Deuxième partie de notre entretien avec M. Simplice Zinsou De Messé, lors de “La Table ronde de Le Temps” organisée le mardi 10 février 2009 dernier, au siège du Groupe Cyclone. Le Président de l`Aéroport international Félix Houphouët-Boigny d`Abidjan (Aeria) rompt avec les habitudes et laisse découvrir un autre pan de sa personnalité. Incursion avec Z.S. dans le monde politique. Beaucoup d`Ivoiriens s`interrogent.
Que devient votre entreprise Sivomar et comment êtes-vous passé de la Sivomar à Aeria?
J`ai commencé en 1977. J`ai construit la première compagnie maritime de l`Afrique de l`ouest, le Nigeria compris. Je desservais tous les ports de la méditerranée et de l`Afrique, de Dakar à Matadi. J`avais une flotte de navires. J`avais un contrat avec l`Etat de Côte d`Ivoire, qui me donnait le droit de trafic que j`assurais pleinement. Je ne sais pas si la vie du Président Houphouët-Boigny était liée à ma survie et à celle de mon entreprise. Je ne comprends pas, comme si c`était le Président Houphouët qui chargeait les conteneurs sur mes bateaux, ou qui allait chercher le fret pour moi. On m`a liquidé. On a rayé d`abord la Sitram. C`était le plus facile, parce que c`était une société d`Etat et après, on s`est occupé de moi en un rien de temps. Voyez la méchanceté des gens. Pourquoi ? Je me pose la question aujourd`hui, encore. Pourquoi le pouvoir de l`époque a agi comme ça ?
J`étais le seul opérateur économique proche du président Houphouët-Boigny, à avoir subi cette méchanceté. J`ai été ``assassiné`` comme ça. Je dirais proprement. Aujourd`hui, où je vous parle, j`ai des milliers de conteneurs perdus dans presque tous les ports d`Afrique et du monde. Voyez- vous, cela a été un moment difficile de ma vie. Pour moi oui, mais surtout pour les 300 à 400 jeunes frères et sœurs qui travaillaient avec moi, qui m`ont accompagné depuis 1977 jusqu`en 1994-1995, dans cette aventure magnifique. Je me suis dis que tout ce que Dieu fait est bon. On dit que la vie est un long fleuve tranquille. C`est faux ! La vie n`est pas un long fleuve tranquille, mais plutôt tumultueux. J`ai pris mon courage à deux mains. Est-ce que vous m`avez entendu me plaindre malgré les problèmes que j`ai eus, alors que j`avais un contrat avec l`Etat de côte d`ivoire de 25 ans qui a été rompu arbitrairement ? Le gouvernement de l`époque a cru régler un problème avec moi. Pour quelle raison? Je me pose encore la question.
Mais m`avez-vous entendu me plaindre moi ? Vous avez vu mes frères qui travaillaient avec moi, descendre dans la rue parce qu`ils n`ont pas été payés? J`ai pris l`engagement sur moi comme je le faisais à l`Africa Sport, de payer mes avocats et de leur demander de payer les droits de tous mes employés. Un agent à qui je devais payer 50Fcfa, je lui donnais 200Fcfa. Parce qu`on avait fait quelque chose de magnifique ensemble. Je me suis saigné pour régler ces problèmes, parce que j`avais mon honneur et ma dignité en jeu. Je ne me voyais pas moi, fils du Président Houphouët-Boigny, un homme épris de paix et d`amour, me faire traîner devant les tribunaux par des petits frères, parce que je n`ai pas respecté leurs droits. J`ai fait tout ça pour respecter ma dignité et remercier du fond du cœur ces frères et sœurs qui m`ont fait confiance et qui m`ont accompagné pendant de longues années dans cette merveilleuse aventure humaine et professionnelle.
Pourquoi n`avez-vous pas réclamé vos droits ?
Vous savez, je vous ai dit que la vie continue. C`est un long fleuve tranquille et mouvementé à la fois. Il faut donner le temps au temps. C`est vous dire, que cela a été difficile pour moi. J`ai vu tout d`un coup s`écrouler tout ce que j`avais construit. J`avais une cinquantaine d`agences en Afrique, en Europe et en Asie. Et tout s`est écroulé comme cela par la méchanceté d`un pouvoir. Sous-prétexte que j`étais le fils d`Houphouët-Boigny. Et aujourd`hui, ces gens-là viennent dire qu`ils sont Houphouétistes, ils aiment Houphouët-Boigny. Voilà ce que j`ai vécu. Mais j`ai supporté cela dans la dignité.
Car, si j`avais pleuré, ils auraient été encore plus heureux. Mais je leur ai prouvé que j`étais un homme, que j`étais debout malgré tout. Je me suis dit : " profite de l`occasion pour te relancer ". C`est comme ça que j`ai participé au projet de l`aéroport Félix Houphouët-Boigny. J`ai dû m`engager dans cette affaire pour leur prouver qu`après la mer, on pouvait être dans les airs. J`ai engagé ce combat pour donner à cet aéroport qui ressemblait à un hangar, un aspect digne de la Côte d`Ivoire et du nom prestigieux qu`il porte. Aujourd`hui, j`ai réussi mon pari.
Quels sont les rapports entre Aeria et l`Etat de Côte d`Ivoire?
La coopération entre Aeria et l`Etat est une coopération exemplaire. Et Aeria peut s`appuyer sur un personnel de première qualité et de très grande compétence qui œuvre chaque jour pour que l`aéroport d`Abidjan réponde aux exigences d`un aéroport international. Aeria est fier d`avoir relevé ces défis. L`Etat de Côte d`Ivoire a une participation de 10% sur un capital de 600 millions, soit 60 millions de fcfa et nous avons réalisé un investissement de 25 milliards, versés à l`Etat plus de 21 milliards de redevance, et plus de 9 milliards d`impôt divers au cours des 10 dernières années. C`est cela le sens de notre engagement vis-à-vis de l`Etat de Côte d`Ivoire.
