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Société Publié le jeudi 26 mars 2009 | L’intelligent d’Abidjan

Santé publique : Les laboratoires des CHU et hôpitaux généraux privatisés

Un vent de privatisation souffle sur les établissements privés de la santé. Ce mouvement est perceptible sur les CHU de Yopougon, Treichville et Cocody ainsi que les hôpitaux généraux de Grand- Bassam et Bonoua où les laboratoires sont désormais aux mains de personnes privées. Ce qui n’est pas sans conséquences sur le fonctionnement et l’organisation des établissements publics de santé.

Suggérée par le ministre Allah Kouadio Rémi pour parer au déficit d’équipements des structures sanitaires publiques, la privatisation des établissements de santé est en marche. Cette action qui devait s’expérimenter dans le CHR de San-Pédro et l’hôpital général d’Abobo, est actuellement effective et touche pour l’heure les services de laboratoires de deux hôpitaux généraux (Grand-Bassam et Bonoua). Ainsi que les trois CHU du pays que sont Cocody, Yopougon et Treichville. Et ce, au mépris du décret n° 98-379 du 30 juin 1998 portant organisation et fonctionnement des Etablissements sanitaires publics urbains n’ayant pas le statut d’Etablissement public national. Comment les directeurs de ces centres de santé agissant sous les ordres du ministre Allah Kouadio s’y prennent ?

Une convention de concession sur modèle BOT…

Pour opérer la privatisation des laboratoires qui sont les services des établissements sanitaires publics actuellement concernés par ce système, les responsables des centres de santé du public font appel à un opérateur privé et lui transfèrent la prérogative de la gestion et du fonctionnement du laboratoire sur la base d’une convention. Motif, ravitailler leur établissement de santé en matériel qui lui appartiendrait après des années d’exploitation de la part de l’opérateur privé. L’opérateur retenu sans avoir postulé à aucun ‘’appel d’offres’’ équipe le laboratoire du centre de santé dont il a obtenu le contrat de la privatisation du laboratoire. Et, sur la base de son apport, l’opérateur privé gère et exploite ledit service jusqu’à l’expiration du contrat conclu avec le directeur de l’hôpital. Mais, ce qui intrigue dans l’application du modèle BOT au système sanitaire public, ce sont d’emblée les dysfonctionnements dans la forme.


Des fonctionnaires devenus opérateurs privés…

A ce niveau, l’on note que les laboratoires privatisés ont été concédés, soit à des fonctionnaires de l’Etat, soit à des acteurs publics de la santé. C’est le cas du CHU de Yopougon et l’hôpital général de Grand-Bassam. Sur ce point, le laboratoire de l’hôpital général de Grand-Bassam est actuellement aux mains du Dr Cissé Boni. Celle-ci est assistante à l’université Abobo Adjamé, puis exerce dans ce même CHU précisément au département de Bactériologie. « Elle prétend agir au nom d’une société privée de la place. Il n’en est rien ; la société mentionnée pour enlever le marché n’existe que de nom, ou dans son imagination », note un bio technologiste en poste au CHU de Yopougon, exaspéré par la gestion du service par Dr Cissé, devenue nouveau patron des lieux. S’agissant de l’hôpital général de Grand- Bassam, le laboratoire a été concédé pour exploitation privée à Dr Salia Diaby, médecin régulièrement affecté à l’hôpital général d’Anyama. Par note de service n° 6 MSHP/DRSC/DDS/HGGB en date du 19 janvier 2009, le directeur Yao N’Goran informe l’ensemble des prescripteurs que « le fonctionnement et la gestion du laboratoire sont désormais confiés à la société BBS Distribution, représentée par Dr Salia Diaby, médecin biologiste. L’organisation des prélèvements, la réalisation des examens, la remise des résultats et le recouvrement des coûts des actes sont placés sous la responsabilité exclusive de ladite société », précise la note. Pour faire fonctionner le laboratoire, le nouveau maître des lieux, en lieu et place des agents de l’Etat affectés dans ce service, s’est offert les services des techniciens de l’hôpital général de la Police. Ceux-ci abandonnent leurs postes pour aller travailler pour Dr Diaby à Bassam. Ces policiers qui ont suivi une formation accélérée de bio-technologistes, se relaient dans cet hôpital. Suscitant le courroux du personnel qui a saisi par écrit le préfet de région de Grand-Bassam qui lui-même, a été mis devant le fait accompli. Au nom de leurs camarades, Kouakou Konan Jules et Kouakou Koffié Thomas indiquent avoir été informés par le directeur de l’hôpital qu’il procéderait, dans le cadre de la politique de nouvelle vision de son établissement, à la privatisation du laboratoire. Il ferait donc un privé dans le public et demandait à chaque agent d’y adhérer sans toutefois notifier les avantages pour la structure, pour le personnel et les populations. « Sans explication des éventuels avantages, Dr Diaby Salia, un médecin fonctionnaire exerçant à l’hôpital d’Anyama vint et nous informa qu’il a signé un contrat avec le directeur et qu’il est le nouveau propriétaire du laboratoire. Maintenant que nous, agents de l’Etat, sommes aux mains d’un privé, nous avons demandé à rencontrer notre directeur, qui jusqu’à ce jour, nous ferme son bureau », ont-ils martelé. Puis d’émettre le vœu qu’avant « toute réunion de concertation et de clarification du nouvel environnement de travail dans un contexte de privé », que les activités du privé soient suspendues. Un vœu qui ne sera pas entendu, puisque l’opérateur privé s’est installé et depuis lors, exerce ses activités privées au sein de l’hôpital général de Grand-Bassam, dans l’indifférence totale du ministre Allah Kouadio Rémi, qui n’est point sidéré par la violation flagrante des dispositions prévues en matière de prestations d’activités privées dans le milieu de la santé.


