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Société Publié le samedi 28 février 2009 | Nord-Sud

Absentéisme au travail - Ça coûte cher aux usagers et à l’Etat

Les absences de plus en plus remarquées des Ivoiriens à leurs postes de travail affectent la chaine nationale de production.

Il ne se souvient plus du nombre de fois qu’il a arpenté les couloirs du ministère de la Construction et de l’Urbanisme, à la tour D, au Plateau. Pourtant, ce n’est pas encore la délivrance. L’attente continue pour lui dans l’espoir de recevoir son dossier enregistré en décembre 2008 par les services du guichet unique du foncier et de l’habitat. Arrivé ce 23 février aux peu après 7 heures devant le guichet, Sahi Julien ne cache pas son mécontentement après avoir passé une heure dans le long rang d’attente. «Cela fait trois mois que je cours après la signature de mon dossier. On m’a donné plusieurs rendez-vous qui sont tombés à l’eau. Mon papier concernant le titre foncier a été enregistré par une dame. Et je ne fais que courir après le fameux document. Chaque fois que j’arrive on me dit que la dame en charge du dossier est absente. Tout est donc bloqué», grogne-t-il à la sortie de l’imposant immeuble. A côté de lui, Ousmane Traoré. Ce commerçant et propriétaire d’une maison en construction à la Riviéra 2 ne tient plus sur ses pieds. Il quitte le rang pour s’asseoir sur le banc placé derrière la baie vitrée au niveau du rez-de-chaussée.


Des usagers indignés

Il ne cesse de rouspéter : «C’est difficile d’obtenir ses papiers dans un délai raisonnable. On se retrouve seul devant les guichets. Il n’y a personne pour s’occuper de nous. Je ne sais plus à quel niveau se trouve mon dossier. Puisque l’agent qui s’en occupe est introuvable. Il est toujours absent à son bureau. Mes documents ne sont pas encore libérés». Ousmane Traoré explique que son dossier a été introduit en septembre 2008 et depuis lors, les choses ne bougent pas. «On perd suffisamment de temps pour attendre la signature d’un document. Ces désagréments sont liés aux multiples absences des agents à leurs postes. Ils sont préoccupés à faire des courses personnelles. C’est lamentable et frustrant. Tout le monde perd de l’argent. Imaginez-vous, je suis obligé de passer des heures ici sans avoir l’assurance que mon problème sera résolu. Il faudra réviser les demandes de permission», s’indigne-t-il. Ainsi, les absences au niveau de l’administration publique sont devenues monnaie courante. Les fonctionnaires avancent diverses raisons pour justifier leur absence au travail. La dernière permission de Mme Fatou O., secrétaire de direction dans un ministère remonte à septembre 2008. Selon elle, son absence a été motivée par des raisons de maladie. «J’ai piqué une crise de fièvre typhoïde. A la demande de mon médecin traitant, j’ai pris un repos de 15 jours. Toutefois, une prolongation m’a été accordée par mon chef hiérarchique», confie-t-elle. L’usage de permission est devenu une coutume pour Z. P. Il est employé au ministère de la Fonction publique. « Je suis quotidiennement sollicité pour gérer des affaires familiales. Cette occupation me contraint de m’absenter du service chaque vendredi en quinze », rapporte-t-il. Ils sont légion les fonctionnaires qui s’offrent des jours de repos. Les impacts sur la productivité du service public sont considérables. Selon Mme F. M., responsable de ressources humaines dans l’administration, «les absences ont une incidence sur le fonctionnement des prestations publiques». Toutefois, précise-t-elle, la procédure d’obtention d’une permission suit l’ordre hiérarchique.


Des pertes financières énormes!

Sans données statistiques, cette cadre, soutient que les absences sont relativement en baisse malgré leur impact néfaste sur la productivité. «Au niveau des guichets, cette situation entraine l’inefficacité des services. Les choses se sont aggravées à partir de 2006 et les délais de traitement des dossiers ne sont plus respectés. Quand la tête vient au travail à 11 heures pour signer quelques papiers, il est évident qu’à la longue, le personnel emboite le pas. Conséquence, les dossiers sont bloqués faute de signature. Selon la réglementation, le traitement d’un dossier ne peut excéder deux mois. Mais aujourd’hui, ce délai n’est pas tenable. Des chefs ne viennent plus à l’heure au travail pour faire évacuer les dossiers. Sans avancer de chiffres, il est indéniable que la lenteur administrative occasionnée par ces absences prolongées engendrent d’énormes pertes financières», dénonce-t-elle. La situation au niveau du secteur privé n’est pas aussi reluisante. Sylla Amidou n’a pas encore reçu sa commande de chaussures en matière plastique passée depuis deux semaines. Selon lui, son fournisseur, un industriel installé à la zone industrielle de Yopougon ne s’est pas encore exécuté pour des raisons liées au déficit de personnel. Rencontré dans le périmètre de l’entreprise non loin du dépôt de la Sotra, Sylla ne contient pas sa colère. « J’ai réitéré ma demande auprès de mon fournisseur. J’espère que ma livraison se verra d’ici la fin de la semaine (Samedi, ndlr). Cela doit prendre fin parce que je ne peux continuer à perdre assez d’argent. Figurez-vous, nous sommes dans un environnement concurrentiel. Donc, chaque retard de livraison est une catastrophe », lance-t-il. Selon lui, le responsable de la production a été confronté à un déficit de personnel. « Car il y avait deux employés permissionnaires et donc la chaine de production a pris un retard », avance l’opérateur économique. L’absentéisme pose aussi d’énormes difficultés aux acteurs du monde de la finance. Un responsable de la Direction générale d’une banque de la place qui a requis l’anonymat, affirme que l’absentéisme au sein de son entreprise représente un problème financièrement coûteux. Car l’établissement doit faire face à la rémunération des travailleurs intermédiaires, des remplaçants et des travailleurs temporaires ayant un contrat à durée déterminé. «Nous ressentons ce déficit au niveau des caisses. La clientèle est beaucoup impatiente lorsqu’il y a un vide de prestation. Nous sommes dans un environnement très concurrentiel. Donc, la moindre défaillance du système entraine des pertes qui se chiffrent à des dizaines de millions Fcfa. Les clients sont exigeants et ils ne tardent pas à changer de banque en cas d’insatisfaction», soutient-il. « Nous avons entrepris d’engager des étudiants en fin de formation comme des stagiaires pour combler le vide», précise le banquier. Ainsi donc la diminution de la productivité, à la position concurrentielle des différentes entreprises sont autant de facteurs liés à la « désertion » des employés. L’absence au travail, dit-il, provoque forcement des coûts supplémentaires, pour réguler les activités de l’entreprise et les perturbations engendrées. Par ailleurs, les conséquences sociales de l’absentéisme ne sont pas négligeables. Selon un responsable d’entreprise évoluant dans l’agro-industrie, de nombreuses structures sont confrontées à des coûts indirects importants liés aux dysfonctionnements organisationnels provoqués par les absences. «Il s’agit des pertes de qualité ; de retards dans les livraisons ; de pertes de temps... Le caractère imprévisible de ces absences oblige les chefs d’entreprises à des réajustements de planning», précise-t-elle.

OM
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