Nous avons respecté nos engagements car, l`investissement contractuel était de 15 milliards. Mais j`ai rassuré mes partenaires et nous avons renforcé nos investissements. Cela nous a permis d`aller plus loin, de faire confiance à la Côte d`Ivoire afin de prouver notre attachement à ce projet. Alors que les événements douloureux que traversait notre pays avaient entrainé le départ de plusieurs sociétés étrangères. C`est là ma grande fierté car, j`ai dit à mes partenaires qu`ils pouvaient faire confiance à la Côte d`Ivoire. Il faut le noter, malgré tout, la Côte d`Ivoire est un grand pays. Je suis très fier d`avoir réussi à les convaincre et cela constitue pour moi une très grande satisfaction morale. Car dans la vie, où il y a de la volonté, il y a un chemin.
La certification, c`est pour quand?
Les gens font des amalgames à ce niveau. La certification n`est plus au niveau de Aéria. C`est du ressort de la République de Côte d`Ivoire. C`est un devoir régalien. La police, la douane, la gendarmerie, il faut que chacun joue son rôle de sécurisation. Sinon, en ce qui concerne les équipements, à savoir les rayons X, les satellites, nous avons tout et de la dernière technologie. D`ailleurs, très bientôt, le Président de la République viendra inaugurer les nouvelles installations de l`aéroport. Nous sommes en train de terminer le salon ministériel. Nous avons réalisé un investissement de 400 millions, rien que pour la rénovation de ce salon. Ce sont toutes ces installations que le Président de la République viendra inaugurer très prochainement.
Après cela, il va poser la pierre de l`aérogare fret. Parce que la Côte d`Ivoire est un grand pays de fret. Nous allons le refaire totalement. De même que l`aérogare des pèlerins. Parce que nous voulons que nos parents musulmans qui vont en pèlerinage, voyagent dans de très bonnes conditions pour accomplir leur Hadj. Nous allons créer aussi sur le site aéroportuaire, un centre de formation aux métiers de l`aéronautique.
Le Président de la République viendra inaugurer tous ces investissements. C`est pour vous dire que dans la vie, il ne faut pas désespérer. Donc, l`histoire de la Sivomar est une histoire triste. Mais, moi je suis dans une dynamique et je dis toujours qu`il y a pire dans la vie. Il ne faut pas se plaindre. Quand on se plaint trop, ce n`est pas bien. Il faut assumer la souffrance que tu as endurée intérieurement. Et prier pour que Dieu t`éclaire. J`ai été éclairé et la vie continue.
Président, êtes-vous rancunier?
Je pardonne mais je n`oublie pas.
Est-ce que votre structure ne peut pas aider la Côte d`Ivoire à renforcer sa flotte aérienne?
Non, ce n`est pas notre vocation. L`Etat ivoirien a de nouveaux associés avec la Nouvelle Air Ivoire. C`est leur mission. Chacun son métier. Maintenant, si on nous demande demain de participer à ce projet, on peut l`étudier et c`est possible.
Politiquement dans quel parti politique militez-vous?
Le parti de la République de Côte d`Ivoire. Qui est d`ailleurs le plus grand parti (grand rire).
On vous savait très proche du Président Houphouët-Boigny. Alors, pouvez-vous nous dire le lien affectif qui existait entre vous ?
Je suis fier d`avoir été son fils, d`avoir été dans son intimité. D`avoir partagé beaucoup de choses avec lui. Notamment, les derniers instants de sa vie. Ce qui me permet de regarder aujourd`hui avec amusement, tous ceux qui disent : ``le Président Houphouët-Boigny m`a dit ceci, le Président Houphouët-Boigny m`a confié cela…`` Je vais vous dire aujourd`hui qu`ils sont tous des mystificateurs. Le Président Houphouët-Boigny était quelqu`un de très secret, c`est ce qui explique aussi sa longévité politique. Il se confiait très peu. Ce qu`il voulait que vous entendiez, c`est ce qu`il vous disait. C`est vraiment triste d`entendre aujourd`hui, tout le monde dire que : le Président m`a confié ça, etc…`` Je crois qu`il faut arrêter de faire parler des morts. Car, il a beaucoup souffert au cours des deux dernières années de sa vie de la méchanceté et de l`ingratitude humaines. Nous aurons sans doute un jour l`occasion d`en reparler. Aujourd`hui, il a besoin de reposer en paix.
Voulez-vous dire que vous avez été le seul confident du président Houphouët ?
Je n`ai pas dit cela. Mais j`étais l`un des rares, parce que j`ai vécu des moments très forts avec lui. Surtout les deux dernières années de sa vie. Le Président Houphouët-Boigny était un homme d`exception, d`amour et de paix. Et, il m`a dit : " mon fils, quand je ne serai plus là, beaucoup de gens parleront en mon nom. Mais le président Mamadou Koulibaly m`a dit une chose que je veux que tu retiennes. Il m`a dit : ``Félix, les morts n`ont pas droit à la parole``. Ce n`est pas beau ça ?
