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Sport Publié le samedi 3 janvier 2009 | Le Temps

Koffi Konan dit " BB " (ancienne gloire du Stella et des Eléphants): “Des entraîneurs de D1 viennent me consulter”

Malgré son poids lourd et sa forte corpulence trompeuse, Koffi Konan alias BB a été l`un des meilleurs défenseurs de Côte d`Ivoire de 1960 à 1977. Au Stella club d`Adjamé, ensuite chez les Eléphants. Pour nos lecteurs, nous l`avons rencontré dans sa superbe résidence à Yopougon. Entretien.

Beaucoup de gens de votre génération vous connaissent, mais ce n`est pas le cas des jeunes d`aujourd`hui. Qui est Koffi Konan dit “BB” ?

Koffi Konan “BB” est un ancien joueur, une ancienne gloire qui a marqué son temps au niveau de l`équipe nationale et du Stella Club d`Adjamé surtout, le Club dans lequel j`ai beaucoup vécu. J`ai commencé et j`ai terminé au Stella. Vous jouiez à quel poste ?
Au Stella, j`étais polyvalent, parce que je jouais sur toute la ligue défensive au cours d`un match, on pouvait me retrouver soit au 2 au 3, soit au 5, ça dépend de l`équipe adverse que nous rencontrons. Comment avez-vous atterri au Stella ?
On jouait dans les quartiers à Adjamé et c`est parti de là. Car on prenait les bons joueurs pour aller les former au Stella et progresser dans l`équipe fanion. Racontez exactement votre recrutement par le Stella et dites-nous quand ?
Bon, le Stella m`a recruté en 1960, où j`ai été minime, ensuite cadet surclassé. Il faut savoir que je suis monté très tôt, j`ai vite gravi les échelons. On m`a automatiquement pris en équipe première après quelques matches. Donc le Stella, c`est votre famille, c`est toute votre vie ?
Le Stella, c`est ma vie, c`est ma deuxième famille. Parce qu`à l`époque, il y a beaucoup de clubs qui m`ont fait la cour, mais j`ai refusé car je suis un enfant d`Adjamé et donc le Stella était mon club préféré. A cette époque, que représentait le football pour vous ?
A notre temps, on jouait pour la patrie, pour se faire aimer et se faire connaître. Il n`y avait pas une histoire d`argent parce que les primes qu`on gagnait étaient maigres, même en équipe nationale. A plus forte raison, dans notre club. Quand on finit de jouer, on nous donne 500 FCFA pour notre transport retour. Donc on jouait pour la gloire du football ivoirien.
Donc, il n`y avait pas de salaire ?
Non, il n`y avait pas de salaire. On se retrouvait aux entraînements comme on peut par nos propres moyens. Ce n`est seulement que lors des matches qu`on nous donne des primes maigres pour le transport. Comment assuriez-vous alors votre quotidien, c`est-à-dire la famille ?
A l`époque, j`étais encore jeune, donc je vivais chez mes parents. Moi particulièrement, je n`avais pas de problèmes puisque mon père était là, j`allais à l`école. Voilà comment je faisais pour joindre les deux bouts, jusqu`à ce que je travaille et me prenne en charge comme on le dit. Je n`avais donc pas d`ennuis et je n`emmerdais personne. Donc le football n`a pas perturbé vos études ?
A un moment donné, j`ai du passer un stage dans une imprimerie. Ensuite je me suis rabattu à la RAN pour y travailler comme technicien. Au Stella, quel a été votre plus beau souvenir ?
C`est mon premier match contre l`ASEC. En son temps, l`ASEC venait de nous battre en coupe nationale: 2 buts à 1. C`était à Daloa. Et quelque trois semaines après, le Stella retrouvait l`ASEC au Stade Houphouët-Boigny où nous l`avions battue. C`était mon plus beau souvenir car je venais à peine de monter. J`étais junior, on me disait demain, tu vas jouer contre l`ASEC, est-ce que tu peux attaquer Manglé Eustache, Guidi Edouard, Laurent Pokou. J`ai dit mais c`est au pied du mur qu`on voit le vrai maçon, donc tenez compte de mon efficacité plutôt que de mon âge.
En tant que défenseur, quel est l`attaquant qui vous a le plus impressionné en Côte d`Ivoire à l`ASEC, à l`Africa ou au Stade ?