Usagers et Trésor public grugés…

Les activités privées dans les établissements publics de santé sont régies par le décret n° 98-379 du 30 juin 1998, qui a abrogé les dispositions antérieures en la matière. A son titre 6, relatif aux activités privées dans l’établissement sanitaire public, ce décret stipule que « l’établissement, pour satisfaire une clientèle privée, peut organiser des activités cliniques et biologiques dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la Santé Publique. En aucun cas, ces activités privées ne sont rendues obligatoires pour un usager qui doit pouvoir bénéficier du service public en toute occasion ». Or, les privés au contrôle des laboratoires des hôpitaux généraux et des trois CHU s’imposent de fait aux usagers qui, en principe, ont droit aux services publics mais à qui il est appliqué de force et non de gré, le privé. En d’autres termes, les usagers sont contraints de bénéficier des prestations du privé avec le surcoût que cela entraîne. Ainsi, à Bonoua, les coûts des prestations ont augmenté. Le bilan prénatal qui était pratiqué à 15.000 F CFA avant la privatisation du laboratoire de l’hôpital général de la ville est passé à 25.000 F CFA. Seconde entorse, les reçus des prestations délivrées par les opérateurs privés, n’émanent pas du Trésor Public. Ainsi les recettes n’y sont pas déclarées. Une situation qui ne met pas à l’abri d’un détournement des fonds générés par les activités du service de laboratoire. « Ainsi en lieu et place du Trésor Public, ce ne sera qu’un club d’amis qui va se partager les recettes des fonds des différentes prestations réalisées dans les laboratoires, qui constituent un maillon essentiel du dispositif de santé publique », a souligné un leader syndical sous le couvert de l’anonymat.