Aujourd`hui, ceux qui se réclament de lui, ce sont eux qui lui ont fait les pires misères à la fin de sa vie. Ils se disent Houphouétistes aujourd`hui, parce que ça les arrange. Alors qu`ils ambitionnaient d`effacer le nom d`Houphouët-Boigny de la mémoire collective des Ivoiriens, ce qui est impossible. Tout ça fait rire la République. Les vrais enfants d`Houphouët-Boigny, les vrais Houphouétistes se reconnaissent. Moi, je dis toujours que le président Houphouët-Boigny est parti avec son Pdci. Mes rapports avec lui, étaient des rapports de père à fils. Il avait une profonde affection pour moi, mais appréciait ma façon affectueuse mais franche de lui dire les choses et de lui dire la vérité. Parce que je n`avais pas de poste à défendre. J`ai été son fils et il m`a toujours dit que " la vraie affection vis-à-vis d`autrui se nourrit de vérité ". C`est comme cela que j`ai fonctionné pendant plus de trente ans avec lui.
Très modestement à ses côtés, j`ai joué ma partition. Il m`a envoyé plusieurs fois en mission à l`étranger pour porter des messages à ses collègues chefs d`Etat d`Afrique, notamment. J`ai été très modestement auprès de lui, chaque fois que cela était nécessaire. Aujourd`hui, tout le monde parle, parle, parle…, mais personne n`est dépositaire de rien. Houphouët-Boigny appartient à toute la Côte d`Ivoire et personne n`a le monopole de sa pensée. Et c`est comme cela qu`il voulait être perçu. Ce n`était pas l`homme d`un clan. Il vivait pour une Côte d`Ivoire une et indivisible. Au fond, pour cet homme d`exception, sa grande passion, ce n`était pas de la politique politicienne. C`est pourquoi, malgré les avatars de la vie, il restera toujours présent dans les cœurs et immortel pour les Ivoiriens. J`ai deux pères : un père biologique et Houphouët-Boigny qui m`a permis d`être un homme dans la vie. Car les instants passés auprès de lui ont été pour moi, la plus belle école de ma vie. J`ai réglé des problèmes d`Etat que les gens qui parlent aujourd`hui, n`ont jamais réglé en Côte d`Ivoire. Le Président Laurent Gbagbo connaît mes relations avec le président Houphouët-Boigny. Le chef d`Etat actuel et moi, nous avons des relations de frères et d`amis.
Président, après Houphouët-Boigny et avant Gbagbo, il y a eu les présidents Henri Konan Bédié et le Général Robert Guéi. Quels ont été vos rapports avec ces différentes personnalités ?
Vous savez, moi j`ai des rapports cordiaux avec tout le monde, surtout avec les humbles. J`ai toujours des rapports courtois avec le Président Bédié. Quant au Général Guéi, nous avions des rapports de frère, puisqu`il était un des ``petits frères`` de mon aîné le Colonel Roger Zinsou. Donc, j`ai eu des rapports avec lui. Ma culture et mon éducation m`interdissent de développer des relations conflictuelles avec les gens.
Avec le Président Laurent Gbagbo, j`ai des relations différentes. Ce sont des relations d`amitié et de fraternité. Nous avons de très bonnes relations qui dépassent le cadre de la politique. Et j`aime son courage. L`acte fort que je retiens de lui, c`est quand il y a eu les évènements de septembre 2002. Il était à Rome, les français lui ont tendu un piège, en lui demandant de venir s`installer à Paris. Et qu`il rentrerait quand tout serait devenu calme. S`il était parti, il serait encore en exil là-bas en train d`admirer la Seine et les monuments de Paris. Il est rentré à Abidjan. Ça c`est un acte de courage. Le sportif que je suis, a admiré son courage. Le reste, c`est de la politique. Chacun fait sa politique avec ses moyens, sa stratégie.
Vous qui avez été très proche du président Houphouët-Boigny, comment avez-vous vécu le premier coup d`Etat de l`histoire de la Côte d`Ivoire ?
J`ai été surpris. Parce que je ne pensais pas qu`une affaire comme ça pouvait arriver à la Côte d`Ivoire. J`étais à Abidjan. C`était très compliqué. Mais, avec le recul, pour moi, on ne peut même pas parler de coup d`Etat. Parce qu`à la limite, ça n`a rien à voir avec les vrais coups d`Etat. Ce sont " des jeunes gens " qui ont secoué le pouvoir pour le renverser. C`est après que des officiers supérieurs sont intervenus pour profiter de la situation. Après, on a eu la transition militaire qui, heureusement s`est achevée. Et on a maintenant le Président Laurent Gbagbo. Mais, je dis que la Côte d`Ivoire aujourd`hui est debout. Et je suis fier de le dire. Malgré qu`elle soit coupée en deux.
Justement, que pensez-vous de cette rébellion?
Vous savez, ceux qui ont entraîné nos petits frères dans la guerre, assumeront ça un jour devant l`histoire. Parce qu`il y aura l`histoire de ce drame national qui a endeuillé notre pays. On saura un jour, qui a fait quoi dans tout cela. Mais là n`est pas le problème aujourd`hui. Nous avons vécu un drame. Mais si nous avons tenu, c`est grâce à nos acquis. C`est grâce au Président Félix Houphouët-Boigny, qui nous a laissés un pays solide. Je suis très fier que le Président Laurent Gbagbo reconnaisse cela, en s`appuyant sur ces acquis. C`est grâce à cela qu`il a su sauver la République. Parce qu`il faut le dire, le Président Laurent Gbagbo a sauvé la République.
Car, si de Rome il était allé à Paris, je ne sais pas où on en serait aujourd`hui. Mais, je dis que la situation est un peu compliquée. L`administration n`est pas déployée dans tout le pays, le recensement se fait cahin-caha avec une société, dont les dirigeants ne sont pas eux-mêmes des hommes à la hauteur de la situation. L`armée est divisée, nous avons l`armée républicaine et l`armée des forces nouvelles. Je pense qu`il ne faut pas se presser. Les ivoiriens sont d`ailleurs très intelligents, très forts mentalement. Le minimum que nous demandons nous autres, c`est de permettre à notre pays de se réunifier, qu`on désarme tout le monde. Qu`on établisse l`unité de la République. Et, une fois que tout cela sera mis en place, on va contrôler le recensement pour voir s`il a été bien fait. Parce qu`il ne faut pas que la nationalité ivoirienne soit bradée comme quelque chose qu`on va acheter à Sococé ou à Hayat. Donc, il faut faire tout ça dans un climat de paix, de sérénité et de fraternité retrouvée.
