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Société Publié le vendredi 31 mai 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Enquête express / Site touristique de Soko : Les singes sont en train de disparaître

Situé à 7 km de Bondoukou et à 3 km de Sampa (Ghana), le village Soko abrite une population de singes sacrés qui sortaient de la forêt environnante pour prendre pied au sein des habitants. Attraction des touristes et des populations ivoiriennes depuis des lustres, véritable fierté nationale, ces macaques se sont de plus en plus éloignés des hommes aujourd’hui. Au détour d’un reportage dans la région du Gontougo, nous sommes allés nous enquérir des nouvelles.

«Y a-t-il encore des singes dans le village de Soko ?», interrogeons des habitants à notre arrivée dans la ville de Bondoukou. «Il n’y en a plus ! Pendant la crise postélectorale, les gens les ont tous tués et mangés !», lâche un instituteur résidant dans le village de Soko et qui était présent à Bondoukou ce jour-là, pour faire des emplettes. Cette déclaration fouette notre esprit critique et nous décidons de nous rendre à Soko. Après avoir déboursé la somme de cinq cents (500) francs CFA, nous nous retrouvons dans le village. A la lisière de Soko, des bruits épars fusent du feuillage et quelques hurlements dans les arbres renseignent aussitôt sur la présence des maîtres de céans. Ces singes, le regard effarouché, observent ou contrôlent tout ce qui bouge sur la voie couverte de latérite, qui donne accès au village de Soko. Selon un villageois, ils étaient jadis nombreux à venir vous rencontrer. Parfois, ces singes venaient jusqu’à vous arracher des mains des friandises ou même des miches de pains et de la banane douce. Ces singes sacrés pouvaient par mégarde vous ‘’piquer’’ votre sac à main et disparaître dans la nature. Aussi, venaient-ils jusqu’au village pour partager des repas avec leurs ‘’parents’’, relate toujours notre interlocuteur. Aujourd’hui, dit-il, les singes sacrés se font de moins en moins visibles. Ils craignent pour leur vie, précise-t-il. Perchés sur les arbres, ils n’osent plus descendre. Ils sont de plus en plus méfiants. Les différentes espiègleries qui les faisaient venir aux touristes ou aux habitants ne fonctionnent presque plus. «Depuis la crise postélectorale, les gens sont venus dans notre village pour tirer des coups de feu. Certains sont allés jusqu’à tuer quelques uns d’entre eux pour les manger. Il ne faut pas oublier aussi que des chasseurs viennent chasser dans nos forêts et profitent de l’occasion pour les tuer et les proposer comme gibiers sur les marchés de la région», a confié Eric S. Ouattara, habitant de Soko. Si les singes se tiennent à équidistance des hommes de nos jours, les populations toisent l’un des plus grands ennemis de ces plantigrades : le braconnage. Face à l’extinction de ces singes sacrés, les habitants de Soko se disent inquiets car c’est leur histoire, leur culture et leurs dogmes ancestraux qui sont foulés aux pieds par des quidams.

Soko ou Solokolo,
le chemin d’éléphants
Selon la conscience collective, le fondateur du village (Soko) s’appelle Mélô qui était un grand chasseur d'éléphants (Solo). C’est donc au cours d'une partie de chasse aux éléphants que le vieux Mélô découvre ce site (actuel Soko) abondamment giboyeux et aurait alors pris la résolution d'y fonder son viIlage. La dénomination ‘’Soko’’ est la déformation en langue vernaculaire Nafana de "Solokolo" qui signifie littéralement: "le chemin des éléphants". L’ethnie Nafana est l'une des nombreuses ethnies qui peuplent la région de Gontougo (Bondoukou). Au rebours des Brons qui parlent le Koulango comme langue maternelle, ce peuple aborigène a conservé son identité culturelle, la langue ‘’Nafana’’. La légende se raconte que les habitants de Soko qui craignaient l’hégémonie de Samory Touré, l’un des résistants africains qui s’imposa farouchement à l’expansion coloniale, était de passage dans cette région, actuel région du Gontougo pour répandre l’Islam. Pour éviter d’être décimé par le conquérant et son armée composée de Sofa, le plus grand féticheur du village aurait trouvé comme panacée pour échapper aux horreurs dont seraient victimes les populations rencontrées par Samory Touré, de transformer tous les habitants en singes. Et qu’une fois le danger écarté, le féticheur les transformerait à nouveau en humain. L’oracle n’aura pas le temps de réaliser deux fois de suite cet exploit. Il sera supprimé par Samory Touré. Après cet événement dramatique, la population du village s'est progressivement reconstituée. Les descendants des habitants qui avaient été transformés en singes, dans l'impossibilité de distinguer les singes sauvages de ceux qui sont leurs ancêtres, se sont enjoints de consommer la viande de singes. Ils leur donneront un statut d’animaux sacrés. Ainsi, les singes de Soko sont sacrés. Ils sont des sujets de droit. Ils ont les mêmes droits que les hommes. De ce fait, ces singes sacrés font l’objet de protection par la communauté. Ils ne peuvent être abattus ou braconnés et ni même vendus. Ce serait, clament les habitants, un crime de lèse-majesté. Pour nous rassurer, Mory O. enseignant à la retraite, originaire de Soko annonce : «Quand un singe meurt, il est enterré comme les humains. Mais, il ne nous a pas été donné de voir le cimetière des singes. Si par inattention, un singe est tué, alors, le coupable est tenu de faire des sacrifices». Et avec tout le rituel funèbre y afférent et des objets, à savoir la noix de cola, le mouton et un coq. Au cas où le présumé coupable d’un acte criminel contre les singes sacrés refuse de reconnaître son forfait, la sanction infligée est divine, souligne-t-il : «il subira la peine capitale: il mourra !». En attendant que les mânes des ancêtres ne règlent les comptes des pourfendeurs des principes et croyances des populations Nafana de Soko, des mesures drastiques doivent être envisagées au plan national pour préserver l’intégrité et l’habitat des singes sacrés de Soko qui ne constituent plus pour les populations du village une attraction pour les touristes. Parce qu’ils ne sont plus visibles. Ce qui amènerait les Tours operators ivoiriens à éluder les singes sacrés de la liste des sites touristiques. Cela constituerait un manque à gagner pour les habitants qui sont en attente d’infrastructures telles que des routes bitumées, etc. afin de moderniser le village Soko.

Réalisée à Soko par Patrick Krou
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