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Société Publié le lundi 30 décembre 2013 |

Processus réconciliation : Banny invite les victimes à se faire connaître

© Par Atapointe
Réconciliation: Charles Konan Banny présente le rapport de la CDVR à la Presse
Lundi 30 décembre 2013. Abidjan. Riviera 3. le président de la commission Dialogue Vérité et Réconciliation Charles Konan Banny a présenté aux journalistes les grandes lignes qui composent le rapport de son institution après les 2 années d`exercice. Il en a profité pour faire ses voeux pour l`an 2014.Photo : Charles Konan Banny.
Le Président de la Commission Dialogue, vérité et réconciliation (CDVR), Charles Konan Banny, a animé une conférence de presse, le lundi 30 décembre 2013, à son cabinet privé à la Riviera. Voici l’intégralité de sa déclaration liminaire.
Mesdames et Messieurs les Journalistes,
À la veille de l’avènement de l’année 2014, je vous renouvelle les vœux que chaque année à la même époque j’ai le plaisir de vous adresser. Je forme le vœu que l’année 2014 vous trouve en bonne santé, qu’elle favorise l’enracinement de la paix pour que vous puissiez mener en toute quiétude votre métier d’information.
La fin de l’année 2013 est marquée à la fois par la commémoration du vingtième anniversaire de la mort de Félix Houphouët-Boigny et par l’apothéose post-mortem de Nelson Mandela. Ces deux figures de héros nous invitent au dialogue, à la paix et à la réconciliation. Je souhaite que tous les Ivoiriens, à commencer par vous, femmes et hommes des média, s’inscrivent dans la philosophie commune à ces deux grands hommes.
Cette nouvelle année qui s’annonce, nous offre la double image tutélaire de Félix Houphouët-Boigny et de Nelson Mandela pour servir notre mémoire et nous aider à nous frayer notre propre chemin vers l’objectif de la réconciliation et de la construction nationale.
Chers Amis,
Vous n’avez pas oublié que le 21 novembre 2013, la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation a procédé à la remise solennelle de son rapport de fin de mandat au Président de la République, conformément aux stipulations de l’ordonnance N° 2011-167 du 13 juillet 2011. Je voudrais vous livrer ici les grandes lignes de ce rapport afin que vous puissiez vous en faire l’écho auprès de nos concitoyens qui ont besoin d’être informés des activités menées par la CDVR.
La phase opérationnelle du travail de la CDVR a été précédée par une phase préparatoire comportant des aspects consultatifs et symboliques. Pour respecter notre choix d’un processus inclusif, participatif et consultatif, nous avons entrepris des consultations nationales, à la fois quantitatives et qualitatives, auprès d’un échantillon de plus de 60.000 habitants de la Côte d’Ivoire. Ces consultations nationales nous ont permis de déterminer la profondeur historique des investigations souhaitée par les Ivoiriens, les violations à prendre en compte et les réformes à envisager. La démarche de la CDVR s’est appuyée sur les résultats de ces consultations nationales organisées autour de sept (7) thématiques dont voici les premiers résultats en attendant une prochaine divulgation à grande échelle :

1 -A la question : « quelle est la période que la CDVR doit prendre en compte pour mener ses enquêtes ? »:
Les populations de Côte d’Ivoire ont indiqué la période de 1990-2011. Cette profondeur historique correspond, pour 1990, à la réinstauration du multipartisme et pour 2011, à la crise postélectorale. Les populations souhaitent que la lumière soit faite sur tous les événements sociopolitiques survenus dans cette période, c’est-à-dire les violations liées aux évènements de : 1990,1992, 1995, 1999, 2002, 2004, 2006, 2010 et 2011.

2-) A la question « quelles sont les types de violations que la CDVR doit retenir pour ses travaux ? »
Les populations en ont relevé quatre (4) catégories. Ce sont :
-les atteintes à la vie (96%), c’est-à-dire les cas de violations ayant entraîné la mort
- les atteintes aux droits économiques (80,2%), c’est-à-dire les cas d’expropriations, vols, pillages,
-les atteintes à l’intégrité physique et morale (73,3%) et les atteintes à la liberté(42,6), c’est-à-dire les cas de violences physiques et morales

3-) Au titre de l’importance qu’elles accordent à la repentance au pardon et à la justice :
Les populations ont indiqué que le pardon des victimes doit être motivé par un repentir sincère des auteurs de violations. Selon elles, c’est la seule voie pour que la réconciliation soit effective et sincère. En outre, elles indiquent le pardon n’exclut pas l’action de la justice. Elles précisent que cette justice doit être rendue de façon équitable.

