Le président du Rassemblement des Républicains était devant le Forum économique du Rotary le mardi dernier où il intervenait sur le thème « Quelle politique économique et financière post-électorale en Côte d’Ivoire ». Le docteur Alassane Dramane Ouattara après son discours introductif s’est soumis aux questions des invités. Aujourd’hui, nous vous proposons la seconde partie des échanges.
Question: On sait que la crise financière mondiale aura forcément des répercussions sur nos économies africaines. Parmi les remèdes pour la contrer, on nous a parlé de la moralisation de la finance internationale. Comme l’ancien DGA du FMI est devant moi, je voudrais lui demander s’il est possible de moraliser la finance internationale. Je suis très sceptique parce que pour moi, la finance est immorale. Je voudrais demander à l’économiste s’il croit vraiment à cela. Deuxième chose, je voudrais aussi avoir son impression sur la multiplication des banques sur le territoire ivoirien.
Question: J’ai constaté que tous les pays d’Asie que vous avez cités n’ont pas connu la révolution industrielle. J’ai 40 ans aujourd’hui, quand j’étais au primaire, on me parlait du problème récurrent de la transformation de nos produits. Au lycée, c’était la même chose. Aujourd’hui, je considère que depuis près de 15 ans, la tendance est à la délocalisation des facteurs de production, notamment, dans les pays asiatiques, en Corée, en Malaisie, mais pourquoi ça ne se fait pas chez nous en Afrique ? Est-ce que c’est un choix politique opéré ? Si oui, pourquoi, si non pourquoi et qu’est ce que vous envisagez faire pour changer la tendance ?
Question : Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous féliciter pour avoir reconnu que malgré les difficultés, les dirigeants actuels ont pu tenir contre toute attente, c’est pourquoi je voudrais vous en féliciter. Ma préoccupation concerne les entreprises artisanales, c’est-à-dire que l’artisanat est l’un des socles de l’économie ivoirienne, mais pendant le débat, personne n’en parle. Ce qui fait que nous les artisans, nous nous retrouvons des laissés-pour-compte : au niveau bancaire, lorsque vous avez besoin de financement, on vous demande de mettre en dépôt le montant du prêt que vous voulez avoir. Notre préoccupation, c’est que nous sommes éparpillés dans la nature. Est-ce que dans votre vision des choses, vous allez déterminer des zones dans les communes pour nous regrouper, nous organiser pour que nous puissions tirer profit de notre activité ?
Question : Ma préoccupation concerne le programme PPTE, Monsieur le Premier ministre a dit que normalement, ce programme devrait prendre fin dans dix-huit mois, mais déjà, l’apport de 144 milliards de nos francs a été acquis, et cela a été brandi en côte d’Ivoire comme un évènement très heureux. J’aimerais demander si c’est le lieu d’être heureux pour cet appui budgétaire de 114 milliards, j’aimerais aussi savoir si cet appui budgétaire est utilisé à bon escient ? Parce que, cet appui, je crois, était pour le payement de la dette intérieure. Est-ce que le conférencier a une autre voie pour l’utilisation de cet appui budgétaire ?
Question : J’ai juste deux petites questions. La première, c’est de savoir si après les différentes crises que nous avons connues, le corps de métier ivoirien sera toujours l’agriculture ou faudra-t-il en envisager un autre ? La deuxième question concerne le programme PPTE. Je considère ce projet comme celui d’un pays qui a bénéficié d’un abandon de créance et lorsque nous avons bénéficié d’un abandon de créance, je ne suis pas très sûr avec la crise financière et la crise économique actuelle, que d’autres pays aient le courage de nous aider, ou de nous prêter encore des fonds qui seront abandonnés dans 10 ou 15 ans.
Question : Je voudrais savoir ce que la Côte d’Ivoire va gagner au point de décision du PPTE et quelles sont les possibilités du pays?
Question : Le conférencier a parlé de l’importance du secteur privé dans la relance de l’économie. Est-ce que dans la même optique, il ne serait pas bien de penser à un mécanisme qui permette aux clubs services eux aussi de s’inscrire d’avantage dans cet élan-là ?