Bon, lorsque je jouais, il y avait de très bons attaquants que je respectais, mais je n`avais pas peur d`eux. Je respectais des attaquants tels que Déhi Maurice, Guidi Edouard, Pokou Laurent. Je savais comment jouer contre eux. Je faisais tout pour préserver ma dignité en me faisant respecter. Nous nous connaissions bien tant en équipe nationale qu`en championnat.
De Déhi Maurice, Laurent Pokou, Eustache Manglé, lequel vous a le plus fatigué dans un match.
Dans un match, c`est plus Déhi Maurice qui m`a beaucoup fatigué parce que j`étais jeune, je venais de monter. Vraiment cet attaquant m`a beaucoup fatigué. Il jouait au stade d`Abidjan. Ce joueur bougeait beaucoup. Et il avait une pointe de vitesse incroyable. Chaque fois qu`on jouait contre le stade, il me fatiguait. Parce qu`il était très mobile, je n`aimais pas ce genre d`attaquant-là.
Et quelles étaient vos qualités premières en matière de défense?
Disons que malgré mon poids assez lourd, j`étais léger quand je jouais parce que j`étais beaucoup acrobatique. Je faisais beaucoup de retournées acrobatiques. C`est pourquoi, beaucoup de gens m`appréciaient, il faut reconnaître aussi que je taclais beaucoup. Quand l`adversaire me prenait balle aux pieds, je savais qu`avec mon tacle, je pouvais m`en sortir.
Quel a été votre pire souvenir lorsque vous jouiez au Stella ?
C`est la mort de Bity Honoré qui était mon meilleur ami au Stella. C`était un ami et quand j`ai appris sa mort, ça m`a moralement affecté. Ça m`a choqué personnellement. Lorsque vous jouiez, est-ce que vous le faisiez pour vous-mêmes ou pour les supporters ?
Quand on allait pour jouer, on jouait pour le club. On se disait que quel que soit ce qui va se passer, il faudrait qu`on sorte vainqueur et ensuite on pensait aux supporters. Parce que nous sommes des athlètes, quand on se défoule, on le fait avec dignité. Il faut reconnaître qu`au Stella, il n`y avait pas de nombreux supporters. Le Stella est l`un des clubs pauvres en supporters. Mais quand on allait jouer, on se défendait dignement et on se saignait pour nos supporters peu nombreux dans les tribunes, mais qui étaient très courageux. Vous est-il arrivé une fois de pleurer après avoir perdu un match ?
Bon, il m`est arrivé de pleurer après un match. Parce que quand nous jouons et qu`on joue bien et qu`on perd, ça ne me fait pas mal. Mais quand nous jouons et que l`adversaire nous ridiculise vraiment, ça nous fait vraiment mal. Ça nous pousse des fois à couler des larmes.
Une date, un match précis…
Nous avions joué deux fois la coupe nationale contre l`ASEC et la troisième fois, les circonstances dans lesquelles nous avons perdu ont fait que j`ai coulé des larmes. Parce que je savais qu`on devait battre l`ASEC et il y a certains partenaires qui se sont laissés acheter, nous ne savions pas ça. Aviez-vous les preuves ?
Oui, on avait les preuves. Tel que le gardien de but, N`Guessan Apkè, paix à son âme qui avait été acheté pendant le troisième match. C`était en quelle année ?
Disons en 1971, on a joué le premier match à Gagnoa, le 2e à Abidjan ainsi que le troisième. Vraiment j`ai gardé un mauvais souvenir de certains amis qui se sont fait acheter.
Quel a été le score ?
L`ASEC nous a battus 2 buts à 1. Et ce fameux but n`était pas un but. Parce que Konan Yobouet de l`ASEC venait d`arriver de France, il n`était même pas en jambe.
Il restait quelques minutes, on l`a fait entrer et sur une petite balle qu`il a tirée des 35 m, le gardien a fait semblant de plonger et a laissé le ballon filer dans les poteaux. Il se racontait qu`à votre temps, le fétiche faisant rage quand vous jouiez, est-ce vrai ? Et vous-même, en avez-vous utilisé ?