4-) A la question : « quelles formes de réparations souhaitent les ivoiriens ? »
Les populations en ont proposé deux types. Qu’elles soient individuelles et/ou collectives :
Il s’agit
-Des réparations morales (prise en charge psychologique, excuses publiques, réhabilitation, hommage aux victimes) et
-Des réparations matérielles (indemnisation, restitution des biens

5-) A la question : « la réconciliation est-elle possible en Côte d’Ivoire ? »
Les Ivoiriens répondent par l’affirmative. Ils soutiennent (83%) que la réconciliation est possible. Ils y croient même s’ils ont conscience qu’elle sera difficile. Ils souhaitent que le recours au dialogue soit permanent dans la recherche de solutions aux différends politiques. 84% des populations adhère au processus de réconciliation en cours.

6-) Au titre des changements à opérer c’est-à-dire, des réformes institutionnelles à mener,
Les populations proposent des reformes institutionnelles en profondeur. Ces changements concernent les secteurs de la
- justice(72% des ivoiriens soutient qu’elle est corrompue),
- l’administration publique nationale,
-les forces armées et de sécurité(77,1% des sondés pense que les forces de défense et de sécurité sont corrompues et politisées) ,
-la presse (63% des ivoiriens pense qu’elle est partisane),
-l’école ivoirienne (66,5 % des ivoiriens estime que l’école a baissé de niveau, 57% des populations pense qu’elle corrompue…),
-la politique de gestion du Foncier (81% des ivoiriens affirme que le foncier est mal géré),
-la gestion de l’économie nationale (74% des ivoiriens estime que la vie est chère) et la gestion des affaires publiques (60% estime que les richesses nationales sont mal reparties.)
Les changements souhaités sont en rapport avec la promotion de nouvelles politiques, fondées sur des valeurs d’honnêteté, de compétence, de transparence, d’indépendance, de bonne gouvernance, de justice, d’équité et de solidarité…

7-) enfin, à la question « croyez-vous en l’avenir de la Côte d’Ivoire ? »
Plus de 80 % des populations croit en l’avenir prospère de la Côte d’Ivoire(…)
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Les exigences symboliques de nos cultures, qui requièrent une purification des espaces souillés par le sang humain, ont été respectées avant et pendant toutes ces opérations. Ces actes symboliques ont entraîné l’adhésion des populations de nos régions.
Ensuite, comme vous le savez, nous avons mis en place toutes les structures nécessaires à la conduite de la mission et plus particulièrement les commissions locales, structures déconcentrées, qui assurent la participation directe des populations de nos régions.
La première phase liée à la recherche de la vérité à commencé avec la commission spécialisée heuristique. Chargée de déterminer les causes profondes de la crise, cette commission thématique a rendu ses conclusions lors d’un grand colloque au mois de juillet. La seconde phase de la recherche de la vérité, qui consiste à recueillir les dépositions des victimes et des témoins et à diligenter des enquêtes aux fins de vérifier les allégations des déposants, reste à faire. Tout le dispositif indispensable à cette opération a été conçu et mis en place. Il reste à passer à la phase pratique des prises de déposition physique.
Il importe de noter que dans l’attente des prises de déposition, les déclarations de plus de 50.000 victimes ont été enregistrées et stockées dans la base de données du système d’information et de gestion de la CDVR. La Commission invite donc les victimes de la période précitée à se faire connaître et à faire enregistrer leurs dépositions sur les préjudices qu’elles estiment avoir subi.
La réconciliation que nous voulons mettre en œuvre doit se faire avec courage et dans la vérité.
Le pardon auquel aspire tout le peuple de Côte d’Ivoire ne peut être sincère et durable que parce que la vérité sur les violations et sur leurs auteurs aura été faite. Le pardon que tous souhaitent et prônent ne peut être opératoire et déboucher sur la réconciliation et une paix durable que si les auteurs de violations font preuve de repentir sincère. Il n’y aura pas d’alternative à cela ! La recherche de la vérité ne saurait être optionnelle si nous voulons une réconciliation vraie en Côte d’Ivoire. Tous les hommages fraîchement rendus à Nelson Mandela sont là pour nous indiquer le chemin pour parvenir au vrai pardon.
C’est la raison pour laquelle "il ne faut pas avoir peur". Il ne faut pas avoir peur ! N’ayons donc pas peur de la vérité si notre intention est d’aller vraiment de l’avant, afin de bâtir une Côte d’Ivoire réconciliée.

Charles Konan Banny
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