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Politique Publié le jeudi 5 mars 2009 | Le Nouveau Réveil

Mon carnet de la MACA… Les nouveaux voleurs

Nous sommes au greffe de la Maca, dans le parloir militaire. On nous a demandé de nous déshabiller et de tenir nos vêtements dans nos mains. Au début, j'ai cru qu'il s'agissait d'une plaisanterie de très mauvais goût. Mais l'homme qui nous demandait de nous déshabiller n'avait pas l'air de plaisanter. Il avait la mine de ceux que plus rien n'étonne sur terre et en plus, il tenait un long tuyau orange dans la main droite et une torche bleue dans la main gauche : de très mauvais signes en perspective. "Déshabille-toi vite, enlève tout ce qui est sur toi", me lance mon "protecteur", qui tenait déjà ses vêtements dans ses mains. Je lui réponds que je ne comprends pas pourquoi il faut qu'on se mette nus. "C'est pour nous fouiller qu'on doit se déshabiller", me répond-il.
Mais ils ne peuvent pas nous fouiller pendant qu'on est habillés ? " Non, ils vont fouiller dans les habits et dans nous-mêmes ". -comment ça, fouiller dans nous-mêmes ? " Attends, tu vas voir ". Alors, voyant tout le monde se déshabiller, j'enlève ma chemise, puis mon pantalon. Mais, au moment où, hésitant, je m'apprête à enlever le reste, un homme habillé en tenue militaire arrive et crie : "qui s'appelle Assalé Tiémoko Antoine ?". Pris de peur, j'allais lever la main quand mon protecteur m'interrompt : "ne réponds pas, ils vont t'envoyer au blindé". Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Mon protecteur n'a pas le temps de répondre. "Qui est Assalé Tiémoko Antoine ? Y a pas quelqu'un qui s'appelle Assalé Tiémoko Antoine parmi vous ?". "Mon fils, tu es un garçon, il faut répondre", me dit un vieil homme. Alors, je lève la main. "C'est toi Assalé Tiémoko Antoine?". - oui monsieur, c'est bien moi Assalé Tiémoko Antoine. "C'est toi petit comme ça qui fait trembler toute la République ?". Ne sachant pas si c'était un compliment ou un reproche, je reste silencieux, sous le regard interrogateur de tous les autres détenus. " C'est un grand braqueur ", murmure quelqu'un ". " Non, ce n'est pas un braqueur, c'est un journaliste ", reprend un autre. " Bon, Assalé Tiémoko, sors du rang et va t'asseoir sur la chaise là-bas ", me dit l'homme en ténue militaire. Ce que je fais sans demander mon reste. Et c'est de cette position provisoirement privilégiée que j'assiste à la fouille de ceux qui arrivent pour la première fois à la Maca. Et cette fouille est effectuée par d'autres prisonniers utilisés à cet effet par les responsables de la prison. Pourquoi est-ce ainsi ? Parce que, m'a-t-on appris plus tard, les gardes pénitentiaires sont fatigués de caresser sans gants, les testicules et de mettre leurs doigts dans le derrière des prisonniers. C'est donc en cela que consiste la fouille. Mais comme partout ailleurs, des négociations sont possibles pour éviter cette suprême humiliation.
22 heures 48 minutes. La fouille terminée, on nous demande de nous mettre de nouveau en rang à l'appel de notre nom. Et c'est l'homme au tuyau orange et à la torche bleue qui fait l'appel en précisant le nom du bâtiment d'accueil de chacun. "Assalé Tiémoko Antoine, bâtiment C". Mais l'homme qui m'avait évité l'humiliation de la fouille intervient de nouveau. "Pourquoi vous l'envoyez au bâtiment C. C'est un criminel ?". "On nous a dit de le mettre au bâtiment C. on nous a demandé de le punir un peu", répond l'homme au tuyau. "J'annule ces instructions. Ce n'est pas ici qu'ils vont le tuer. Mettez-le au bâtiment B et on verra son cas demain.". On me met donc dans le groupe du bâtiment B et on nous confie à un prisonnier répondant au surnom évocateur de "Django". "Suivez-moi", dit "Django". "Tu as de la chance dèh", me dit mon "protecteur" au moment où, en rang, nous traversons la cour de la prison, en direction de notre bâtiment d'accueil. Soudain, dans le silence de la nuit, une voix féminine fuse d'un bâtiment situé à notre gauche. "Eh, eh, vous les nouveaux voleurs là, y a plus rien à Abidjan ou quoi ?". "Ancienne voleuse, petite droguée, tu ne dors jamais ?", lui lance mon "protecteur". Mais la voix féminine ne veut pas s'en laisser conter et hurle de nouveau : "eh, toi Mario là, espèce de va et vient. Tu es revenu encore ? C'est ta maman qui est droguée. C'est ton papa qui est drogué. Imbécile.". - donc, on t'appelle Mario ? "Laisse ça, elle est droguée", me répond-il. " Django "et ses amis nous envoient dans une cellule qu'ils appellent "cellule mandat de dépôt". Là, ils nous apprennent que dans leur bâtiment, le slogan est : "ici, souris mange chat", c'est-à-dire, ici c'est le monde à l'envers. Un homme, un prisonnier qu'on nous présente comme le "CB", le chef de bâtiment, nous demande de nous déshabiller de nouveau en précisant que ceux qui ont de l'argent ne sont pas concernés par cette nouvelle fouille. N'ayant pas d'argent sur moi, j'exécute son ordre. Mais "Django" m'interrompt. "Non, toi tu n'es pas dedans, on va s'occuper de toi". Je remets alors ma chemise en remerciant "Django". A côté de nous, dans une cellule voisine, un fou barbu, nu et en pleine érection, poursuit un jeune homme terrorisé qu'il tente de sodomiser. Mais ce dernier refuse et hurle : "il va me tuer…il va me tuer…". "Django" menace le fou avec un bâton et lui demande d'arrêter de poursuivre l'autre. "Mais pourquoi il refuse de me donner son derrière ?", réagit le fou qui ne veut rien entendre. Je demande à mon "protecteur", pourquoi on a mis ce fou à lier avec ce jeune homme. "Les deux sont fous", me répond-il.
A bientôt !


Par Assale Tiémoko (sosjusticeci@live.fr - 02 37 58 98)
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