Allez plus loin président…
Je suis fier de mon identité. Où est le problème ? Ce n`est pas parce que le Président Houphouët-Boigny a encouragé l`immigration, le brassage, que ça va se retourner demain contre la Côte d`Ivoire. Il faut que les choses soient bien faites. Pour ramener la fraternité, l`amour entre nous. Et une fois qu`on aura fait tout cela, on pourra aller aux élections. On ne peut pas aller aux élections alors que certains ont encore des armes dans certaines régions. Parce qu`une élection dans la précipitation, c`est entraîner la Côte d`Ivoire dans le gouffre, et nous faire retourner dans une situation qui peut être pire que celle que nous avons connue. Il faut que ces politiciens et ces diplomates qui sont ici, comprennent que les problèmes de la Côte d`Ivoire seront réglés par les Ivoiriens eux-mêmes. Laissons les Ivoiriens eux-mêmes assumer leur propre destin.
Ce n`est pas l`extérieur qui nous donnera le mode d`emploi de la République de Côte d`Ivoire. Parce que je trouve triste que des hommes politiques ivoiriens, attaquent leur pays quand ils se trouvent à l`extérieur. Moi, jamais me trouvant à l`extérieur, j`ai porté un jugement sur mon pays. Parce que j`ai le temps en Côte d`Ivoire de dire ce que je veux. Je suis un homme libre. Je trouve déplorable aussi que les ministres qui sont dans le gouvernement, sont en campagne et attaquent le gouvernement dont ils sont membres. Mais, quand c`est comme ça, qu`ils démissionnent. Parce qu`un ministre, ``ça ferme sa gueule ou ça démissionne`` comme l`a dit le ministre français Jean-Pierre Chevènement. Ces ministres-là ne sont pas au service de la République. Heureusement qu`il en a quelques uns parmi eux qui ont encore le sens du devoir, qui se battent tous les jours pour maintenir le pays debout et lui permettre de respecter ses engagements sur le plan international. Il faut régler tous ces problèmes avant d`aller aux élections. La Côte d`Ivoire est un pays qui sera toujours debout. Le plus important, c`est qu`on retrouve notre unité. Qu`on mette de l`ordre dans notre maison. Que les Ivoiriens eux-mêmes se prennent en charge et qu`ils n`attendent rien de l`extérieur.
Aujourd`hui, on voit des chefs d`Etat, des diplomates qui s`érigent en censeurs et en donneurs de leçon et qui veulent donner l`impression de connaître notre pays plus que les Ivoiriens eux-mêmes. Je vois des hommes politiques, des Ong qui s`accrochent à leurs démonstrations pensant que leurs recettes peuvent sauver notre pays. C`est une grave erreur. Parce qu`il ne faut pas sous- estimer la capacité des Ivoiriens à assumer leur destin. J`ai voyagé à travers presque tout le continent africain et j`ai constaté que les Ivoiriens aiment et sont profondément attachés et fiers de leur pays.
Président, si on vous demandait qui est l`homme de l`année. Que répondriez-vous ?
Je répondrai le Président Laurent Gbagbo. C`est lui qui est au pouvoir. C`est lui qui nous a sauvés. Vous voulez que je dise qui ? Vous ? Moi ? C`est lui qui a empêché que la guerre se généralise partout dans le pays. Vous voulez que je désigne qui? Moi, je suis un sportif. Je n`ai pas d`état d`âme puisque je ne pratique pas la politique de la gamelle. Alors, je dis ce que je pense. Ça été comme ça avec le Président Houphouët pendant 30 ans.
Quel regard portez-vous sur l`opposition ivoirienne ?
Une opposition doit monter au créneau. Le président Gbagbo a de la chance.
Et l`avènement de Barack Obama aux Etats-Unis d`Amérique ?
Vous savez, l`histoire d`Obama est une belle histoire, magnifique. Il n`y a qu`aux Etats-Unis d`Amérique qu`on peut créer et vivre ce genre d`histoire. Il est très intelligent, brillant. Il a une femme qui est charmante et de beaux enfants. Il est le Président du plus puissant Etat du monde. Il a tout pour réussir. Mais, comme je le dis toujours : ``les plus grandes déceptions naissent des grands espoirs``. Alors, il ne faut pas qu`il nous déçoive. Et surtout il ne faut pas que les Africains qui vivent l`obamania pensent que Barack Obama va régler tous nos problèmes. Sa priorité, c`est d`abord son pays : les Etats-Unis d`Amérique. Peut-être que plus tard, quand il aura fini de mettre de l`ordre totalement dans la maison US, il s`occupera de nous.
Président, nous sommes à la fin de notre entretien, quels sont vos vœux pour votre pays ?
Je souhaite tout simplement que la Côte d`Ivoire retrouve son unité. Que la Côte d`Ivoire prépare les prochaines échéances électorales dans la paix, la sérénité et dans l`amour. Que la Côte d`Ivoire trouve des solutions à ses problèmes, grâce à ses enfants. C`est nous, les Ivoiriens qui ensemble, devrions trouver les solutions à nos problèmes. Il faut que nous créions nous-mêmes les conditions pour régler nos propres problèmes. Je souhaite qu`il y ait en Côte d`Ivoire un réarmement moral. Il faut que l`Ivoirien s`accapare les problèmes de son pays. Et qu`on se fasse confiance dans l`amour, dans la paix, dans la fraternité, comme nous l`a enseigné le Président feu Félix Houphouët-Boigny, le père fondateur de la Côte d`Ivoire moderne.