Comme on le dit, “Aide-toi et Dieu t`aidera”. Et il y a des dirigeants qui s`approchaient pour nous donner des stimulants. En nous disant que si on prend ça, ça va nous aider car c`est très fort. Bon on prenait ça pour ne pas décourager les dirigeants, les supporters. Je crois qu`à cette époque, je ne croyais pas aux fétiches, j`étais encore jeune. Par contre, il y a d`autres qui ne pouvaient pas s`en passer. Quand le féticheur arrive ils sont contents. Quand on refuse de frotter certaines choses que nous donne le féticheur, des partenaires étaient découragés. Alors que quand on prend tous le fétiche l`ambiance est au beau fixe et tout le monde est content. Parce que quand tu ne prends pas dès qu`on perd le match, on dit que c`est à cause de toi. Car le féticheur a dit à tout le monde de prendre le médicament pour se laver. Mais quand tout le monde se lave avec ce genre de fétiche est-ce que ça marchait ?
Comme je le disais, quelquefois ça réussit. Parce que quand il y a une victoire, on dit que le féticheur-là est fort, sinon les gars devraient nous gagner alors qu`en fait il n`a rien fait.
D`où est venu votre surnom “BB”.
Je vous remercie. Mon surnom “BB” est venu de par l`une des anciennes gloires africaines Larry Ben Barreck. Et comme j`étais petit et je jouais avec les grands, j`avais des tirs puissants, les gars m`ont surnommé Ben Barreck " BB " et c`est resté. Quel a été votre palmarès avec le Stella ?
Au Stella, j`ai remporté la Coupe nationale, la Coupe Houphouët-Boigny 2 fois. J`ai été finaliste malheureux contre le Tonnerre de Yaoundé en Coupe africaine. Et à cette époque, quand nous sommes allés à Yaoundé, nous avons joué contre l`équipe nationale du Cameroun et les gens nous ont fait croire que c`était le Tonnerre, nous avons été battus. Parce que chez eux, il y avait un décret présidentiel qui disait que s`il y a une équipe camerounaise qui joue en finale de Coupe d`Afrique, on sélectionne les meilleurs joueurs du pays pour jouer avec cette équipe. Les Roger Milla, les N`Kono qui ne jouaient pas au Tonnerre ce jour-là, on les a tous rencontrés et ils nous ont gagnés. Lorsque la CAF a été saisie, elle a voulu nous attribuer la Coupe, mais comme il y avait Issa Hayatou qui venait de faire son apparition, il a tout fait pour que la CAF ne nous donne pas la Coupe. C`était dans les années 1973 et 1974. Pendant combien de temps avez-vous évolué dans le championnat ivoirien ?
J`ai joué de 1960 à 1977, j`ai du arrêter pour des problèmes familiaux, parce que je venais de perdre mes deux parents, il fallait que je m`occupe de ma famille. Je venais d`arrêter après ma finale contre l`Africa que nous avons remporté par 3 buts à 0. C`est là qu`il y a eu le fameux deal entre Sam Touré dit Cissé Alioune et moi. Ce jour-là, j`ai dit à mes amis qu`on va gagner la Coupe et qu`après ça je vais arrêter. Wolé Basile m`a demandé pourquoi je veux arrêter. J`ai dit qu’il faut que je cède la place aux jeunes frères qui viennent derrière tels que les Monguéi, Akoupo Jonas, Onebo Maxime. Il fallait quand même que je leur cède et ne pas me faire ridiculiser. Alors que ces jeunes m`admiraient beaucoup. Avez-vous inscrit des buts en tant que défenseur ?
J`ai inscrit beaucoup de buts, sur les coups francs, les balles arrêtées, puisque j`étais un spécialiste de coups francs. Je me rappelle encore du championnat KO, où dès que vous perdez, vous descendez directement en deuxième division nous avions été ridiculisés par l`équipe de Man ici à Abidjan. Et nous sommes allés à Man pour jouer le match retour. Il ne restait plus que 45 secondes et c`était le dernier coup franc, c`était Grah Bernard qui était l`arbitre. Du centre, j`ai battu le gardien de but de Man. Donc ça m`a fait plaisir mais après le match, les supporters de Man m`ont frappé parce que pour eux c`était impossible de marquer du centre et battre leur gardien Issa Traoré, un international. Ca été dur pour moi. Les supporters m`ont bien frappé.
Combien de fois avez-vous été sélectionné en équipe nationale ?
J`ai été sélectionné depuis que j`ai fait mon premier match en 1960. J`étais le plus jeune d`ailleurs. A cette époque Séri Wawa, Konan Henri, Gnégnéri Dénis, Gnankouri de l`Africa jouaient. Ce sont tous des aînés. J`ai été sélectionné chaque fois, mais en tant que remplaçant. C`est quand ça n`allait pas que je rentrais. Et petit à petit, je me suis imposé jusqu`en 1977, moment où j`ai arrêté.
