terme qui convient le mieux à la situation que vivent nos jeunes frères et sœurs diplômés. En Côte d’Ivoire, le travail est devenu l’exception. C’est le chômage qui est la règle.

L’exploitation des femmes en milieu rural

On a coutume de dire que le succès de ce pays repose sur l’agriculture. Moi je dis que le succès de ce pays repose sur la mauvaise rémunération du travail des femmes en milieu rural. Je m’explique.

Donner l’exemple des femmes qui représentent plus de 75% de la force de travail dans les champs et ce qui leur est donné en fin de campagne.

Donner l’exemple de ces socialistes qui se plaignaient que la banane était chère.

Le Droit au logement

Je crois que nous sommes nombreux, nous qui n’auront jamais la chance d’être propriétaire foncier avant notre retraite professionnelle.

Le Droit à une justice équitable

L’appareil judiciaire ivoirien est déglingué. Les différents rapports établis par les experts montrent que la corruption en est la principale cause.

Je vous invite à tenter de vous faire établir un acte de justice, certificat de nationalité, etc. Vous serez très vite découragés par le nombre d’intermédiaires qu’il faut payer avant d’obtenir ce précieux document.

Les magistrats rendent les décisions de justice en fonction des espèces sonnantes et trébuchantes reçues sous la table. De nos jours c’est au vue et au su de tous qu’ils réclament d’être corrompus avant de rendre une décision en votre faveur.

Ils sont nombreux ces détenus dans nos prisons qui attendent 4 ans, voire 8 ans, avant d’être jugés parce qu’ils n’ont pas d’argent pour faire accélérer leurs dossiers.

Les investisseurs fuient notre pays parce qu’ils n’ont pas confiance en notre justice. L’affaire Cora de Comstar illustre bien cela.

Mesdames et Messieurs, depuis 10 ans notre appareil judiciaire est en faillite.

Le Droit à la nationalité

Mesdames et Messieurs, je m’appelle N’GUESSAN KOUADIO JOEL, de père originaire né à Bouaké en pays Baoulé. Il s’appelait KOUAKOU N’GUESSAN ANDRE. Ma mère est originaire de Yamoussoukro dans le canton AKOUE où elle y est née. Je n’ai aucun problème pour avoir mon certificat de nationalité en dehors du fait que je dois corrompre quelques agents de la Justice pour l’avoir dans le délai requis.

Monsieur le Président OUATTARA vous n’avez pas eu de chance comme moi à votre naissance, il eut fallu ne pas porter ce nom. Les OUATTARA, les KONE, les CAMARA, les COULIBALY avec C et non K, les BERTE, les DIARASSOUBA, les DIABATE, les SANOGO, les TRAORE, les CISSE, etc. n’ont pas non plus de chance de porter ces noms en Côte d’Ivoire, depuis plus de 10 ans. Ce sera la galère pour eux s’ils veulent se faire établir un certificat de nationalité. On va leur demander d’aller chercher l’extrait de naissance, et le certificat de nationalité de leurs arrières grands-pères ou grandes-mères décédés depuis un demi siècle. Et pourtant, ils sont bel et bien ivoiriens car n’ayant jamais appartenu à aucune autre nation que la Côte d’Ivoire. Ils sont ivoiriens de souche multiséculaire. Alors comment comprendre ce débat sur la nationalité ? Pourquoi depuis 15 ans on tente de rendre des gens apatrides malgré ce que notre Constitution édicte en matière de Droit à la nationalité. Pourquoi ce délit de patronyme qui alimente encore le débat sur la liste électorale.

Monsieur le Président
Mesdames et Messieurs

J’aurai pu multiplier à l’infini les exemples pour brosser le tableau sombre des Droits de l’Homme en Côte d’Ivoire.

Notre pas n’est plus un Etat de Droit. Toutes les valeurs morales ont foutu le camp. C’est la déchéance totale.

Pouvons-nous sauver quelque chose encore ?

Je dis oui car il ne faut désespérer. Que faire alors ?

LUTTER CONTRE L’IMPUNITE

L’impunité se définit ici par l’absence d’enquête de jugement et de réparation des violations des Droits de l’Homme. Elle peut être la conséquence de l’absence de règles, mais également, en tout cas, dans le cas de la Côte d’Ivoire, le résultat de la volonté politique d’un régime qui, soumis aux pressions de certains groupes, refuse de faire subir la rigueur de la loi aux indélicats.

Pourquoi n’a-t-on pas puni les auteurs du charnier de Yopougon alors que ceux-ci ont été clairement identifiés par les enquêtes de l’ONU.

J’entends encore avec effarement notre cher Président de l’Assemblée Nationale, M. KOULIBALY Mamadou qui qualifie ce charnier de montage.

Je pense que quand nous n’avons plus d’humanité en nous, la meilleure chose à faire c’est de se taire. Car comment comprendre que des individus se soient regroupés dans un endroit à Yopougon, se sont déshabillés, se sont tirés eux-mêmes des balles dans le corps pour fabriquer le charnier.

Qui sont les auteurs des tueries de mars 2004 ? Pourquoi des manifestants qui n’étaient pas encore sortis de chez eux ont-ils été cueillis par des balles des hélicoptères ?

Qui a donné l’ordre de bombarder les populations ivoiriennes des zones sous contrôle des Forces Nouvelles en novembre 2004 ? C’était le mois de carême et une semaine avant le bombardement, on a privé ces populations d’eau et de courant.

Pourquoi ces morts gratuites ?

Il faut que cela cesse. Et pour cela, il faut identifier, juger et punir les auteurs de tous les crimes contre l’humanité commis en Côte d’Ivoire depuis bientôt 10 ans.

Il faut mettre fin à l’impunité ambiante.

C’est vrai, pour certains, 1000 morts à gauche, 1000 morts à droite ils avancent.
Qu’ils se détrompent. 1 prochain mort à gauche ou 1 prochain mort à droite, vous serez stoppés. Vous n’avancerez plus de votre vie.

Il ne sert à rien d’user de l’amnistie pour couvrir les crimes commis. D’ailleurs je fais remarquer que ces amnisties n’ont aucune valeur au regard du Droit International Humanitaire. Et que tôt ou tard les auteurs seront poursuivis, jugés et punis. Que ceux qui ont des oreilles pour entendre entendent.

Je vous remercie
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