Calme et paisible, le courant d’eau qui circulait entre les Chefs d’Etat ivoirien et français a soudainement tourné aux convulsions. Nicolas Sarkozy a unilatéralement rompu «le gentlman agreement» qui semblait prévaloir entre la Côte d’Ivoire et la France depuis le départ de Jacques Chirac de l’Elysée. Voici toute l’histoire du torchon qui brûle subitement entre Abidjan et Paris depuis quelque temps.
Quand Claude Guéant, Secrétaire général de l’Elysée, viendra-t-il à Abidjan pour rencontrer le président Laurent Gbagbo afin de «réchauffer les relations franco-ivoiriennes» et aborder divers dossiers dont celui de la «nouvelle coopération» entre la Côte d’Ivoire et la France? Prévu initialement pour les 12 et 13 juin 2009, ce voyage a été reporté à une date ultérieure. Selon des sources crédibles, cette visite conjointement voulue par Paris et Abidjan ne serait plus la préoccupation du moment. Elle a été contrariée, a-t-on appris, par les deux sorties aux antipodes des convenances diplomatiques faites par Nicolas Sarkozy à l’égard de son homologue ivoirien, Laurent Gbagbo. La première, le 16 juin à Libreville en marge des obsèques du Chef de l’Etat gabonais, Omar Bongo Ondimba.
Parlant de la date du premier tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire fixée au 29 novembre 2009, le président français avait attaqué le chef de l’Etat ivoirien en affirmant qu’il ne croit plus «aux promesses fallacieuses» du gouvernement ivoirien et du président Gbagbo. Sarkozy avait tenu de tels propos alors qu’il n’ignore pas, tout comme l’Elysée et le Quai d’Orsay, que la date de l’élection présidentielle est fixée en Côte d’Ivoire par la Commission électorale indépendante (CEI) et entérinée par le gouvernement. Cette sortie disgracieuse et irrévérencieuse de Sarkozy contre Gbagbo était en réalité motivée par des considérations autres que celles liées par «la sortie de la crise en Côte d’Ivoire par des élections présidentielles libres et transparentes».
Même son de cloche pour la seconde sortie de Sarkozy contre Gbagbo. Le chef de l’Etat français a choisi New York et l’ONU pour raviver le torchon entre son homologue ivoirien et lui. Recevant le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, le 17 juillet dernier, au cours d’un déjeuner de travail dans la capitale économique américaine, Nicolas Sarkozy aurait qualifié, selon des sources concordantes, le Président Laurent Gbagbo de «monsieur pas digne de confiance». Avant d’ajouter ceci, rapporte la presse : «même son directeur de cabinet (M. N’Zi Paul David) est venu à Paris pour nous confirmer que la date du 29 novembre ne sera pas respectée. C’est fort de la présence des Casques Bleus qu’il fait tout cela ; sinon j’aurais depuis longtemps demandé à mes gars de faire le nettoyage nécessaire». Selon une source diplomatique proche de l’Union européenne (UE), Paris dément formellement que Nicolas Sarkozy ait fait une telle déclaration à Ban Ki-Moon à propos de la situation politique en Côte d’Ivoire même si le cas Abidjan a fait l’objet d’échanges entre les deux hommes.
Répondant au Représen-tant permanent de la Côte d’Ivoire à l’ONU, l’ambassadeur Alcide Djédjé, qui a dénoncé, le 23 juillet 2009 devant le Conseil de sécurité de l’ONU, les commentaires désobligeants des autorités françaises sur le processus de paix en Côte d’Ivoire, le Représentant permanent de la France à l’ONU, l’Ambassadeur Jean-Pierre Lacroix, a embouché la trompette de l’autodéfense. «Nous sommes attachés au succès de la sortie de crise en Côte d’Ivoire, qui est un pays proche, et auquel nous sommes étroitement liés», a-t-il soutenu.