A cette époque la Côte d`Ivoire avait de talentueux joueurs. Mais pourquoi on n`a pas pu remporter des coupes d`Afrique avant celle de 1992 ?
Je crois que la question est bienvenue. Parce que nous avions comme vous le dites, des joueurs pétris de talent. Mais disons qu`il avait une politique africaine qui prédominait sur ce que nous faisions. Parce qu`il y avait des présidents de pays qui aimaient le football et faisaient pour que leurs équipes nationales remportent la Coupe d`Afrique des Nations. Au Zaïre par exemple où Mobutu aimait le football, il mettait tous les moyens pour son équipe. Même jusqu`à corrompre les arbitres pour qu`on nous gagne. Voyez-vous à notre temps, on jouait et arrivés en demi-finale nous étions toujours éliminés. Les gens s`interrogeaient de savoir pourquoi malgré notre beau jeu et nos chances, on se faisait éliminer très facilement. Il y a des pays contre qui nous jouions et que nous perdions. Il y a le Ghana contre qui nous perdions d`avance à cause des tripatouillages.
Donc si je veux comprendre, ce sont les combines des autres pays qui ont empêché la Côte d`Ivoire de gagner des CAN ?
Disons que c`est le manque de motivation chez nous qui faisait qu`on perdait les matches. Alors que les autres étaient très motivés. Mais Houphouët-Boigny était là, il aimait également le football ?
Non, il n`aimait pas le football. C`est plutôt la boxe qu`il adorait. Mais à votre temps quel boxeur talentueux y avait-il en Côte d`Ivoire ? Alors qu`au football, il y avait Kallet Bialy, Eustache Manglé, Guidi Edouard, Pokou. Houphouët pouvait vous donner les moyens puisqu`il était puissant.
Oui mais, Houphouët aimait les sports individuels. C`est-à-dire un contre un. Il aimait la boxe parce que ça met aux prises sur un ring seulement 2 personnes. Alors que le foot est plus collectif. Ça ne l`intéressait pas, on nous a toujours dit ça. Et lui-même il a confirmé une fois quand il nous a reçus. Sinon les qualités ne manquaient pas dans notre équipe nationale. Quand on jouait contre le Congo de Moukila Sayal, leur président les mettait au vert à la présidence de la République. C`est pareil pour le Zaïre où Mobutu faisait tout avec ses joueurs à la présidence. Mais, nous, Houphouët ne nous a jamais invités un jour pour manger à la présidence. On nous transmettait seulement ses encouragements. Et les autres équipes africaines partaient en stage pendant des mois en Europe. Alors que nous étions mis au vert à l`INJS pendant un mois. Nous n`avons pas un excellent fond de jeu. Sinon au niveau individuel on était doué. Ceux qui nous encadraient n`étaient pas assez à la hauteur pour nous faire gagner. Par exemple Jean Topka n`avait pas de diplôme d`entraîneur. Ce qui veut dire que les Eléphants n`ont pas eu à votre temps des entraîneurs qualifiés?
Non, on n`avait pas de bons entraîneurs pour qu`on puisse gagner un trophée. A un moment, ils ont fait venir certains entraîneurs d`Europe. C`est avec ceux-là que notre fond de jeu a commencé à s`améliorer quand les Gadji Céli sont venus, ils avaient un fond de jeu assez bien. Déjà dans leurs clubs, il y avait des entraîneurs tels que Troussier, Santa Rosa qui leur imposaient un bon fond de jeu. Alors qu`à notre temps, c`est avec nos qualités intrinsèques qu`on partait jouer. Avez-vous été déçu de n`avoir pas pu remporter une coupe d`Afrique avec les Eléphants ?
Je ne suis pas déçu. Parce que la génération qui m`a précédé a remporté cette coupe en 1992. Et ça a été l`une de mes plus grandes joies. Parce que des jeunes comme Gadji Céli, Sam Abouo, ont remporté la Coupe que j`ai cherchée à attraper pendant des années. 18 ans dans le football, ça fait quand même beaucoup ?
