Le ministre d'Etat Paul Antoine Bohoun Bouabré a été auditionné hier dans l'affaire Kieffer, du nom du journaliste et homme d'affaires franco-canadien porté disparu depuis 2004 en Côte d'Ivoire. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les débats sur l'interrogatoire ont plutôt tourné autour des questions financières.
4 h 30 d'horloge avec le ministre d'Etat Paul Antoine Bohoun Bouabré pour parler de ses relations avec certains de ses collaborateurs et de ses activités en terme de finance sans jamais véritablement évoquer ce pourquoi ils sont censés avoir effectué le déplacement d'Abidjan. C'est la comédie que les juges français ont servie hier à l'ex-titulaire du ministère des Finances de la Côte d'Ivoire, aujourd'hui ministre d'Etat, ministre du Plan et du Développement rural.
Avant le début de l'audition, les juges français ont demandé aux avocats de la défense s'ils avaient une déclaration à faire en ignorant le concerné. C'est alors que le ministre, très décontracté, les a interpellés pour dire que lui avait une déclaration liminaire. Et qu'en tout état de cause, c'est lui le concerné par cette affaire. Par conséquent, c'est à lui que les juges devraient demander s'il avait quelque chose à dire avant le début des hostilités. Les juges français s'empressent aussitôt de lui passer la parole. L'occasion était donc bonne pour le ministre d'Etat de faire remarquer aux juges français que depuis sa naissance, c'est la deuxième fois qu'il comparait devant une juridiction pour audition. La première fois, c'était dans l'affaire de la filière café cacao. Il avait été entendu à titre de témoin en sa qualité d'ex-ministre des Finances. La deuxième fois étant bien entendue dans cette affaire relative à la supposée disparition du sieur Guy-André Kieffer. Cette précision était importante, au dire d'une source proche du dossier, pour faire comprendre à ces juges français qui, par réflexe raciste, ont souvent des préjugés tendancieux à l'endroit des Africains et de leurs dirigeants. Ils devraient donc comprendre qu'ils n'avaient pas affaire à un repris de justice ou à un quelconque habitué aux arcanes de la justice.
D'ailleurs, la suite des débats montrera les intentions réelles des juges français ; à savoir chercher à montrer que l'ex-ministre des Finances de la Côte d'Ivoire a acquis son argent de façon frauduleuse au lieu de chercher à élucider la question de la soi-disant disparition du sieur Kieffer. Les questions le montrent assez bien.
Suivons quelques-uns des échanges :
Juges français : Est-ce que vous connaissez Guédé Pépé dit James Cenach ?
Le ministre Bohoun Bouabré : Oui je connais Guédé Pépé. C'est mon frère. Il s'occupe de ma communication, surtout en Europe.
J.F : Qu'est-ce qu'il fait de l'argent que vous lui payez ?
B.B : Mais posez-lui la question, il est majeur.
J.F : D'où tirez-vous cet argent ?
B.B : Je ne paie pas Guédé Pépé en tant que Bohoun Bouabré. Il a un contrat avec le ministère des Finances qui le paie.
J.F : Vous lui remettez souvent d'importantes sommes d'argent, à quoi sert cet argent ?
B.B : Cet argent sert à corrompre les journalistes surtout les journalistes français. C'est chez vous que j'ai découvert que ce milieu était très corrompu. Je voudrais vous faire remarquer qu'une fois Le Figaro a publié une interview de moi. Pour cette interview, le journaliste français avait demandé 10.000 euros. Mais Guédé Pépé avait négocié et nous avons payé 5000 euros. C'est parce que je refusais de faire cela avec RFI que cette radio, me massacrait. Maintenant j'ai décidé de faire comme les autres. Donc l'argent que je remets à Guédé Pépé sert à corrompre vos journalistes.
J.F : Et Michel Légré, vous lui avez donné une fois un million, c'était pourquoi ?
B.B : Je ne me souviens pas de ce dont vous parlez. Mais Légré est un frère et s'il me demande de l'argent je lui en donne sans demander ce qu'il va en faire. Mais je veux dire qu'il n'est pas seul. En ce moment même, si vous allez chez moi, vous allez y trouver des gens qui attendent que je les aide financièrement. C'est cela la solidarité africaine.