La rédaction
Retranscrits par Georges Toutoukpo
Supervision : Simplice Allard
Que devient votre entreprise Sivomar et comment êtes-vous passé de la Sivomar à Aeria?
J`ai commencé en 1977. J`ai construit la première compagnie maritime de l`Afrique de l`ouest, le Nigeria compris. Je desservais tous les ports de la méditerranée et de l`Afrique, de Dakar à Matadi. J`avais une flotte de navires. J`avais un contrat avec l`Etat de Côte d`Ivoire, qui me donnait le droit de trafic que j`assurais pleinement. Je ne sais pas si la vie du Président Houphouët-Boigny était liée à ma survie et à celle de mon entreprise. Je ne comprends pas, comme si c`était le Président Houphouët qui chargeait les conteneurs sur mes bateaux, ou qui allait chercher le fret pour moi. On m`a liquidé. On a rayé d`abord la Sitram. C`était le plus facile, parce que c`était une société d`Etat et après, on s`est occupé de moi en un rien de temps. Voyez la méchanceté des gens. Pourquoi ? Je me pose la question aujourd`hui, encore. Pourquoi le pouvoir de l`époque a agi comme ça ?
J`étais le seul opérateur économique proche du président Houphouët-Boigny, à avoir subi cette méchanceté. J`ai été ``assassiné`` comme ça. Je dirais proprement. Aujourd`hui, où je vous parle, j`ai des milliers de conteneurs perdus dans presque tous les ports d`Afrique et du monde. Voyez- vous, cela a été un moment difficile de ma vie. Pour moi oui, mais surtout pour les 300 à 400 jeunes frères et sœurs qui travaillaient avec moi, qui m`ont accompagné depuis 1977 jusqu`en 1994-1995, dans cette aventure magnifique. Je me suis dis que tout ce que Dieu fait est bon. On dit que la vie est un long fleuve tranquille. C`est faux ! La vie n`est pas un long fleuve tranquille, mais plutôt tumultueux. J`ai pris mon courage à deux mains. Est-ce que vous m`avez entendu me plaindre malgré les problèmes que j`ai eus, alors que j`avais un contrat avec l`Etat de côte d`ivoire de 25 ans qui a été rompu arbitrairement ? Le gouvernement de l`époque a cru régler un problème avec moi. Pour quelle raison? Je me pose encore la question.
Mais m`avez-vous entendu me plaindre moi ? Vous avez vu mes frères qui travaillaient avec moi, descendre dans la rue parce qu`ils n`ont pas été payés? J`ai pris l`engagement sur moi comme je le faisais à l`Africa Sport, de payer mes avocats et de leur demander de payer les droits de tous mes employés. Un agent à qui je devais payer 50Fcfa, je lui donnais 200Fcfa. Parce qu`on avait fait quelque chose de magnifique ensemble. Je me suis saigné pour régler ces problèmes, parce que j`avais mon honneur et ma dignité en jeu. Je ne me voyais pas moi, fils du Président Houphouët-Boigny, un homme épris de paix et d`amour, me faire traîner devant les tribunaux par des petits frères, parce que je n`ai pas respecté leurs droits. J`ai fait tout ça pour respecter ma dignité et remercier du fond du cœur ces frères et sœurs qui m`ont fait confiance et qui m`ont accompagné pendant de longues années dans cette merveilleuse aventure humaine et professionnelle.
Pourquoi n`avez-vous pas réclamé vos droits ?
Vous savez, je vous ai dit que la vie continue. C`est un long fleuve tranquille et mouvementé à la fois. Il faut donner le temps au temps. C`est vous dire, que cela a été difficile pour moi. J`ai vu tout d`un coup s`écrouler tout ce que j`avais construit. J`avais une cinquantaine d`agences en Afrique, en Europe et en Asie. Et tout s`est écroulé comme cela par la méchanceté d`un pouvoir. Sous-prétexte que j`étais le fils d`Houphouët-Boigny. Et aujourd`hui, ces gens-là viennent dire qu`ils sont Houphouétistes, ils aiment Houphouët-Boigny. Voilà ce que j`ai vécu. Mais j`ai supporté cela dans la dignité.
Car, si j`avais pleuré, ils auraient été encore plus heureux. Mais je leur ai prouvé que j`étais un homme, que j`étais debout malgré tout. Je me suis dit : " profite de l`occasion pour te relancer ". C`est comme ça que j`ai participé au projet de l`aéroport Félix Houphouët-Boigny. J`ai dû m`engager dans cette affaire pour leur prouver qu`après la mer, on pouvait être dans les airs. J`ai engagé ce combat pour donner à cet aéroport qui ressemblait à un hangar, un aspect digne de la Côte d`Ivoire et du nom prestigieux qu`il porte. Aujourd`hui, j`ai réussi mon pari.
Quels sont les rapports entre Aeria et l`Etat de Côte d`Ivoire?
La coopération entre Aeria et l`Etat est une coopération exemplaire. Et Aeria peut s`appuyer sur un personnel de première qualité et de très grande compétence qui œuvre chaque jour pour que l`aéroport d`Abidjan réponde aux exigences d`un aéroport international. Aeria est fier d`avoir relevé ces défis. L`Etat de Côte d`Ivoire a une participation de 10% sur un capital de 600 millions, soit 60 millions de fcfa et nous avons réalisé un investissement de 25 milliards, versés à l`Etat plus de 21 milliards de redevance, et plus de 9 milliards d`impôt divers au cours des 10 dernières années. C`est cela le sens de notre engagement vis-à-vis de l`Etat de Côte d`Ivoire.
