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Politique Publié le lundi 29 avril 2013 | Le Temps

Discours vains et promesses sans lendemain : Ouattara doit tirer les leçons de l’échec et céder la place

© Le Temps Par DR
Le Président Alassane Ouattara a reçu en audience une délégation des Présidents d`Assemblées nationales d`Afrique
Jeudi 25 avril 2013. Plateau. Le Président Alassane Ouattara accorde une audience à une délégation des Présidents des Assemblées Nationales africaines invités à la 1ère Session ordinaire de l`année 2013 de l`Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire.
«Quand on décide de s’engager en politique, c’est parce qu’on a des objectifs. Le mien était d’être Président pour apporter ma contribution au redressement de mon pays. (...) Et à priori, je ne pense pas qu’il soit possible de redresser la Côte d’Ivoire comme je le voudrais dans les trois ans à venir», a confié Alassane Ouattara à Jeune Afrique, dans une interview qui paraît cette semaine.

Les Ivoiriens eux, n’ont pas la mémoire courte. Les propos de M. Ouattara tenus lors de la campagne présidentielle de 2010 et ses promesses mirobolantes résonnent encore dans leurs tympans comme si c’était hier. Pas plus tard que l’année dernière encore, le même Alassane Ouattara annonçait 3160 milliards de Fcfa pour le budget national de l’année 2012, indiquant que «cette somme devrait pouvoir améliorer le quotidien des Ivoiriens». Bruno Koné, le Porte-parole du gouvernement, en avait pavoisé en ces termes flagorneurs : «C’est le plus haut niveau atteint si l’on se réfère aux trente dernières années. C’est donc une traduction de la volonté du chef de l’Etat de repositionner l’économie ivoirienne dans la sous-région ouest-africaine». Quant à Alassane Ouattara, il est encore plus enthousiaste : «Bien que nous ayons, au cours de ces premiers mois de mandat, réussi à faire redémarrer notre pays sur tous les plans, beaucoup reste encore à faire. Je peux vous assurer que nous sommes sur la bonne voie. Tous les paramètres sont réunis pour que l'année 2012 soit une année de succès pour notre pays. Bientôt, nous retrouverons une croissance économique digne de notre potentiel et, je peux affirmer que la Côte d’Ivoire de demain sera rayonnante. Elle pourra réaliser ses grandes ambitions ; elle en a les capacités et la volonté. Notre pays étonnera le monde par son dynamisme», indiquait le chef de l’Etat ivoirien, le 31 décembre 2011. Quel est donc ce chef d’Etat qui dit aujourd’hui et se dédit demain sur le même sujet d’intérêt national ? Un «caméléonnage» de mauvais aloi qui, au demeurant, n’a jamais surpris les Ivoiriens. Pour célébrer l’annulation de 10.000 milliards de dettes après seulement 20 mois au pouvoir, il conviait les médias nationaux. A la question de la Rti : «L’une des conséquences de l’annulation de la dette extérieure est le renforcement de la capacité d’emprunt de la Côte d’Ivoire. Quelle sera la nouvelle politique d’endettement de la Côte d’Ivoire pour que les futurs enfants ivoiriens n’héritent pas de dettes colossales ?» Voici ce qu’Alassane Ouattara avait répondu à la face des Ivoiriens : «Nous avons moins de dettes que la France, l’Allemagne ou d’autres pays. Avec l’annulation de notre dette par le Ppte, nous allons tomber à près de 15%. Je pense que c’est un niveau raisonnable. Après cela, je n’irai plus emprunter auprès des institutions publiques. J’irai sur les marchés financiers. Si par exemple, j’ai besoin d’un milliard d’euros pour investir dans le chemin de fer, parce que j’ai une bonne signature et un déficit quasiment nul, le taux d’inflation est bas et le pays est bien géré-, j’irais emprunter sur les marchés internationaux. Ce ne sera plus nécessaire d’aller au Fonds monétaire international ou à la Banque mondiale. C’est ce que j’avais comme ambition en 1990 quand j’étais Premier ministre. Je suis content qu’avant la fin de mon mandat, nous puissions le faire. Ce sont des prêts qui seront affectés à des projets qui financeront le remboursement. Ce ne sera plus un endettement qui va peser sur les Ivoiriens ou nos enfants, comme ce que nous avons vécu».

