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Art et Culture Publié le jeudi 5 février 2009 | Le Patriote

Interview . Pierre Franklin Tavares - “Sarkozy pose le problème de l’Etat en Afrique”

Le Patriote. : Vous venez de publier le livre intitulé " Nicolas Sarkozy relire le discours de Dakar". Pourquoi un essai aussi virulent face à la réaction des intellectuels africains ?
Pierre Franklin Tavares : Je suis un Africain d’origine Cap- verdienne, né à Dakar. Mes parents s’étant installés en Côte d’Ivoire, j’ai fait mon cycle primaire et secondaire à Abidjan. Fondamentalement, je suis de ceux qui considèrent que l’intellectuel africain a l’obligation et le devoir de quasi servitude vis-à-vis de la vérité. Voilà Nicolas Sarkozy qui, à la faveur de sa première sortie officielle en Afrique, fait un discours. Sur le champ, il n’y a pas de réaction. Et puis, le lendemain, c’est un immense cri de protestation des intellectuels, sans doute légitime, et qui consistait à dire : mais ce n’est pas possible, comment peut-il dire des choses si graves sur le compte des Africains ? Comment peut- il dire, non pas comme Hegel à partir de Berlin, mais à partir de Dakar que « le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire …l’homme africain ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles». Je m’interroge sur la question. J’approfondis l’étude du texte. Je lis alors des auteurs considérables, Achille Bembé professeur titulaire à l’Université de Johannesburg (Afrique du sud), Aïssatou Ba Konaré, Aminata Traoré, Bernard-Henri Lévy, Philippe Bernard….. Et je me rends compte qu’ils n’ont pas lu le texte. Et qu’ils parlent des choses en procédant par assimilation. En assimilant le discours de Nicolas Sarkozy à celui de Hegel. Et je puis dire qu’ils n’ont jamais lu Hegel. Il y a là une tricherie intellectuelle, une malhonnêteté intellectuelle. Ce que réclame Nicolas Sarkozy, c’est essentiellement la question de l’Etat en Afrique. En fait, il réclame que la jeunesse prenne en charge sa propre histoire. Qu’elle n’ait pas peur d’affronter les maux tels que la gabegie, le népotisme, la corruption, la xénophobie…. Que tout monde connaît. Et je trouve qu’il y a des maux que Nicolas Sarkozy n’a pas abordés. Notamment les fraudes électorales, la saleté des villes africaines. Sarkozy en appelle ouvertement au sursaut africain, afin que la génération future refuse la posture de celui qui réclame l’aumône mondiale et l’aide française.
L.P. : Ces intellectuels africains, en filigrane, amenaient-ils le discours sur le terrain racial ?
P.F.T : On ne peut pas dire que Sarkozy est raciste pour les raisons que j’ai avancées dans l’ouvrage. Il faut que nous soyons prudents. Sarkozy lui-même, nous connaissons ses origines hongroise, de par le père, et juive par la mère. Et comme il le dit, il est un métis et il le revendique fièrement. Il a imposé une Française d’origine sénégalaise, Rama Yade aux Français. Quand les Français ont réagi, il a menacé tout le monde et il a imposé sa conviction. Dernièrement, il a nommé des préfets Noirs. Et donc sur cette base-là, on ne peut pas dire qu’il est raciste. Sa politique d’immigration n’a rien à voir avec la question de la race. N’accablons pas Nicolas Sarkozy des péchés qu’il n’a pas commis. Il est celui aujourd’hui qui fait plus d’intégration des communautés noires en France.
LP : Parlons de vos travaux sur Hegel
P.F.T : Cela fait 20 ans que je travaille sur Hegel en tant que chercheur et je crois que l’Université la Sorbonne l’a dit publiquement. J’ai tout fouillé, les conditions de sa naissance, son adolescence, les premiers cours où il entend parler du monde noir. J’ai reconstitué ce que j’ai appelé l’itinéraire africain de Hegel. Qui commence à peu près à l’âge de 8 ans et qui se termine prématurément par le fameux choléra qui a ravagé l’Allemagne en 1831. A partir de là, avec l’esprit critique, j’ai recherché toutes les sources. J’ai fouillé et j’ai retrouvé près de 30 ouvrages majeurs qu’il avait lus sur l’Afrique. J’ai exhumé tout cet ensemble d’informations. Et je me rends compte que les passages que les intellectuels africains citent comme étant de Hegel sont des apocryphes, c’est-à-dire que ce ne sont pas des écrits de ses propres mains. Donc finalement tous les procès qu’on a faits à Hegel depuis étaient de faux procès. Nkrumah, Ki Zerbo et bien d’autres intellectuels africains ont accusé Hegel de raciste sur la base d’apocryphes. J’ai donc reconstitué l’itinéraire africain de Hegel. Il a écrit de ses propres mains « que les sciences sont parties du Sud vers l’Ouest». Mais nos devanciers ne le disent pas. Comment celui qui a salué la révolution noire d’Haïti peut-il dire du mal de l’Afrique. Voilà tout le paradoxe.
LP : Confirmez-vous que les intellectuels comme Ki Zerbo, Nkrumah se sont trompés sur le compte de Hegel ?
P.F.T. Un préjugé peut s’ériger en vérité commerciale, facile à rependre. Ce que je reproche à ces intellectuels, c’est de n’avoir pas suffisamment recoupé les sources. Je souhaite alors qu’il y ait un vrai débat sur la vision de Hegel sur l’Afrique. Et le discours de Nicolas Sarkozy que les intellectuels africains ont vite fait d’assimiler à Hegel me donnent l’occasion de les inviter à un débat. Dans son ouvrage " La Phénoménologie de l’esprit", Hegel défend l’Afrique. Que les intellectuels africains lisent cet ouvrage sans percevoir le caractère révolutionnaire du combat de Hegel à l’endroit des Noirs, je suis sidéré.
LP : Mais, depuis 1989, vous n’apportez pas de démenti…
PFT : J’ai expliqué que pour des motifs personnels et familiaux, ma thèse n’a pas été publiée. J’ai fait des séminaires, j’ai publié des livres dans lesquels figurent les grandes pensées de ma thèse. Pour moi, Nkrumah et Ki Zerbo sont responsables de ce gros mensonge sur le compte de Hegel. Ils ont simplement failli. C’est un mécanisme de fainéantise et de paresse que de dire que Hegel est contre les Noirs et que Sarkozy pense comme Hegel. Achille Bembé et les autres se sont trompés largement. Sur le discours de Dakar, j’ai mis le débat à un niveau tel que ceux qui viendront après moi, doivent prouver que ce que j’ai dit est faux. Alors, s’ils veulent parler, qu’ils produisent autant de documents que moi. Réalisée par Moussa Keita
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