Nous avons respecté nos engagements car, l`investissement contractuel était de 15 milliards. Mais j`ai rassuré mes partenaires et nous avons renforcé nos investissements. Cela nous a permis d`aller plus loin, de faire confiance à la Côte d`Ivoire afin de prouver notre attachement à ce projet. Alors que les événements douloureux que traversait notre pays avaient entrainé le départ de plusieurs sociétés étrangères. C`est là ma grande fierté car, j`ai dit à mes partenaires qu`ils pouvaient faire confiance à la Côte d`Ivoire. Il faut le noter, malgré tout, la Côte d`Ivoire est un grand pays. Je suis très fier d`avoir réussi à les convaincre et cela constitue pour moi une très grande satisfaction morale. Car dans la vie, où il y a de la volonté, il y a un chemin.
La certification, c`est pour quand?
Les gens font des amalgames à ce niveau. La certification n`est plus au niveau de Aéria. C`est du ressort de la République de Côte d`Ivoire. C`est un devoir régalien. La police, la douane, la gendarmerie, il faut que chacun joue son rôle de sécurisation. Sinon, en ce qui concerne les équipements, à savoir les rayons X, les satellites, nous avons tout et de la dernière technologie. D`ailleurs, très bientôt, le Président de la République viendra inaugurer les nouvelles installations de l`aéroport. Nous sommes en train de terminer le salon ministériel. Nous avons réalisé un investissement de 400 millions, rien que pour la rénovation de ce salon. Ce sont toutes ces installations que le Président de la République viendra inaugurer très prochainement.
Après cela, il va poser la pierre de l`aérogare fret. Parce que la Côte d`Ivoire est un grand pays de fret. Nous allons le refaire totalement. De même que l`aérogare des pèlerins. Parce que nous voulons que nos parents musulmans qui vont en pèlerinage, voyagent dans de très bonnes conditions pour accomplir leur Hadj. Nous allons créer aussi sur le site aéroportuaire, un centre de formation aux métiers de l`aéronautique.
Le Président de la République viendra inaugurer tous ces investissements. C`est pour vous dire que dans la vie, il ne faut pas désespérer. Donc, l`histoire de la Sivomar est une histoire triste. Mais, moi je suis dans une dynamique et je dis toujours qu`il y a pire dans la vie. Il ne faut pas se plaindre. Quand on se plaint trop, ce n`est pas bien. Il faut assumer la souffrance que tu as endurée intérieurement. Et prier pour que Dieu t`éclaire. J`ai été éclairé et la vie continue.
Président, êtes-vous rancunier?
Je pardonne mais je n`oublie pas.
Est-ce que votre structure ne peut pas aider la Côte d`Ivoire à renforcer sa flotte aérienne?
Non, ce n`est pas notre vocation. L`Etat ivoirien a de nouveaux associés avec la Nouvelle Air Ivoire. C`est leur mission. Chacun son métier. Maintenant, si on nous demande demain de participer à ce projet, on peut l`étudier et c`est possible.
Politiquement dans quel parti politique militez-vous?
Le parti de la République de Côte d`Ivoire. Qui est d`ailleurs le plus grand parti (grand rire).
On vous savait très proche du Président Houphouët-Boigny. Alors, pouvez-vous nous dire le lien affectif qui existait entre vous ?
Je suis fier d`avoir été son fils, d`avoir été dans son intimité. D`avoir partagé beaucoup de choses avec lui. Notamment, les derniers instants de sa vie. Ce qui me permet de regarder aujourd`hui avec amusement, tous ceux qui disent : ``le Président Houphouët-Boigny m`a dit ceci, le Président Houphouët-Boigny m`a confié cela…`` Je vais vous dire aujourd`hui qu`ils sont tous des mystificateurs. Le Président Houphouët-Boigny était quelqu`un de très secret, c`est ce qui explique aussi sa longévité politique. Il se confiait très peu. Ce qu`il voulait que vous entendiez, c`est ce qu`il vous disait. C`est vraiment triste d`entendre aujourd`hui, tout le monde dire que : le Président m`a confié ça, etc…`` Je crois qu`il faut arrêter de faire parler des morts. Car, il a beaucoup souffert au cours des deux dernières années de sa vie de la méchanceté et de l`ingratitude humaines. Nous aurons sans doute un jour l`occasion d`en reparler. Aujourd`hui, il a besoin de reposer en paix.
Voulez-vous dire que vous avez été le seul confident du président Houphouët ?
Je n`ai pas dit cela. Mais j`étais l`un des rares, parce que j`ai vécu des moments très forts avec lui. Surtout les deux dernières années de sa vie. Le Président Houphouët-Boigny était un homme d`exception, d`amour et de paix. Et, il m`a dit : " mon fils, quand je ne serai plus là, beaucoup de gens parleront en mon nom. Mais le président Mamadou Koulibaly m`a dit une chose que je veux que tu retiennes. Il m`a dit : ``Félix, les morts n`ont pas droit à la parole``. Ce n`est pas beau ça ?
Aujourd`hui, ceux qui se réclament de lui, ce sont eux qui lui ont fait les pires misères à la fin de sa vie. Ils se disent Houphouétistes aujourd`hui, parce que ça les arrange. Alors qu`ils ambitionnaient d`effacer le nom d`Houphouët-Boigny de la mémoire collective des Ivoiriens, ce qui est impossible. Tout ça fait rire la République. Les vrais enfants d`Houphouët-Boigny, les vrais Houphouétistes se reconnaissent. Moi, je dis toujours que le président Houphouët-Boigny est parti avec son Pdci. Mes rapports avec lui, étaient des rapports de père à fils. Il avait une profonde affection pour moi, mais appréciait ma façon affectueuse mais franche de lui dire les choses et de lui dire la vérité. Parce que je n`avais pas de poste à défendre. J`ai été son fils et il m`a toujours dit que " la vraie affection vis-à-vis d`autrui se nourrit de vérité ". C`est comme cela que j`ai fonctionné pendant plus de trente ans avec lui.