J.F : Nous sommes en train de faire des investigations pour voir si Nambélessini a un compte en Belgique. Qu'est-ce que vous en savez ?
B.B : Je ne suis pas Nambélessini. D'ailleurs qu'est-ce que cela a à avoir avec Kieffer ? Je voudrais par ailleurs vous dire que je n'ai aucun compte à l'extérieur à part un compte que j'ai ouvert au Fonds Monétaire International (FMI) quand j'y travaillais et que je n'ai pas fermé. Vous découvrirez ensuite un compte à Lyon, le compte de ma fille Bohoun Bouabré Marie-Paule.
J.F : Aviez-vous peur des écrits de Kieffer ?
B.B : Moi, Paul Antoine Bohoun Bouabré, je n'ai peur de personne. Je pense plutôt que c'est de moi que l'on doit avoir peur. En tout état de cause, je n'ai pas connu Kieffer en tant que journaliste. Je l'ai connu comme chargé de communication d'une entreprise qui exerçait dans le café-cacao.
J.F : Y a-t-il une prison au sous sol du Palais de la présidence ?
B.B : A ma connaissance non. En tout état de cause, le palais présidentiel a été construit par des architectes français. Vous pouvez donc vous adresser à eux.
Pour tout dire, selon la source, on avait l'impression d'être en face des contrôleurs financiers en lieu et place de juges.
Et comme aucun des juges n'osait aborder la question de la disparition de Kieffer, qui justifiait pourtant leur présence, les avocats ont dû élever la voix pour interpeller les juges français de ce qu'ils s'éloignaient du sujet. Ceci a fait dire aux avocats de la défense que les juges français avaient d'autres préoccupations que la disparition de Guy André Kieffer.
Au total, la soi-disant disparition de Guy André Kieffer qui a entraîné l'audition de la Première Dame Simone Ehivet Gbagbo et du ministre d'Etat Paul Antoine Bohuoun Bouabré qui a fait tant de tapage n'a en réalité accouché que d'une souris. En d'autres termes et comme l'ont dit les avocats, le dossier était dramatiquement vide.
Boga Sivori
bogasivo @ yahoo.fr
In “Notre Voie” du vendredi 24 Avril 2009
4 h 30 d'horloge avec le ministre d'Etat Paul Antoine Bohoun Bouabré pour parler de ses relations avec certains de ses collaborateurs et de ses activités en terme de finance sans jamais véritablement évoquer ce pourquoi ils sont censés avoir effectué le déplacement d'Abidjan. C'est la comédie que les juges français ont servie hier à l'ex-titulaire du ministère des Finances de la Côte d'Ivoire, aujourd'hui ministre d'Etat, ministre du Plan et du Développement rural.
Avant le début de l'audition, les juges français ont demandé aux avocats de la défense s'ils avaient une déclaration à faire en ignorant le concerné. C'est alors que le ministre, très décontracté, les a interpellés pour dire que lui avait une déclaration liminaire. Et qu'en tout état de cause, c'est lui le concerné par cette affaire. Par conséquent, c'est à lui que les juges devraient demander s'il avait quelque chose à dire avant le début des hostilités. Les juges français s'empressent aussitôt de lui passer la parole. L'occasion était donc bonne pour le ministre d'Etat de faire remarquer aux juges français que depuis sa naissance, c'est la deuxième fois qu'il comparait devant une juridiction pour audition. La première fois, c'était dans l'affaire de la filière café cacao. Il avait été entendu à titre de témoin en sa qualité d'ex-ministre des Finances. La deuxième fois étant bien entendue dans cette affaire relative à la supposée disparition du sieur Guy-André Kieffer. Cette précision était importante, au dire d'une source proche du dossier, pour faire comprendre à ces juges français qui, par réflexe raciste, ont souvent des préjugés tendancieux à l'endroit des Africains et de leurs dirigeants. Ils devraient donc comprendre qu'ils n'avaient pas affaire à un repris de justice ou à un quelconque habitué aux arcanes de la justice.