L’absence de Gbagbo au mini-sommet de Libreville
Le rapprochement entre Gbagbo et Sarkozy que diverses personnalités politiques, diplomatiques françaises et ivoiriennes dont Gildas Le Lidec, ancien ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, et même des industriels tels que Vincent Bolloré, soutient-on, se sont efforcés de concrétiser, a pris du plomb dans l’aile. Tout est parti de Libreville. Ou précisément de l’absence du Président ivoirien, Laurent Gbagbo, au mini-sommet informel organisé par le duo Chirac-Sarkozy à Libreville en marge des obsèques de feu Omar Bongo Ondimba. Selon des sources crédibles, ce mini-sommet a réuni des membres, anciens comme nouveaux, du gotha de la Françafrique. Tout le monde ou presque avait fait le déplacement à Libreville pour «l’adieu» au doyen africain de la Françafrique. Toujours selon les sources, ce mini-sommet informel a permis de présenter le Chef de l’Etat camerounais, Paul Biya, comme nouveau «doyen» de la Françafrique en remplacement de feu Omar Bongo. Il s’agissait aussi de montrer aux autres, la réconciliation entre Chirac, le «parrain» et Sarkozy, le «successeur». Qui sont arrivés à Libreville, la main dans la main. L’occasion du mini-sommet devrait également être celle de jeter les bases de la réconciliation entre Gbagbo et Chirac. L’idée est de Nicolas Sarkozy parce que depuis novembre 2004, Laurent Gbagbo et Jacques Chirac ne se sont plus adressé la parole, ni directement ni au téléphone. Cette réconciliation Gbagbo- Chirac à Libreville avait, selon les prévisions de l’Elysée, les chances d’aboutir d’autant qu’elle aurait eu pour «facilitateur», le Camerounais Paul Biya qui a beaucoup d’admiration pour Laurent Gbagbo, confient des sources diplomatiques.
En retour, le Chef de l’Etat ivoirien lui voue un respect de cadet envers son aîné. Les dés étaient donc jetés lorsque, contre toute attente, le président Laurent Gbagbo qui était en visite d’Etat dans le Nord-Ouest de son pays, a préféré se faire représenter aux obsèques de Bongo par une délégation conduite par le Premier ministre, Guillaume Soro et comprenant la Première dame, Mme Simone Ehivet Gbagbo. Il n’en fallait pas plus pour irriter Sarkozy. La Françafrique a perçu cela comme une autre «humiliation» de la part de Gbagbo. Après évidemment les distances que le Chef de l’Etat ivoirien a toujours observées vis-à-vis de la Françafrique. Laurent Gbagbo s’est-il absenté sciemment à ce mini-sommet ? «Je ne le pense pas. Aucun Chef d’Etat n’était informé de la tenue de cette rencontre. Elle était informelle. C’est une fois à Libreville que Sarkozy a voulu que cette rencontre ait lieu», confie une source diplomatique généralement bien informée. L’absence de Gbagbo a énervé si profondément Sarkozy, que le chef de l’Etat français a attaqué son homologue ivoirien dans la presse en prenant pour prétexte, la date de l’élection présidentielle fixée au 29 novembre 2009.
Sarkozy poursuit la «guerre» de Chirac contre Gbagbo
Entre Chirac et Sarkozy, c’est désormais le «grand» amour. Pour enclencher cet élan de «réconciliation» avec son «parrain», le poulain Nicolas Sarkozy a décoré l’ex-première dame, Mme Bernadette Chirac, l’épouse de Jacques, de la légion d’honneur. L’une des plus hautes distinctions de la République française. C’était le 18 mars 2009 au Palais de l’Elysée. Les choses se sont améliorées progressivement entre les deux hommes. Au point que Sarkozy s’est engagé à faire dorénavant de Gbagbo, «l’ennemi» de Chirac, le sien.
Dans un premier temps, l’Elysée n’aurait pas apprécié les propos relatifs à Chirac lors de la récente interview que le président ivoirien a accordée à la télévision publique française, France 24. Laurent Gbagbo avait soutenu ceci : «Depuis que Chirac est parti, je dors bien». Pour l’Elysée, cela signifie que Gbagbo refuse de tourner la page des rapports heurtés ente la Côte d’Ivoire et la France.
Dans un second temps, Sarkozy qui à l’instar des autres membres de l’équipe Chirac, notamment De Villepin, Alliot-Marie et Brigitte Girardin, n’apprécie pas bien Laurent Gbagbo, a décidé de poursuivre la «guerre» de Chirac contre le chef de l’Etat ivoirien. L’objectif étant de «faire tomber» le Woody de Mama. D’où la campagne diplomatique anti-Gbagbo initiée par Sarkozy depuis quelque temps. Pour qu’en cas de non-tenue de l’élection présidentielle, à la date du 29 novembre prochain, l’on fasse porter la responsabilité au chef de l’Etat ivoirien et obtenir «une transition sans Gbagbo aux commandes du pays».
