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Afrique Publié le vendredi 10 mai 2013 | Diasporas-News

Karim Wade : Chronique d’une chute annoncée

© Diasporas-News Par DR
Karim Wade
Karim Wade a été inculpé, le 17 avril 2013, et placé sous mandat de dépôt pour enrichissement illicite. Un épisode supplémentaire dans la chute programmée du fils de l’ancien président Abdoulaye Wade à qui on prête une fortune estimée à 694 milliards de FCFA.
En passant sa première nuit à la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss à Dakar, l’étiquette du ministre surpuissant est bien derrière Karim Wade. Les Sénégalais, avec leur légendaire sens de la formule souvent moqueuse, l’appelaient « Ministre du ciel, de la terre et tout ce qui se trouve entre les deux ». En effet, sous le magistère de son père président, Karim Wade avait de multiples prérogatives en étant ministre des Infrastructures, de la Coopération internationale et de l’Energie.
Comme avec les premiers pas d’un enfant, les Sénégalais ont vu grandir celui qui était devenu l’une des personnalités la plus puissante du Sénégal. Du jeune timide qui débarquait au Sénégal pour y passer ses vacances, avec sa sœur Sindiély, de l’absent de toutes les campagnes électorales de son père, les Sénégalais avaient un tendre souvenir façonné par la ressemblance certaine avec son père Abdoulaye Wade. Un pater fondateur du Parti démocratique sénégalais en 1974, date de la fin du parti unique sous Senghor, a, une fois au pouvoir, tout fait pour pousser son fils sur le devant de la scène politique. Ainsi après son ascension à la tête du Sénégal le 19 mars 2000, Karim Wade ne tarda pas à rentrer définitivement au Sénégal au détriment d’une carrière de banquier à Londres.
Au Sénégal, « tout le monde savait que Karim Wade, à la faveur d’activités multiples qui étaient quand même liées à la politique, quand il est arrivé aux responsabilités, n’avait pas de fortune particulière » fait savoir Jean-Christophe Rufin, ambassadeur de France au Sénégal d'août 2007 à juin 2010. Il devient étonnant qu’aujourd’hui le Procureur spécial de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite estime à près d’un milliard d’euro la fortune de Wade fils. « C’est un [homme] jeune, qui avait travaillé à Londres dans un cabinet financier. », a poursuivi M. Rufin.
L’objet des suspicions réside principalement dans sa gestion de l’Anoci (Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique). C’est une structure qui était dirigée par Karim Wade lui même. Elle gérait plusieurs milliards de F Cfa en provenance de pays du Golfe, pour la tenue du 11ème sommet de l'Organisation de la conférence islamique (Oci), en mars 2008 à Dakar. Il y avait d’énormes sommes d’argent investies par les pays membres de l’organisation pour aménager la capitale sénégalaise afin d’accueillir les délégations participantes au sommet de l’Oci. « Il avait brassé beaucoup d’argent de façon un tout petit peu mystérieuse » se souvient Jean-Christophe Rufin au micro de RFI. Malgré toutes ces investissements, les travaux ont eu du retard et souvent mal faits. Les dakarois gardent en souvenir un nouvel échangeur issu des travaux qui s’inondait dès les premières gouttes de pluie. Pourtant cette première expérience mitigée ne découragea pas Karim Wade. Elle fut même un accélérateur de son entrée dans la gestion des affaires de l’Etat. Ses vues politiques s’éclaircissaient au fur et à mesure que la clameur populaire, orchestrée pour ne pas dire manipulée par des courtisans affairistes, semblait en faire un potentiel successeur de père, déjà canoniquement âgé. Après avoir mis en place un club de réflexion appelé Génération du concret au sein même du parti au pouvoir, Wade fils pensait en faire son cheval de bataille pour la mairie de Dakar. Mais là encore, il ne fut point de succès. Aux municipalités de 2009, Karim Wade est battu par Khalifa Sall, le candidat du PS sénégalais. Le même schéma se répéta. Plus c’est gros plus ça passe pour reprendre l’expression chiraquienne. De cette nouvelle déconvenue politique, le fils du président Wade fut récompensé en entrant de manière fracassante dans le gouvernement sénégalais avec un ministère à multiples portefeuilles : infrastructures, coopération internationale et de l’énergie. En somme tous les grands dossiers du gouvernement sénégalais passaient entre ses mains. Sans mine d’y toucher, ce nouveau ministère, spécialement taillé pour lui, empiétait sur celui de la diplomatie (coopération internationale) mais également sur celui chargé de régler la sensible et récurrente question des coupures d’électricité au Sénégal (énergie). Le plan Takkal (contre les délestages d’électricité) connut un éphémère succès. Mais Karim Wade continuait d’être au centre de la vie politique et surtout de celle des affaires. A tel point qu’une rumeur persistante et bruyante perçue au dessus de l’ambassade des Etats-Unis à Dakar en faisait « Mr 15% ».
Calomnie ou vérité, toujours est-il que la fin du mandat de son père fut le moment où Karim Wade a pu se rendre compte de son impopularité au Sénégal. Soupçonnant Abdoulaye Wade d’avoir des projets de dévolution monarchique en faveur de son fils Karim, les Sénégalais se sont levées contre le projet de ticket présidentiel qui prévoyait qu’avec 25% des suffrages, un président et un vice président pouvait être élus à la tête du Sénégal. C’est le déclenchement des manifestations du 23 juin 2011.
D’où le mouvement M23, acteur décisif de la chute de Wade père par la suite, tirait son nom. Ce mouvement a porté Macky Sall comme quatrième président du Sénégal. Ancien compagnon politique d’Abdoulaye Wade, il fut son ministre, son Premier ministre, Président de l’Assemblée nationale. Macky Sall a été déchu du perchoir sénégalais parce qu’ayant « osé » convoqué Karim Wade à venir s’expliquer devant l’Assemblée nationale après sa gestion des fonds de l’Anoci.
Aujourd’hui avec ce mis en dépôt dans une prison à Dakar, Macky Sall tient, même s’il ne conteste le terme, une forme de revanche sur le fils du président tout puissant qu’on ne pouvait toucher ni regarder de près. Le président Sall avait fait du recouvrement des biens publics mal acquis l’une de ses priorités juste après son arrivée au pouvoir en mars 2012. Ainsi depuis le 8 octobre de la même année, Karim Wade a fait l’objet d’une enquête sur l’enrichissement illicite. Les enquêteurs avaient annoncé que Karim Wade disposait d’une fortune estimée à 694 milliards de F Cfa. Des accusations rejetées en bloc par Karim Wade et ses avocats. A l’issue de l’expiration du délai d’un mois de la mise en demeure qui lui avait été servie, Karim Wade a envoyé ses réponses écrites au procureur spécial par le biais de ses avocats. Les autorités judiciaires chargées du dossier dans la juridiction spéciale de lutte contre l’enrichissement illicite n’ont pas été convaincues par les éléments de réponses.
Les enquêteurs à la suite d’une conférence de presse à Dakar annoncent avoir découvert une «véritable ingénierie financière frauduleuse et que des secteurs clés de l’économie (sénégalaise) sont détenus par des sociétés offshore basées au Panama, aux îles Vierges britanniques et au Luxembourg».
Pour ce chef d’accusation de délits d’enrichissement illicite ou de complicité de ce chef d’accusation, Karim Wade encoure une peine allant de 5 à 10 ans ferme et une amende égale au montant ou au double de la somme détournée.


Moussa DIOP
(Paru dans Diasporas-News N° 41)
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