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Politique Publié le mardi 11 août 2009 | Nord-Sud

Conakry : Une journée avec le capitaine Dadis Camara

Le chef de l'Etat guinéen, le capitaine Dadis Camara, a passé toute la journée du samedi 8 août au palais du peuple de Conakry. Nous étions parmi ses compagnons de ce jour.

C'est une image rare de l'homme fort de Conakry. Comme un chef de famille dans son canapé, rentré d'une rude journée de travail, le capitaine chef d'Etat est étendu dans un fauteuil noir. Il ne porte plus son béret rouge et ses lunettes noires qu'il a déposés sur la grande table de la « salle des actes » du « Palais du peuple » qui borde le boulevard central de la capitale guinéenne. Sa face inclinée au fond de son siège rejette un rayonnement qui cache mal la mine d'un homme épuisé. Le « président de la République, chef de l'Etat, président du Conseil national pour la démocratie et le développement(Cndd), commandant en chef des Forces armées » de Guinée ne se serait jamais laissé dans une telle posture en public, s'il avait imaginé un seul instant, qu'autour de lui, une seule personne faisait attention à tous ses petits gestes. Il l'aurait évité surtout parce que quelques minutes plus tôt, lui, Moussa Dadis Camara, venait de se présenter comme un homme infatigable. « Vous n'avez plus de questions? Vous êtes fatigués ? », avait-il ironisé devant une pléiade de journalistes venus d'Europe et d'Afrique, à la joie de ses proches collaborateurs présents. Lorsqu'au début de cette conférence de presse qui a duré 3 heures et demie d'horloge, les chasseurs de scoops se querellaient pour avoir la parole, c'est encore lui qui les avait rassurés : « Soyez-patients. Chacun aura la parole. Même s'il faut passer toute la nuit ici, nous le ferons ». Il est 20h. Après sa victoire (?) face aux journalistes qu'il a permanemment appelés « confrères » pour une raison que nous n'avons jamais sue, le capitaine, qui est presque le dernier à se lever dans la salle, arrive parmi les premiers au sous-sol du complexe. Sa garde, une dizaine d'hommes en treillis, armés de Kalachnikovs, prend rapidement position autour du fauteuil en plastique dans lequel il s'installe. Le même type de siège est réservé à chacun des invités pour le banquet d'Etat qui met fin à la longue journée du samedi 8 août que nous passons aux côtés d'un des plus jeunes chefs d'Etat de la sous-région. Elle commence autour de 11h du matin. Dadis, comme l'appelle les Guinéens, apparaît dans la grande salle du palais du peuple en compagnie de son nouveau «père».

Le capitaine se dévoile

Le président sénégalais a acquis ce titre et autant d'estime chez les « dadiistes » dès le lendemain de l'accession de son « fils » au pouvoir. Maître Abdoulaye Wade, un des premiers chefs d'Etat au monde à reconnaître le nouveau régime guinéen arrivait à Conakry pour la 2e fois en moins de deux semaines. Un tonnerre d'applaudissements accompagne les deux homologues jusqu'à leurs sièges, en première loge. Cette fois, le voisin sénégalais est là pour féliciter et encourager son « petit » qui reçoit deux oscars « du mérite et du courage » pour son combat contre le trafic de drogue et la corruption dans son pays. Le président guinéen devait recevoir son prix à Paris le 11 juillet en même temps que les autres lauréats retenus par le Conseil international des managers africains (Cima). Mais, il n'a pas effectué le déplacement. « Je ne suis jamais sorti de mon pays. Je préfère rester avec le bas peuple. Nous montons ensemble, et nous redescendons ensemble », explique le chef de la junte lors de la conférence de presse qu'il anime quelques heures plus tard. Cet argument officiel contrarié par les velléités d'un coup de force latent, murmuré par les « Conakrikas » justifierait également son rendez-vous manqué du 7 juin avec le président ivoirien à Yamoussoukro. La raison officieuse de sa présence permanente au pays peut aussi expliquer la fermeté avec laquelle il exprime ses colères à ses frères d'arme, même si ceux-ci sont de son pré-carré. Personne n'a raté les « je n'aime pas ça » du capitaine qui précèdent l'ouverture de la conférence. Le responsable du service de presse de l'armée à qui il fait ces remontrances avait pourtant pris soin de s'incliner vers lui pour que le palabre reste entre les deux. Mais, le chef parle si fort que toute la salle se sent visée. Dadis, fraîchement venu du salon d'honneur attenant à la salle des actes semble reprocher à son collaborateur de l'avoir trop fait attendre.