C’est le sens de l’agitation de Sarkozy lorsqu’il a parlé de la situation ivoirienne avec Ban-Ki Moon. Mais également avec Paul Biya qui était en visite officielle en France, du 21 au 24 juillet 2009.
Didier Depry didierdepri@yahoo.fr
Quand Claude Guéant, Secrétaire général de l’Elysée, viendra-t-il à Abidjan pour rencontrer le président Laurent Gbagbo afin de «réchauffer les relations franco-ivoiriennes» et aborder divers dossiers dont celui de la «nouvelle coopération» entre la Côte d’Ivoire et la France? Prévu initialement pour les 12 et 13 juin 2009, ce voyage a été reporté à une date ultérieure. Selon des sources crédibles, cette visite conjointement voulue par Paris et Abidjan ne serait plus la préoccupation du moment. Elle a été contrariée, a-t-on appris, par les deux sorties aux antipodes des convenances diplomatiques faites par Nicolas Sarkozy à l’égard de son homologue ivoirien, Laurent Gbagbo. La première, le 16 juin à Libreville en marge des obsèques du Chef de l’Etat gabonais, Omar Bongo Ondimba.
Parlant de la date du premier tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire fixée au 29 novembre 2009, le président français avait attaqué le chef de l’Etat ivoirien en affirmant qu’il ne croit plus «aux promesses fallacieuses» du gouvernement ivoirien et du président Gbagbo. Sarkozy avait tenu de tels propos alors qu’il n’ignore pas, tout comme l’Elysée et le Quai d’Orsay, que la date de l’élection présidentielle est fixée en Côte d’Ivoire par la Commission électorale indépendante (CEI) et entérinée par le gouvernement. Cette sortie disgracieuse et irrévérencieuse de Sarkozy contre Gbagbo était en réalité motivée par des considérations autres que celles liées par «la sortie de la crise en Côte d’Ivoire par des élections présidentielles libres et transparentes».
Même son de cloche pour la seconde sortie de Sarkozy contre Gbagbo. Le chef de l’Etat français a choisi New York et l’ONU pour raviver le torchon entre son homologue ivoirien et lui. Recevant le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, le 17 juillet dernier, au cours d’un déjeuner de travail dans la capitale économique américaine, Nicolas Sarkozy aurait qualifié, selon des sources concordantes, le Président Laurent Gbagbo de «monsieur pas digne de confiance». Avant d’ajouter ceci, rapporte la presse : «même son directeur de cabinet (M. N’Zi Paul David) est venu à Paris pour nous confirmer que la date du 29 novembre ne sera pas respectée. C’est fort de la présence des Casques Bleus qu’il fait tout cela ; sinon j’aurais depuis longtemps demandé à mes gars de faire le nettoyage nécessaire». Selon une source diplomatique proche de l’Union européenne (UE), Paris dément formellement que Nicolas Sarkozy ait fait une telle déclaration à Ban Ki-Moon à propos de la situation politique en Côte d’Ivoire même si le cas Abidjan a fait l’objet d’échanges entre les deux hommes.
Répondant au Représen-tant permanent de la Côte d’Ivoire à l’ONU, l’ambassadeur Alcide Djédjé, qui a dénoncé, le 23 juillet 2009 devant le Conseil de sécurité de l’ONU, les commentaires désobligeants des autorités françaises sur le processus de paix en Côte d’Ivoire, le Représentant permanent de la France à l’ONU, l’Ambassadeur Jean-Pierre Lacroix, a embouché la trompette de l’autodéfense. «Nous sommes attachés au succès de la sortie de crise en Côte d’Ivoire, qui est un pays proche, et auquel nous sommes étroitement liés», a-t-il soutenu.
