x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Faits Divers Publié le vendredi 6 mars 2009 | Nord-Sud

Pour avoir défié un sorcier : 2 jeunes se retrouvent au cimetière

Abobo-Biabou, sous quartier de la commune Abobo-Gare. Un soleil de plomb s'abat sur le cimetière municipal, qui s'étend sur une superficie de 56 hectares. Dans le silence de cet immense espace, reposent deux jeunes qui s'en sont allés dans la fleur de l'âge. Ce sont D. Z. Thomas et D. G. Olivier, respectivement âgés de 26 et 30 ans.

Les faits. Le 9 janvier, Olivier et Thomas sortent pour prendre un pot dans le cabaret de dame G. Victorine, à Abobo-Avocatier. Mais, au cours de la soirée, une altercation éclate entre eux et un autre client, Z. Chérif. Les insultes fusent. Chérif intime à Olivier et Thomas l'ordre de sortir du cabaret pour bien leur faire comprendre qu'il est le maître des lieux. Z. Chérif était désagréable ce jour-là. La tenancière tente en vain de ramener le calme. Le vieux client commence à proférer des menaces de mort contre les deux jeunes et jure de les tuer. Il précise de façon mystique.

Il fallait prendre la menace au sérieux. Le 16 janvier, une semaine plus tard survient une tragédie. Thomas passe de vie à trépas. Il est inhumé deux jours après, dans le «carré» chrétien des cinq ans. Sa tombe porte le numéro 22. Une semaine après, c'est-à-dire le 23 janvier, c'est le tour d'Olivier. Il est aussi inhumé au cimetière d'Abobo le 31 janvier. Il occupe le numéro 38 dans le même carré que Thomas. 16 tombes séparent les deux frères.

Cependant, avant sa mort, Olivier a eu le temps d'expliquer leur mésaventure avec le vieux Chérif à son oncle B. S. Rodeo. « Effectivement, les deux jeunes gens sont mes neveux. Ils ont trouvé la mort de façon mystérieuse, l'un après l'autre, à une semaine d'intervalle », témoigne-t-il. « Quelques minutes avant de rendre l'âme, Olivier m'a révélé que Z. Chérif était à la base de sa mort. Après le décès, je suis allé chercher ce dernier à son domicile en lui faisant croire que Olivier était malade et qu'on avait besoin de lui pour le soigner. Sans dire mot, il a pris un petit sac et m'a suivi. Je m'étais déjà rendu dans le cabaret où l'histoire s'était passée. La propriétaire m'a confirmé les propos de mon défunt neveu, en disant que Chérif avait menacé de les tuer en précisant de façon mystique. En plus, tous nos compatriotes qui connaissent bien Z. Chérif m'ont dit qu'il est réputé être un lanceur de mauvais sorts », explique Rodeo à son domicile, à Abobo Avocatier, non loin de la gare Sotra. L'oncle, encore sous le choc de la disparition de ses neveux, nous a conduit dans le cabaret où s'est déroulée la scène.

Après quelques minutes de marche, nous sommes devant une baraque. A l'intérieur, G. Victorine, la tenancière, est assise devant quelques bouteilles d'alcool. Les deux personnes échangent quelques mots dans leur langue maternelle. Victorine accepte de donner sa version des faits. « Tout s'est passé en ma présence. Huit jeunes dont D. Goh Olivier et D. Zame Thomas étaient en train de boire et de s'amuser dans mon « maquis » quand est arrivé Z. Chérif. Ce dernier était ivre et s'est mis à crier sur les jeunes en leur disant de sortir, qu'il doit être seul dans le cabaret. Comme il était désagréable, je lui ai demandé de sortir afin de maintenir ma clientèle. Il a refusé et comme l'ambiance devenait mauvaise, les six autres sont sortis », commence-t-elle. Olivier et Thomas refusent d'obéir aux injonctions du nouvel arrivant. « Le vieux Z. Chérif est allé prendre l'un d'eux au collet et l'autre s'est levé pour s'interposer. Au cours de la bagarre, l'un des eux a enlevé le chapeau qu'avait porté Z. Chérif. A partir de cet instant, il a commencé à proférer des menaces de mort contre les deux jeunes en jurant de les tuer. Comme je continuais à chasser Z. Chérif, il a fini par s'en aller. Aujourd'hui, les deux jeunes sont effectivement morts », raconte-t-elle. Avant de lâcher craintive: « Je crains aussi pour ma vie ».

Le 4 février, Z. Chérif, suite à la plainte, des parents de la victime, a été déféré devant le tribunal de première instance d'Abidjan pour pratique de sorcellerie. Devant le juge, il ne reconnaît pas les faits. « Dans la nuit du 31 décembre 2008, je suis venu rendre visite à mon oncle B. à Abobo-Avocatier. Je ne l'ai pas trouvé en place. Mais, j'ai trouvé sa femme en train de danser avec des jeunes gens dans son maquis, situé à l'entrée de sa cour. Je suis allé acheter de la viande de porc. A mon retour, mon oncle était à la maison. Nous avons tous mangé cette viande, à l'exception de la femme qui a décliné mon invitation », commence-t-il. « Après, on s'est mis à danser et le jeune D. Z. Olivier a dit que je l'ai piétiné, puis a enlevé mon chapeau qu'il a jeté. Quand je l'ai repris, il voulait encore me l'arracher et nous nous sommes mis à lutter. C'est ainsi que la femme de mon oncle m'a poussé et m'a giflé avec une de ses chaussures. Comme mon oncle était saoulé, il était assis. G. Olivier était étonné de la réaction de la femme et s'est interposé entre elle et moi. Ensuite, mon collègue Digbeu a envoyé une bouteille de vin que nous avons tous bue, sauf la femme de mon oncle. Après, je suis ressorti avec mon oncle. Nous sommes allés dans un maquis non loin de là, jusqu'au petit matin. Il n'y a plus eu de bagarre », tente de se disculper le prévenu à la barre.

Après les explications du présumé tueur des deux jeunes, le doute gagne la salle d'audience. Car le droit est censé être fondé sur des faits et des données scientifiques. Que faire en l'absence d'aveux ? Z. Chérif va-t-il s'en tirer ?

Comment établir que le prévenu a effectivement donné la mort aux deux jeunes ? Où est l'arme du crime ? Autant de questions qui situent l'assistance sur l'ampleur de la tâche du juge. Le tribunal a bien conscience de la concordance des faits et de la menace de mort. Dans une société africaine aux nombreux mystères, les circonstances plaident contre Chérif. L'ambiance est lourde.

Mais, le tribunal décide de ne pas lâcher prise et requalifie les faits en violence et voies de fait. Le sorcier est condamné à six mois de prison et 100.000 Fcfa d'amende.

Une enquête de Bahi K.
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Titrologie

Toutes les vidéos Titrologie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