D'ailleurs, la suite des débats montrera les intentions réelles des juges français ; à savoir chercher à montrer que l'ex-ministre des Finances de la Côte d'Ivoire a acquis son argent de façon frauduleuse au lieu de chercher à élucider la question de la soi-disant disparition du sieur Kieffer. Les questions le montrent assez bien.
Suivons quelques-uns des échanges :
Juges français : Est-ce que vous connaissez Guédé Pépé dit James Cenach ?
Le ministre Bohoun Bouabré : Oui je connais Guédé Pépé. C'est mon frère. Il s'occupe de ma communication, surtout en Europe.
J.F : Qu'est-ce qu'il fait de l'argent que vous lui payez ?
B.B : Mais posez-lui la question, il est majeur.
J.F : D'où tirez-vous cet argent ?
B.B : Je ne paie pas Guédé Pépé en tant que Bohoun Bouabré. Il a un contrat avec le ministère des Finances qui le paie.
J.F : Vous lui remettez souvent d'importantes sommes d'argent, à quoi sert cet argent ?
B.B : Cet argent sert à corrompre les journalistes surtout les journalistes français. C'est chez vous que j'ai découvert que ce milieu était très corrompu. Je voudrais vous faire remarquer qu'une fois Le Figaro a publié une interview de moi. Pour cette interview, le journaliste français avait demandé 10.000 euros. Mais Guédé Pépé avait négocié et nous avons payé 5000 euros. C'est parce que je refusais de faire cela avec RFI que cette radio, me massacrait. Maintenant j'ai décidé de faire comme les autres. Donc l'argent que je remets à Guédé Pépé sert à corrompre vos journalistes.
J.F : Et Michel Légré, vous lui avez donné une fois un million, c'était pourquoi ?
B.B : Je ne me souviens pas de ce dont vous parlez. Mais Légré est un frère et s'il me demande de l'argent je lui en donne sans demander ce qu'il va en faire. Mais je veux dire qu'il n'est pas seul. En ce moment même, si vous allez chez moi, vous allez y trouver des gens qui attendent que je les aide financièrement. C'est cela la solidarité africaine.
J.F : Nous sommes en train de faire des investigations pour voir si Nambélessini a un compte en Belgique. Qu'est-ce que vous en savez ?
B.B : Je ne suis pas Nambélessini. D'ailleurs qu'est-ce que cela a à avoir avec Kieffer ? Je voudrais par ailleurs vous dire que je n'ai aucun compte à l'extérieur à part un compte que j'ai ouvert au Fonds Monétaire International (FMI) quand j'y travaillais et que je n'ai pas fermé. Vous découvrirez ensuite un compte à Lyon, le compte de ma fille Bohoun Bouabré Marie-Paule.
J.F : Aviez-vous peur des écrits de Kieffer ?
B.B : Moi, Paul Antoine Bohoun Bouabré, je n'ai peur de personne. Je pense plutôt que c'est de moi que l'on doit avoir peur. En tout état de cause, je n'ai pas connu Kieffer en tant que journaliste. Je l'ai connu comme chargé de communication d'une entreprise qui exerçait dans le café-cacao.
J.F : Y a-t-il une prison au sous sol du Palais de la présidence ?
B.B : A ma connaissance non. En tout état de cause, le palais présidentiel a été construit par des architectes français. Vous pouvez donc vous adresser à eux.
Pour tout dire, selon la source, on avait l'impression d'être en face des contrôleurs financiers en lieu et place de juges.
Et comme aucun des juges n'osait aborder la question de la disparition de Kieffer, qui justifiait pourtant leur présence, les avocats ont dû élever la voix pour interpeller les juges français de ce qu'ils s'éloignaient du sujet. Ceci a fait dire aux avocats de la défense que les juges français avaient d'autres préoccupations que la disparition de Guy André Kieffer.
Au total, la soi-disant disparition de Guy André Kieffer qui a entraîné l'audition de la Première Dame Simone Ehivet Gbagbo et du ministre d'Etat Paul Antoine Bohuoun Bouabré qui a fait tant de tapage n'a en réalité accouché que d'une souris. En d'autres termes et comme l'ont dit les avocats, le dossier était dramatiquement vide.
Boga Sivori
bogasivo @ yahoo.fr
In “Notre Voie” du vendredi 24 Avril 2009