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Société Publié le mardi 14 février 2012 | Diasporas-News

Quand le mot Diaspora prend tout son sens

© Diasporas-News
Carte du monde
Quand le mot diaspora prend tout son sens
L’étymologie du mot diaspora mérite qu’on lui prête attention. Ce mot a été construit à partir du préfixe dia et de spora (ensemencement) issu du verbe speiro qui veut dire semer. Ce préfixe qu’il partage avec les mots dialogue et dialectique sous-entend une idée de séparation voire même d’opposition à travers la confrontation de minimum deux points de vue ou deux raisonnements.
Dans le mot diaspora ce préfixe implique la séparation de la source et le fait de le juxtaposer au mot spora traduit une séparation dans la dispersion source d’un double ensemencement. De ce fait, l’essaimage d’un peuple à travers le monde est source d’enrichissement à tout le moins culturel pour celui qui accueille aussi bien que pour celui qui est accueilli. Dans la plupart des cas cet enrichissement est aussi pécuniaire. Souvent indirect pour la population qui accueille, puisque le travail de l’étranger contribue à l’augmentation des richesses locales, l’enrichissement est direct pour cet étranger qui engrange le fruit de son travail aussi maigre soit-il.
L’existence d’une diaspora implique donc qu’il y ait une population qui émigre et une population qui accueille. Cette population qui accueille le fait d’autant plus facilement qu’elle se sent en sécurité matérielle et morale. Tant que les membres de la diaspora ne sont pas perçus comme étant des pilleurs de richesses et qu’ils acceptent de se fondre dans le moule culturel et social du peuple d’accueil plutôt que de marquer leur différence en imposant leurs propres attributs culturels et sociaux, tout se passe bien entre les deux communautés. Dès que cet accord tacite se rompt, les ressentiments négatifs des deux communautés l’une envers l’autre voient le jour et peuvent conduire à des situations d’une extrême violence.
Chaque immigré devrait garder cette réalité en tête car selon moi, il est de sa responsabilité de faire en sorte que la relation entre lui et sa communauté d’accueil se passe bien. Cette responsabilité lui incombe en tout premier lieu parce que comme le dit si bien la sagesse populaire en Afrique, la main qui reçoit est toujours en dessous de la main qui donne. Autrement dit l’étranger ne peut prétendre se mettre au même niveau que celui qui lui offre l’hospitalité. En étant dans cette logique on ne peut que se sentir mal à l’aise lorsque des personnes accueillies se mettent à manifester violemment pour obtenir des droits dont bénéficient les membres de la société d’accueil. Même si ce comportement peut se comprendre, il me semble plus approprié de négocier pacifiquement plutôt que de revendiquer violemment des privilèges auxquels on a le droit d’aspirer. Ne pas s’inscrire dans cette approche, exacerbe le rejet par la population d’accueil de l’étranger qui par son comportement bafoue le principe de base qui régit la relation entre les deux populations. Pour ma part il me semble évident qu’une population qui émigre n’a pas d’autre choix que de se contenter de l’espace de liberté que lui offre la population d’accueil et si cet espace est jugé insuffisant ; elle n’a plus qu’à refaire ses valises pour se trouver une autre terre d’accueil qui répondra mieux à ses attentes.
L’immigré, doit bien comprendre que son système de référence ne doit pas être les conditions de vies de ceux qui l’accueillent mais plutôt les conditions de vie qui auraient été les siennes dans son pays d’origine. Tant que la balance est en faveur de ses conditions de vie d’immigré il peut rester sur sa terre d’accueil quelque soit la profondeur du gap entre ses conditions de vie et celles des populations qui l’accueillent. Par contre si la balance est en faveur de sa terre d’origine il ne lui reste qu’une chose à faire : rentrer au pays.
Rappeler ces grands principes me semble essentiels au moment où les peuples des terres d’accueil que sont les pays européens traversent une crise économique, sociale et sociétale source d’appauvrissement et d’insécurité. Dans un tel contexte l’étranger quel que soit son degré d’intégration dans la société qui l’a accueilli devient le bouc émissaire le plus commode. A moins que des membres de la communauté d’accueil ne s’insurgent contre la prise à partie de l’immigré, il est inutile que l’immigré se révolte contre la discrimination dont il est victime car cette réaction ne fait que stimuler l’attitude de rejet adoptée par la population d’accueil. Dès lors, cette population peut faire preuve d’une violence inouïe après avoir été d’une extrême hospitalité.
Tous les étrangers qui vivent dans cette Europe en crise doivent garder ces principes en tête et admettre qu’en plus de l’insécurité professionnelle et matérielle que cette crise va leur faire subir, ils pourraient être confrontés à une insécurité morale voire physique contre laquelle il faut qu’ils se préparent. Se préparer ne signifie pas s’inscrire dans la confrontation belliqueuse mais plutôt développer sa résilience et sa capacité à accepter une nouvelle émigration, aussi douloureux que cela puisse être.