Un enthousiasme basé sur l’illusion

Pour cacher la vérité à ses concitoyens, Alassane Ouattara n’a pas d’égal. En effet, selon la célèbre Cia World Factbook (version du 1er janvier 2012), la dette extérieure de la Côte d’Ivoire s’élevait à fin 2010, à 11,34 milliards de dollars (environs 5670 milliards Fcfa). Pour l’année 2011, elle se situait à 11,6 milliards de dollars (environs 5800 milliards Fcfa). La même source estime à 11,9 milliards de dollars (environs 5950 milliards Fcfa) celle de 2012. Il convient de préciser pour cette dernière donnée que les dettes post-butoir ne sont pas prises en compte. En Côte d’Ivoire, le service de la dette extérieure augmente en 2012 du fait des paiements croissants aux créanciers bilatéraux et privés (62 milliards de Fcfa des 145,1 milliards d’échéances exigibles, soit 42,7%), qui n’étaient pas servis avant les accords récents sur la dette extérieure. De plus, le pays doit rester à jour de ces paiements sur la durée du programme. Ce qui signifie que ce montant est sûrement plus élevé. C’est dire que la dette extérieure ivoirienne ne cesse de croître. «Depuis l’atteinte du Point d’achèvement, la dette extérieure a augmenté fortement. Toutes les données ne sont pas disponibles. Mais il reste qu’environ 845 milliards Fcfa d’endettement net se sont ajoutés à l’encours résiduel», confie un spécialiste de la question. Ce qui signifie que la dette extérieure s’est rapidement reconstruite. Cela est d’autant plus inquiétant que la Côte d’Ivoire n’est plus dans le programme Ppte et que toutes les dettes doivent être réglées à due date. «La reconstruction de la dette inquiète d’autant plus que le rapport du service de la dette aux recettes est en passe de dépasser la norme de viabilité. La plupart de la dette est mal profilée avec des dettes à rembourser à court et moyen termes», renchérit-il. L’histoire est têtue, c’est ce même Alassane Ouattara qui pourtant connaissait cette réalité des faits en sa qualité d’économiste adoubé par les institutions de Bretton Woods, revient dire aux Ivoiriens qui attendent de lui des résultats probants : «Quand on décide de s’engager en politique, c’est parce qu’on a des objectifs. Le mien était d’être Président pour apporter ma contribution au redressement de mon pays. (...) Et a priori, je ne pense pas qu’il soit possible de redresser la Côte d’Ivoire comme je le voudrais dans les trois ans à venir».