Oui c`est vrai, j`ai passé 18 ans à jouer au Football. Parce que j`ai commencé en minime et je suis venu terminer en senior. Non seulement je jouais en équipe nationale civile, mais j`ai été aussi international militaire. Malheureusement là-bas on a perdu en demi-finale de la Coupe du monde contre l`Italie de Paolo Rossi et Dino Zoff. Notre passage a été également très dur là-bas.
Quel est le métier qui vous a accueilli après le football ?
Pendant que je jouais au Stella et en équipe nationale, j`étais déjà cheminot à la RAN, j`ai travaillé très tôt. Mais ça ne m`a pas empêché de jouer totalement au football. J`ai travaillé pendant 21 ans en tant que cheminot à la RAN et j`ai été compressé après les 21 ans de service rendu. A 50 ans, j`ai pris ma retraite. Que devenez-vous aujourd`hui ?
Je suis un homme d`affaires et je peux me prendre en charge. Je fais mes affaires personnelles et je joue souvent au maracana, car je suis toujours en bon état physique.
Quel genre d`affaires faites-vous ?
Bon, le show-biz, il y a beaucoup de choses mais je ne peux pas vous dire. Je ne produis pas d`artistes, mais dans l`ombre j`aide beaucoup d`artistes. Je peux aider un artiste à se produire, un commerçant pour ses activités.
Donc vous fonctionnez comme un aval ?
Voilà, c`est ça. Et je ne me plains pas. Malgré la malhonnêteté de certaines personnes, je m`en sors bien grâce à Dieu. Combien d`enfants a Koffi Konan BB ?
J`ai 6 enfants. Deux garçons et quatre filles.
Avec la même femme ?
Non malheureusement, ma première femme est décédée. C`était au cours d`un match Stella-Africa où nous avons gagné 3 à 1. J`étais au terrain quand j`ai appris la nouvelle de sa mort. Ça a été un coup dur mais c`est la volonté de Dieu. Ensuite, j`ai eu une seconde femme avec qui j`ai eu deux enfants. Et un matin elle m`a quitté me disant que son rêve, c`était d`aller en Europe. Elle voulait goûter la neige et nous nous sommes séparés. Je suis avec la troisième femme qui m`a donné un enfant, c`est mon dernier garçon. Vous avez une belle demeure, avec vos enfants. Quand vous les voyez dans cette maison, quel est le sentiment qui vous anime ?
Ah ! Là je suis heureux parce que je me suis saigné pour avoir cette demeure, personne ne m`a aidé. Je ne suis pas allé voir un dirigeant pour demander de l`argent. Je suis fier de voir mes enfants s`épanouir plus dans cette résidence. Mais quel est votre secret pour pouvoir vivre aujourd`hui dans de bonnes conditions. Quand on sait la majorité des joueurs de votre génération croule sous le poids de la pauvreté ?
Disons mon secret, si vous le voulez bien c`est d`abord le footing, jouer au maracana, ensuite il y a le respect même si vous êtes une vedette enfin il y a le sérieux dans le travail tant sur le terrain qu`en dehors. Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération des Eléphants ?
D`abord je les encourage à bien faire. Surtout qu`ils sont déjà professionnels, nous savons qu`ils ne viennent pas jouer en sélection nationale pour de l`argent. Donc qu`ils jouent avec courage et le cœur pour glaner des lauriers pour le pays. Avez-vous le sentiment que la nouvelle génération de footballeurs joue avec le cœur au service de la patrie, comme vous, par le passé ?
On sent qu`ils jouent pour la patrie, mais pas avec le cœur. Ils ont des réserves parce qu`ils évoluent dans des clubs professionnels. Ils ne mettent pas le pied parce que s`ils se blessent, on leur colle certains amalgames. Donc certains ne se donnent pas à fond, car il faut le dire tout net. Ils viennent tout juste pour jouer. Alors qu`en Europe, ils se battent à 100%. Même s`il faut qu`ils cognent leur tête contre le poteau, ils vont le faire. Mais ici ils ne le font pas. Donc je souhaite que quand un professionnel vient jouer en sélection, que la fédération prenne ses responsabilités pour assurer ce joueur et entrer en contact avec son club pour signer tous les papiers. Ainsi il aura la tête libre pour mieux se défoncer pour son pays. Après la finale manquée en 2006 et une CAN 2008 décevante, est-ce que les Eléphants peuvent gagner une autre CAN pour la Côte d`Ivoire ?