Très modestement à ses côtés, j`ai joué ma partition. Il m`a envoyé plusieurs fois en mission à l`étranger pour porter des messages à ses collègues chefs d`Etat d`Afrique, notamment. J`ai été très modestement auprès de lui, chaque fois que cela était nécessaire. Aujourd`hui, tout le monde parle, parle, parle…, mais personne n`est dépositaire de rien. Houphouët-Boigny appartient à toute la Côte d`Ivoire et personne n`a le monopole de sa pensée. Et c`est comme cela qu`il voulait être perçu. Ce n`était pas l`homme d`un clan. Il vivait pour une Côte d`Ivoire une et indivisible. Au fond, pour cet homme d`exception, sa grande passion, ce n`était pas de la politique politicienne. C`est pourquoi, malgré les avatars de la vie, il restera toujours présent dans les cœurs et immortel pour les Ivoiriens. J`ai deux pères : un père biologique et Houphouët-Boigny qui m`a permis d`être un homme dans la vie. Car les instants passés auprès de lui ont été pour moi, la plus belle école de ma vie. J`ai réglé des problèmes d`Etat que les gens qui parlent aujourd`hui, n`ont jamais réglé en Côte d`Ivoire. Le Président Laurent Gbagbo connaît mes relations avec le président Houphouët-Boigny. Le chef d`Etat actuel et moi, nous avons des relations de frères et d`amis.
Président, après Houphouët-Boigny et avant Gbagbo, il y a eu les présidents Henri Konan Bédié et le Général Robert Guéi. Quels ont été vos rapports avec ces différentes personnalités ?
Vous savez, moi j`ai des rapports cordiaux avec tout le monde, surtout avec les humbles. J`ai toujours des rapports courtois avec le Président Bédié. Quant au Général Guéi, nous avions des rapports de frère, puisqu`il était un des ``petits frères`` de mon aîné le Colonel Roger Zinsou. Donc, j`ai eu des rapports avec lui. Ma culture et mon éducation m`interdissent de développer des relations conflictuelles avec les gens.
Avec le Président Laurent Gbagbo, j`ai des relations différentes. Ce sont des relations d`amitié et de fraternité. Nous avons de très bonnes relations qui dépassent le cadre de la politique. Et j`aime son courage. L`acte fort que je retiens de lui, c`est quand il y a eu les évènements de septembre 2002. Il était à Rome, les français lui ont tendu un piège, en lui demandant de venir s`installer à Paris. Et qu`il rentrerait quand tout serait devenu calme. S`il était parti, il serait encore en exil là-bas en train d`admirer la Seine et les monuments de Paris. Il est rentré à Abidjan. Ça c`est un acte de courage. Le sportif que je suis, a admiré son courage. Le reste, c`est de la politique. Chacun fait sa politique avec ses moyens, sa stratégie.
Vous qui avez été très proche du président Houphouët-Boigny, comment avez-vous vécu le premier coup d`Etat de l`histoire de la Côte d`Ivoire ?
J`ai été surpris. Parce que je ne pensais pas qu`une affaire comme ça pouvait arriver à la Côte d`Ivoire. J`étais à Abidjan. C`était très compliqué. Mais, avec le recul, pour moi, on ne peut même pas parler de coup d`Etat. Parce qu`à la limite, ça n`a rien à voir avec les vrais coups d`Etat. Ce sont " des jeunes gens " qui ont secoué le pouvoir pour le renverser. C`est après que des officiers supérieurs sont intervenus pour profiter de la situation. Après, on a eu la transition militaire qui, heureusement s`est achevée. Et on a maintenant le Président Laurent Gbagbo. Mais, je dis que la Côte d`Ivoire aujourd`hui est debout. Et je suis fier de le dire. Malgré qu`elle soit coupée en deux.
Justement, que pensez-vous de cette rébellion?
Vous savez, ceux qui ont entraîné nos petits frères dans la guerre, assumeront ça un jour devant l`histoire. Parce qu`il y aura l`histoire de ce drame national qui a endeuillé notre pays. On saura un jour, qui a fait quoi dans tout cela. Mais là n`est pas le problème aujourd`hui. Nous avons vécu un drame. Mais si nous avons tenu, c`est grâce à nos acquis. C`est grâce au Président Félix Houphouët-Boigny, qui nous a laissés un pays solide. Je suis très fier que le Président Laurent Gbagbo reconnaisse cela, en s`appuyant sur ces acquis. C`est grâce à cela qu`il a su sauver la République. Parce qu`il faut le dire, le Président Laurent Gbagbo a sauvé la République.
Car, si de Rome il était allé à Paris, je ne sais pas où on en serait aujourd`hui. Mais, je dis que la situation est un peu compliquée. L`administration n`est pas déployée dans tout le pays, le recensement se fait cahin-caha avec une société, dont les dirigeants ne sont pas eux-mêmes des hommes à la hauteur de la situation. L`armée est divisée, nous avons l`armée républicaine et l`armée des forces nouvelles. Je pense qu`il ne faut pas se presser. Les ivoiriens sont d`ailleurs très intelligents, très forts mentalement. Le minimum que nous demandons nous autres, c`est de permettre à notre pays de se réunifier, qu`on désarme tout le monde. Qu`on établisse l`unité de la République. Et, une fois que tout cela sera mis en place, on va contrôler le recensement pour voir s`il a été bien fait. Parce qu`il ne faut pas que la nationalité ivoirienne soit bradée comme quelque chose qu`on va acheter à Sococé ou à Hayat. Donc, il faut faire tout ça dans un climat de paix, de sérénité et de fraternité retrouvée.