L’absence de Gbagbo au mini-sommet de Libreville
Le rapprochement entre Gbagbo et Sarkozy que diverses personnalités politiques, diplomatiques françaises et ivoiriennes dont Gildas Le Lidec, ancien ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, et même des industriels tels que Vincent Bolloré, soutient-on, se sont efforcés de concrétiser, a pris du plomb dans l’aile. Tout est parti de Libreville. Ou précisément de l’absence du Président ivoirien, Laurent Gbagbo, au mini-sommet informel organisé par le duo Chirac-Sarkozy à Libreville en marge des obsèques de feu Omar Bongo Ondimba. Selon des sources crédibles, ce mini-sommet a réuni des membres, anciens comme nouveaux, du gotha de la Françafrique. Tout le monde ou presque avait fait le déplacement à Libreville pour «l’adieu» au doyen africain de la Françafrique. Toujours selon les sources, ce mini-sommet informel a permis de présenter le Chef de l’Etat camerounais, Paul Biya, comme nouveau «doyen» de la Françafrique en remplacement de feu Omar Bongo. Il s’agissait aussi de montrer aux autres, la réconciliation entre Chirac, le «parrain» et Sarkozy, le «successeur». Qui sont arrivés à Libreville, la main dans la main. L’occasion du mini-sommet devrait également être celle de jeter les bases de la réconciliation entre Gbagbo et Chirac. L’idée est de Nicolas Sarkozy parce que depuis novembre 2004, Laurent Gbagbo et Jacques Chirac ne se sont plus adressé la parole, ni directement ni au téléphone. Cette réconciliation Gbagbo- Chirac à Libreville avait, selon les prévisions de l’Elysée, les chances d’aboutir d’autant qu’elle aurait eu pour «facilitateur», le Camerounais Paul Biya qui a beaucoup d’admiration pour Laurent Gbagbo, confient des sources diplomatiques.
En retour, le Chef de l’Etat ivoirien lui voue un respect de cadet envers son aîné. Les dés étaient donc jetés lorsque, contre toute attente, le président Laurent Gbagbo qui était en visite d’Etat dans le Nord-Ouest de son pays, a préféré se faire représenter aux obsèques de Bongo par une délégation conduite par le Premier ministre, Guillaume Soro et comprenant la Première dame, Mme Simone Ehivet Gbagbo. Il n’en fallait pas plus pour irriter Sarkozy. La Françafrique a perçu cela comme une autre «humiliation» de la part de Gbagbo. Après évidemment les distances que le Chef de l’Etat ivoirien a toujours observées vis-à-vis de la Françafrique. Laurent Gbagbo s’est-il absenté sciemment à ce mini-sommet ? «Je ne le pense pas. Aucun Chef d’Etat n’était informé de la tenue de cette rencontre. Elle était informelle. C’est une fois à Libreville que Sarkozy a voulu que cette rencontre ait lieu», confie une source diplomatique généralement bien informée. L’absence de Gbagbo a énervé si profondément Sarkozy, que le chef de l’Etat français a attaqué son homologue ivoirien dans la presse en prenant pour prétexte, la date de l’élection présidentielle fixée au 29 novembre 2009.
Sarkozy poursuit la «guerre» de Chirac contre Gbagbo
Entre Chirac et Sarkozy, c’est désormais le «grand» amour. Pour enclencher cet élan de «réconciliation» avec son «parrain», le poulain Nicolas Sarkozy a décoré l’ex-première dame, Mme Bernadette Chirac, l’épouse de Jacques, de la légion d’honneur. L’une des plus hautes distinctions de la République française. C’était le 18 mars 2009 au Palais de l’Elysée. Les choses se sont améliorées progressivement entre les deux hommes. Au point que Sarkozy s’est engagé à faire dorénavant de Gbagbo, «l’ennemi» de Chirac, le sien.
Dans un premier temps, l’Elysée n’aurait pas apprécié les propos relatifs à Chirac lors de la récente interview que le président ivoirien a accordée à la télévision publique française, France 24. Laurent Gbagbo avait soutenu ceci : «Depuis que Chirac est parti, je dors bien». Pour l’Elysée, cela signifie que Gbagbo refuse de tourner la page des rapports heurtés ente la Côte d’Ivoire et la France.
Dans un second temps, Sarkozy qui à l’instar des autres membres de l’équipe Chirac, notamment De Villepin, Alliot-Marie et Brigitte Girardin, n’apprécie pas bien Laurent Gbagbo, a décidé de poursuivre la «guerre» de Chirac contre le chef de l’Etat ivoirien. L’objectif étant de «faire tomber» le Woody de Mama. D’où la campagne diplomatique anti-Gbagbo initiée par Sarkozy depuis quelque temps. Pour qu’en cas de non-tenue de l’élection présidentielle, à la date du 29 novembre prochain, l’on fasse porter la responsabilité au chef de l’Etat ivoirien et obtenir «une transition sans Gbagbo aux commandes du pays».
C’est le sens de l’agitation de Sarkozy lorsqu’il a parlé de la situation ivoirienne avec Ban-Ki Moon. Mais également avec Paul Biya qui était en visite officielle en France, du 21 au 24 juillet 2009.
Didier Depry didierdepri@yahoo.fr