Oui bien sûr, ils peuvent gagner puisqu`ils ont la volonté. Il faut seulement les motiver, bien les suivre. Que vous inspire le football local ?
Le championnat local, n`a plus son sens. Parce que chaque joueur veut coûte que coûte aller en Europe pour y monnayer son talent. Donc quand il vient sur le terrain, c`est pour se faire remarquer, il oublie les consignes de l`entraîneur. D`ailleurs, avant de jouer pour un club, il exige que ce club le fasse partir en Europe. C`est ce qui hante tous les joueurs locaux.
Mais quel est le joueur qui arrive à vous séduire ?
Bon, j`ai vu le dernier match de l`ASEC, j`avoue qu`il y a un joueur qui m`a beaucoup impressionné dans ce club. Mais j`ai été surpris d`entendre qu`il est en partance pour l`Europe. Il s`agit de Gohi Bi Zoro Cyriaque. On vient à peine de le connaître et tous les Ivoiriens ne l`ont même pas vu et déjà il est annoncé en Europe. C`est tout ça qui tue notre football. S`il pouvait être maintenu au moins pendant 2 ans, c`aurait été bien. Pourquoi nous disons que les Egyptiens sont forts que nous ? C`est parce qu`il y a des joueurs en sélection d`Egypte qui évoluent ensemble en club pendant 5 à 6 ans. Donc quand un bouge sur le terrain, l`autre sait comment il faut lui placer le ballon. Il faudrait que la fédération trouve un moyen pour maintenir les bons joueurs dans notre championnat. Mais les joueurs ici ne sont pas bien payés, c`est pourquoi ils veulent tous aller en Europe… Leurs parents comptent énormément sur eux…
Oui, bon je dirais qu`il faut une politique soutenue par de gros moyens pour pouvoir les retenir dans notre championnat pendant un certain temps. C`est pourquoi je souhaite que la fédération aide les clubs à payer de bons salaires à leurs joueurs. A notre époque, au temps du président Brizoua Bi, il y avait une loi qui disait que chaque club devrait être confié à une grande entreprise pour que ça aille de l`avant. Mais cette politique n`a pas marché parce que la fédération augmente la subvention des clubs pour les aider à conserver leurs joueurs. Quel âge avez-vous aujourd`hui et quel est le message que vous voulez adresser à la jeune génération de joueurs et aux Ivoiriens ?
J`ai eu mes 60 ans déjà je souhaite que le football ivoirien aille de l`avant. Que les dirigeants soient solidaires dans leurs clubs pour que le football ivoirien se modernise. Ce n`est pas bien que chaque dirigeant ait son joueur préféré. Le Stella vous a-t-il offert un poste en son sein en guise de remerciement pour services rendus ?
En même temps que j`ai été footballeur, j`ai tout fait pour avoir mon diplôme d`entraîneur. Je suis titulaire du deuxième degré d`entraîneur. Je ne veux pas aller prendre la place de quelqu`un si on ne m`a tendu la perche. Je ne me vois pas en train d`aller prendre la place du doyen Wollé Basile qui m`a formé depuis mon bas âge. On peux s`approcher du club pour lui apporter des conseils si le président le permet. Sinon ils vont dire qu’on est venu pour déstabiliser le club.
Avez-vous déjà entraîné un club de Football ?
Oui, j`avais en main le FC Lazer, j`ai fait monter le Rail FC. J`ai créé le FC Lazer de toute pièce et on jouait en première division. Pour des problèmes de couleur de peau on nous a dit de casser cette équipe. Problèmes de couleur de peau, c`est-à-dire ?
Les gens trouvaient que dans notre championnat, il y avait trop de libanais qui y jouaient. Sur 22 éléments au FC Lazer, il y avait 13 Libanais. Et certains me disaient pourquoi tu encadres des gens qui ne vont jamais évoluer en équipe nationale. Mais ces jeunes libanais ont des parents qui ont la nationalité ivoirienne et qui ont œuvré pour notre football. Une personne comme Zarou d`Anyama, il a beaucoup fait pour notre football, de même que le premier président de l`équipe de San Pedro. Et pour casser le FC Lazer, ils ont fait croire que les Libanais corrompaient les arbitres. Sinon il faut dire qu`après ce passage au Lazer, j`ai apporté des conseils à certains clubs ivoiriens. Des entraîneurs viennent me voir pour les aider à coacher leur formation.

Interview réalisée par Fabrice Tété
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