Allez plus loin président…
Je suis fier de mon identité. Où est le problème ? Ce n`est pas parce que le Président Houphouët-Boigny a encouragé l`immigration, le brassage, que ça va se retourner demain contre la Côte d`Ivoire. Il faut que les choses soient bien faites. Pour ramener la fraternité, l`amour entre nous. Et une fois qu`on aura fait tout cela, on pourra aller aux élections. On ne peut pas aller aux élections alors que certains ont encore des armes dans certaines régions. Parce qu`une élection dans la précipitation, c`est entraîner la Côte d`Ivoire dans le gouffre, et nous faire retourner dans une situation qui peut être pire que celle que nous avons connue. Il faut que ces politiciens et ces diplomates qui sont ici, comprennent que les problèmes de la Côte d`Ivoire seront réglés par les Ivoiriens eux-mêmes. Laissons les Ivoiriens eux-mêmes assumer leur propre destin.
Ce n`est pas l`extérieur qui nous donnera le mode d`emploi de la République de Côte d`Ivoire. Parce que je trouve triste que des hommes politiques ivoiriens, attaquent leur pays quand ils se trouvent à l`extérieur. Moi, jamais me trouvant à l`extérieur, j`ai porté un jugement sur mon pays. Parce que j`ai le temps en Côte d`Ivoire de dire ce que je veux. Je suis un homme libre. Je trouve déplorable aussi que les ministres qui sont dans le gouvernement, sont en campagne et attaquent le gouvernement dont ils sont membres. Mais, quand c`est comme ça, qu`ils démissionnent. Parce qu`un ministre, ``ça ferme sa gueule ou ça démissionne`` comme l`a dit le ministre français Jean-Pierre Chevènement. Ces ministres-là ne sont pas au service de la République. Heureusement qu`il en a quelques uns parmi eux qui ont encore le sens du devoir, qui se battent tous les jours pour maintenir le pays debout et lui permettre de respecter ses engagements sur le plan international. Il faut régler tous ces problèmes avant d`aller aux élections. La Côte d`Ivoire est un pays qui sera toujours debout. Le plus important, c`est qu`on retrouve notre unité. Qu`on mette de l`ordre dans notre maison. Que les Ivoiriens eux-mêmes se prennent en charge et qu`ils n`attendent rien de l`extérieur.
Aujourd`hui, on voit des chefs d`Etat, des diplomates qui s`érigent en censeurs et en donneurs de leçon et qui veulent donner l`impression de connaître notre pays plus que les Ivoiriens eux-mêmes. Je vois des hommes politiques, des Ong qui s`accrochent à leurs démonstrations pensant que leurs recettes peuvent sauver notre pays. C`est une grave erreur. Parce qu`il ne faut pas sous- estimer la capacité des Ivoiriens à assumer leur destin. J`ai voyagé à travers presque tout le continent africain et j`ai constaté que les Ivoiriens aiment et sont profondément attachés et fiers de leur pays.
Président, si on vous demandait qui est l`homme de l`année. Que répondriez-vous ?
Je répondrai le Président Laurent Gbagbo. C`est lui qui est au pouvoir. C`est lui qui nous a sauvés. Vous voulez que je dise qui ? Vous ? Moi ? C`est lui qui a empêché que la guerre se généralise partout dans le pays. Vous voulez que je désigne qui? Moi, je suis un sportif. Je n`ai pas d`état d`âme puisque je ne pratique pas la politique de la gamelle. Alors, je dis ce que je pense. Ça été comme ça avec le Président Houphouët pendant 30 ans.
Quel regard portez-vous sur l`opposition ivoirienne ?
Une opposition doit monter au créneau. Le président Gbagbo a de la chance.
Et l`avènement de Barack Obama aux Etats-Unis d`Amérique ?
Vous savez, l`histoire d`Obama est une belle histoire, magnifique. Il n`y a qu`aux Etats-Unis d`Amérique qu`on peut créer et vivre ce genre d`histoire. Il est très intelligent, brillant. Il a une femme qui est charmante et de beaux enfants. Il est le Président du plus puissant Etat du monde. Il a tout pour réussir. Mais, comme je le dis toujours : ``les plus grandes déceptions naissent des grands espoirs``. Alors, il ne faut pas qu`il nous déçoive. Et surtout il ne faut pas que les Africains qui vivent l`obamania pensent que Barack Obama va régler tous nos problèmes. Sa priorité, c`est d`abord son pays : les Etats-Unis d`Amérique. Peut-être que plus tard, quand il aura fini de mettre de l`ordre totalement dans la maison US, il s`occupera de nous.
Président, nous sommes à la fin de notre entretien, quels sont vos vœux pour votre pays ?
Je souhaite tout simplement que la Côte d`Ivoire retrouve son unité. Que la Côte d`Ivoire prépare les prochaines échéances électorales dans la paix, la sérénité et dans l`amour. Que la Côte d`Ivoire trouve des solutions à ses problèmes, grâce à ses enfants. C`est nous, les Ivoiriens qui ensemble, devrions trouver les solutions à nos problèmes. Il faut que nous créions nous-mêmes les conditions pour régler nos propres problèmes. Je souhaite qu`il y ait en Côte d`Ivoire un réarmement moral. Il faut que l`Ivoirien s`accapare les problèmes de son pays. Et qu`on se fasse confiance dans l`amour, dans la paix, dans la fraternité, comme nous l`a enseigné le Président feu Félix Houphouët-Boigny, le père fondateur de la Côte d`Ivoire moderne.
La rédaction
Retranscrits par Georges Toutoukpo
Supervision : Simplice Allard