L’étranger ou l’immigré ne constitue pas en soi une diaspora. Pour parler de diaspora il faut que s’ajoute à sa condition d’immigré un repli identitaire voire communautaire qui fait qu’il revendique plus ou moins fort son appartenance à sa communauté d’origine. Il pose de ce fait les limites de son intégration dans la société d’accueil et il affiche son lien avec sa communauté et son pays d’origine. Faire partie d’une diaspora impose à l’immigré des responsabilités supplémentaires. La première c’est qu’il se doit de prendre conscience de son rôle d’ambassadeur de son pays, de son peuple et de sa culture d’origine. De lui dépend donc le regard que pose la population d’accueil sur la société dont il se réclame. Si les membres d’une diaspora adoptent des comportements jugés dérangeants par la population d’accueil il en résulte automatiquement une stigmatisation de l’immigré et de sa culture d’origine. C’est cette réalité qui devrait imposer aux membres de la diaspora africaine qui évolue dans cette Europe en crise, le principe selon lequel on a le droit de revendiquer son identité socio culturelle mais pas de l’imposer. Dans ce contexte, l’action de revendiquer ne doit pas se faire dans la confrontation violente mais dans le dialogue et la dialectique que je qualifierais de civilisés pour rejeter le recours à toutes formes de violence qu’elle soit physique ou verbale. Si les membres d’une diaspora transposent sur leur terre d’accueil les divisions politiques, sociales et culturelles souvent à l’origine de leur départ en exil ou en exode, c’est qu’ils n’ont rien compris de ce rôle d’ambassadeur qu’est le leur mais aussi et surtout qu’ils sont en complet déphasage avec la deuxième obligation d’une diaspora qui est d’enrichir sa communauté d’origine avec son expérience à l’étranger.
Rien ne fut plus navrant que de voir la diaspora ivoirienne s’étriper en Europe au nom des clivages politiques qui déchirent leur pays. Cette diaspora qui refuse de s’inscrire dans la transcendance des oppositions politiques et sociales est à proscrire. La diaspora ne devrait avoir qu’un seul crédo : contribuer au développement de son pays et au mieux être des populations qui l’habitent. Cette diaspora se doit de s’extirper de la manipulation des politiques pour montrer une autre voie celle de l’unité, de la maturité et de la sagesse.
La voix de la diaspora doit s’inscrire dans un dialogue et une dialectique qui opposent aux facteurs de division qui prévalent dans leur pays, un message unificateur qui s’inscrive dans une dynamique du développement qui in fine bénéficiera à tous.
A l’aube de l’année nouvelle, le cadeau que les peuples et les pays d’Afrique attendent de leur diaspora est un message de paix et d’unité doublé d’une contribution active au développement de leur pays d’origine. D’aucuns pourront juger cette attente idéaliste voire irréaliste mais les plus beaux projets ne naissent-ils pas souvent d’une douce utopie ?

Jean Béancry
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