Ouattara a trompé ses supporters

Il y a de quoi tomber des nues après l’avoir religieusement écouté sur Rti1 et lu dans Jeune Afrique. Mais les Ivoiriens sont avertis et savent qui peut faire quoi à la tête de leur pays. Ils savent que pour relever les défis qui sont les leurs, Alassane Ouattara n’est pas la personne la mieux indiquée. Cà, ils savent que la barre où le Président Laurent Gbagbo a placé la Côte d’Ivoire est très élevée. D’autant plus qu’après Gbagbo, tous les indicateurs étaient au rouge. Dans le classement 2012 Legatum Prosperity Index, la Côte d'Ivoire sous le régime Ouattara est 126e sur 142 pays, derrière le Niger, le Sénégal, la Mauritanie et le Bénin. Il se situe à la 138e place dans la catégorie bonne gouvernance. Or, sans bonne gouvernance, il n’y a pas de prospérité ni développement, donc : «à priori, je ne pense pas qu’il soit possible de redresser la Côte d’Ivoire comme je le voudrais dans les trois ans à venir». Peut-être faudra-t-il lui concéder cette seule constance. Dans ce cas, il aura ainsi fait mentir ses supporters dont Christine Lagarde, la Dg du Fmi, qui de passage à Abidjan, glosait sur les «performances de l’économie ivoirienne». «La Côte d’Ivoire peut être à l’avant-garde du changement, j’en ai la profonde conviction. Après tout, ne l’avez-vous pas déjà été? Le miracle économique ivoirien fut naguère cité en exemple, il fit la fierté de l’Afrique et du monde en développement. L’heure d’un deuxième miracle ivoirien est venue. Vous avez subi les affres de la guerre civile et surmonté le conflit et la division pour avancer vers l’unité et la réconciliation. Aujourd’hui, sous la houlette du Président Ouattara, vous vous mobilisez pour devenir un pays émergent d’ici 2020.» Christine Lagarde ajoutait : «Aujourd’hui, sous la direction du Président Ouattara, le peuple ivoirien entreprend le chemin vers une prospérité retrouvée et un optimisme renouvelé, le chemin d’un dynamisme renaissant. Les faits sont là : après avoir souffert une contraction de près de 5 % en 2011, l’économie a plus que rattrapé le terrain perdu en 2012, affichant un taux de croissance impressionnant de plus de 8,5%. Cela n’est pas le fruit du hasard. Ce n’est pas un coup de chance. C’est le résultat des bonnes politiques mises en œuvre pendant près d’un an et demi…» Quelle prouesse ! Ouattara a réussi à faire mentir la patronne de la plus grande institution financière du monde, le Fonds monétaire international (Fmi).

La réalité qu’Alassane Ouattara a longtemps cachée à ses militants

Mais les analystes économistes les plus avertis savent de quoi ils parlent quand il évoque cette même Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara. En effet, selon le journaliste-analyste Adrien Hart dans une publication intitulée «L'Afrique qui marche est anglophone» : «L'Afrique francophone est en pleine tourmente au moment où les Lions d'Afrique anglophone rugissent, avec des croissances économiques spectaculaires. Qui est le nouveau champion de la croissance économique en Afrique subsaharienne en 2012 ? Non, ce n’est pas la Côte d’Ivoire, ni le Sénégal ou le Gabon. Il faut sortir du jardin francophone pour rencontrer l’Afrique qui marche. Le champion de la croissance au sud du Sahara, c’est une ancienne colonie britannique, sortie il y a dix ans d’une terrible guerre civile, la Sierra Leone, avec une hausse fulgurante de 32% de son Pib grâce à son minerai de fer et son pétrole.» Le 26 avril 2011, le journal Libération publiait un article, «Drôle d’ambiance à Abidjan». «Drôle d’ambiance à Abidjan : un an après l’arrestation du Président Laurent Gbagbo et l’investiture d’Alassane Ouattara à la présidence, le 21 mai 2011, les Ivoiriens attendent toujours une reprise économique qui ne vient pas. Le Fonds monétaire international (Fmi) table pourtant sur un taux de croissance de 8% pour l’année en cours. Et de nombreux potentiels investisseurs étrangers se pressent à Abidjan. Mais, pour l’instant, rien de bien concret à la clé. «L’activité ne décolle pas, l’argent ne circule pas. On n’arrive pas à se faire payer par nos clients, les chantiers sont à l’arrêt, regrette le gérant d’une Pme installée dans le quartier des affaires du Plateau. Si ça continue, on va être obligé de mettre des employés au chômage technique.» Où sont donc passées les pluies de milliards annoncées par Alassane Ouattara? En attendant le printemps, l’hiver est rude. Depuis 2011, ce sont en effet 120.000 emplois qui ont été détruits selon la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgci), alors qu’aucun n’a été créé. Ouattara a promis la construction de cinq (5) universités en cinq ans. À son bilan à mi-parcours, il a débaptisé celles qui existaient avant son avènement puis a procédé à leur réhabilitation, celle d’Abidjan a coûté la bagatelle de 110 milliards de Francs Cfa. Il a perdu ses dernières illusions. Obnubilé par le défi de la croissance économique, Alassane Ouattara a promis de placer la Côte d’Ivoire au rang de « pays émergent à l’horizon 2020 ». Ce vœu qui lui est si cher ne sera plus possible. Il l’a confessé dans une interview à Jeune Afrique.

Simplice Allard
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