Les colères de Dadis

Suite à la cérémonie culturelle qui a suivi le départ du « père » Wade, le président du Cndd doit échanger avec la quarantaine de journalistes venu de l'extérieur et les confrères locaux. La bousculade pour accéder à la salle de conférence dure une trentaine de minutes. Cette perte de temps imputable à l'organisation a fait disparaître le beau sourire du capitaine qui a dû attendre ceux qui devaient l'attendre. Dans son mécontentement, il intime l'ordre à un de ses gardes de mettre dehors un assistant qui ne semblait pas être journaliste. Les coups de colère de ce genre vont se succéder tout le long de la rencontre avec la presse. Lorsqu'une question ne lui convient pas, le commandant en chef de l'armée guinéenne le montre tout de suite à celui qui la pose. «Votre question est mal venue. Nous n'avons pas la chance que vous avez eue. Le contexte au Mali à l'arrivée de Toumani Touré au pouvoir n'était pas le même que celui que nous connaissons aujourd'hui en Guinée», repond-il à un confrère malien. Celui-ci a commis «l'erreur» de rappeler au successeur de Lassana Conté ses propos dans lesquels il avait promis de se comporter comme le tombeur de Moussa Traoré, en remettant le pouvoir aux civils après une courte transition. Un autre confrère qui estime que la Guinée a tellement de problèmes qu'il apparaît difficile pour le nouveau président de savoir par quoi commencer en a eu également pour son compte. «Ce que vous dites est une insulte à l'égard de mon pays. Nous savons nos priorités et nous ne voulons nous identifier à personne», réplique le président. Les plus malheureux auront été un groupe de journalistes que le capitaine menace d'expulser : « J'ai dit que tout le monde aura la parole. Le journaliste qui n'est pas discipliné, je le mets dehors». Après cette phrase, tous ceux qui s'agitaient pour avoir la parole deviennent calmes comme des loirs. Quelques minutes après, le maître de cérémonie est obligé de se détendre devant l'audace d'un autre confrère malien. Avant de poser sa question, ce dernier, à la surprise générale, demande à Dadis s'il est « en forme ». « Je suis en forme comme vous le constatez », répond l'officier. « Je vous le demande parce que la question que je vais vous poser risque de vous mettre en difficulté. Si vous êtes vraiment en forme faites comme ça (il imite un tic du chef de l'Etat guinéen qui met souvent son bras droit sur son avant-bras gauche) ». Le président s'exécute en baissant la tête avec un large sourire. La question est la suivante : « Abdoulaye Wade, votre père a été le premier à reconnaître votre régime en disant à l'Union africaine que vous au moins vous avez donné un délai pour l'organisation d'une élection à laquelle vous n'êtes pas candidat. Le même Abdoulaye Wade vient de se rendre à l'investiture du général Mohamed Ould Abdel Aziz qui a pris le pouvoir en Mauritanie avec la promesse de ne pas être candidat, et qui a fini par se contredire. Quel commentaire avez-vous à faire sur cet état de fait ?» Après avoir salué « l'honnêteté » avec laquelle venait de parler le journaliste, Moussa Dadis Camara demande à la communauté internationale de le regarder simplement à l'œuvre, sans essayer de le comparer à qui que ce soit.

Cissé Sindou (Envoyé spécial)
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