Les laboratoires publics au bord de la banqueroute…

Outre le surcoût des frais de prise en charge médicale qu’elle génère et la prévarication des recettes des actes pratiqués dans les laboratoires publics, la privatisation enclenchée dans les hôpitaux publics installe une concurrence déloyale qui n’émeut pas le ministre de la Santé Allah Kouadio Rémi. Les cas des CHU de Treichville et Cocody, sont parfaitement éloquents. Dans l’enceinte de ces deux formations sanitaires, les opérateurs privés ont ouvert des laboratoires autonomes. Créant ainsi une situation de concurrence déloyale. Au CHU de Cocody, le laboratoire autonome installé avec la bénédiction du directeur général, en terme de recettes, fait en moyenne par mois depuis son ouverture, 25 millions de francs Cfa. Là où le laboratoire public peine à obtenir comme recette mensuelle, 5 millions. Une raison majeure explique ce dysfonctionnement. Il s’agit de l’orientation des patients vers le laboratoire privé. Les responsables des CHU de Treichville et Cocody créent le déficit au niveau du public au détriment du privé. Pour s’y prendre, tout en se réfugiant derrière l’absence de moyens financiers, ces responsables refusent d’équiper les laboratoires publics. Ainsi, les patients sont dirigés vers le laboratoire privé mieux équipé. A titre illustratif, les laboratoires publics, depuis peu, manquent de réactifs. Les responsables des CHU ne formulent pas de demande d’approvisionnement en réactifs et n’en paient pas. Par manque de réactifs dans les laboratoires publics, à Treichville tout comme à Cocody, les « amis » du ministre Allah Kouadio orientent les patients vers les laboratoires privés où tous les cas d’examen se réalisent. Entraînant ainsi une hausse des prestations et des recettes. Cet appui leur vaut en retour de bénéficier des ristournes. Qui remonteraient également au ministère de la Santé. Ce qui expliquerait le soutien du ministre Allah Kouadio, qui bien qu’informé des dysfonctionnements suscités par la privatisation des hôpitaux publics, feint d’ignorer le fait. Est-il possible de concéder un service public pour exploitation à un fonctionnaire de l’Etat telle que la situation se présente surtout au CHU de Yopougon et à l’hôpital général de Grand-Bassam. Interrogé sur la question, Me Traoré Drissa, président du Mouvement ivoirien de défense des droits humains (MIDH) conseille la prudence. « Cette question a des aspects purement techniques qu’il faut bien maîtriser. Faute de quoi, le risque de donner une appréciation non objective est grand », soutient-il. Affaire donc à suivre.


Allah Kouadio à nouveau accusé

Le ministre de la Santé Dr Allah Kouadio Rémi est de nouveau au centre d’une autre affaire. Il s’agit cette fois de la privatisation des services de laboratoire dans les hôpitaux publics. Il lui est reproché d’avoir autorisé les directeurs des établissements de santé à concéder un service public pour exploitation à des fonctionnaires de l’Etat. Tous les responsables du cabinet que nous avons rencontrés pour en savoir davantage sur cette affaire, sont unanimes sur le fait que le ministre Allah Kouadio veut rendre compétitives les formations sanitaires. « La nouvelle vision du ministère est de doter nos structures de santé, d’infrastructures modernes et de qualité. Nous explorons toutes les pistes à cet effet et la privatisation des laboratoires qui s’inscrit dans le vaste programme de privatisation des centres de santé, participe de cette politique », ont-ils expliqué. Une explication qui cache à mal les desseins inavoués de prévarication des recettes du Trésor Public. En effet, avec les reçus des laboratoires publics qui émanent du Trésor, il est quasi impossible de procéder à des détournements de fonds. Or, avec le système de privatisation des services des hôpitaux, le ministère reçoit « sa part du gâteau », par l’entremise des directeurs co-signataires de contrats avec les opérateurs privés. En autorisant la privatisation des centres de santé, le ministère d’Allah Kouadio qui ne veut pas perdre le contrôle de l’INFS en raison de son énorme budget, comme l’ont signifié récemment les infirmiers, reçoit de ses « lieutenants », des ristournes des prestations des opérateurs privés. Mais, aucun leader syndical n’osera dénoncer cette nouvelle forfaiture. La sanction ayant frappé Daha Didier, leader du syndicat des Préparateurs et Gestionnaires en Pharmacie, est encore là pour rappeler à l’ordre les syndicalistes. Ce dernier, qui avait accusé le ministre Allah Kouadio d’être l’instigateur du détournement des médicaments à Saïoua, en a fait les frais. Il a été mis à la disposition de la Direction des ressources humaines (DRH). On comprend nettement mieux maintenant pourquoi Allah Kouadio affirme à des syndicalistes, qu’ils peuvent faire la grève et que cela ne l’ébranle nullement. La privatisation des centres de santé publics y est certainement pour quelque chose.

M.T.T
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