ADO : Parlons du PPTE, parce que j’ai le sentiment que je n’ai pas été suffisamment explicite. Je parcourais hier matin un journal dans lequel une caricature montrait un enfant qui disait à son père : « papa que veut dire PPTE ? Et le père de répondre : « ça veut dire : papa pauvre très endetté » (rire dans la salle). Je crois que tout le monde suit cette affaire de PPTE de manière assidue. En réalité, c’est un mécanisme. Ce n’est pas un programme annuel qui donne lieu à un certain nombre de ressources fixes, ce que nous avons obtenu, c’est ce qu’on appelle la facilité pour la réduction de la pauvreté et de la croissance. Ça, c’est la première étape dans ce mécanisme du PPTE. Avant cela, il y avait ce qu’ils appellent l’assistance d’urgence pour les pays en crise. Le PPTE, quand nous l’avions fait en 96, nous avions essayé de prendre un certain nombre de critères pour voir les pays qui pouvaient profiter d’un mécanisme d’allégement exceptionnel de la dette. Autrement, quand un pays a obtenu un soutien financier du FMI à l’issue de l’adoption du programme financier du pays cadre du FMI, ça été le cas de la Côte d’Ivoire dans les années antérieures, immédiatement après, il y a le Club de Paris qui allège la dette, mais l’allègement concerne les dettes qui ont été contractées avant une certaine période. Par exemple, en 99 j’étais au FMI quand les pays allaient au club de Paris, et on leur disait l’allégement, c’est toutes les dettes qui ont été contractées avant 1992. C’est cette dette qui est effacée en partie ou en totalité. Avant qu’il y’ait le PPTE, les effacements de dettes ou les remises de dettes allaient au maximum jusque à 50%. Parce que les grands pays disaient : « pourquoi effacer la dette alors qu’en réalité c’est de l’argent qu’on a prêté ? » Et comme le disait un intervenant tout à l’heure : « si on efface chaque fois, pourquoi devons nous faire de nouveaux prêts à ces pays ? » Alors après le Club de Paris en général, il y a le Club de Londres. Le Club de Paris, c’est pour les créanciers officiels, c’est-à-dire les pays. Et ensuite, quand le pays finit avec le Club de Londres, il va au Club de Paris pour les officiels pour négocier la restructuration ou l’effacement. C’était en son temps, la restructuration de la dette sur une longue période qui correspondait pratiquement à une réduction des paiements. En dernier lieu, il y avait les questions des montants dus aux institutions internationales, notamment, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement. Le Fonds avait comme principe que pour donner de l’argent à un pays à l’issue de l’approbation d’un programme, ce pays ne devrait pas avoir d’arriérés de paiement à l’endroit de la Banque africaine de développement pour les pays africains et de la Banque mondiale. Mais, je veux dire que cela a changé avec le PPTE. Avec le PPTE, on a dit, écoutez, si le pays est très pauvre, allégez la dette qui prend en compte le développement de 50%, le reste de la dette ne peut pas être supporté par le pays. C’est ainsi qu’on a commencé à faire avancer la période à prendre en compte. Ce qui veut dire que pour des dettes contractées jusqu’en 92, on a dit, par exemple, que ce sont des dettes contractées jusqu’en 97. Ce qui fait que toutes les nouvelles dettes contractées de 92 à 97 tombaient dans le panier de l’allégement. En deuxième lieu, on leur a dit, écoutez 50%, ce n’est pas assez et pour certains pays, le Rwanda par exemple que j’ai suivi, quand on faisait les calculs, on disait : « on va vous faire un allégement jusque à 80% ». Mais après discussions avec les grands pays, on a dit qu’on pouvait aller jusqu’à 90%. On est allé plus loin pour dire que dans ce cas, pour tous les pays qui sont pauvres et qui ne peuvent pas supporter le paiement de leur dette, le Club de Paris doit développer des mécanismes pour s’aligner sur ce que les officiels ont fait, parce que les grands créanciers ont demandé aux autres banques de changer le mécanisme de la restructuration pour donner des périodes plus longues, de baisser les taux d’intérêt pour que les paiement à faire soient très faibles pour être compatibles avec l’effort qui est fait par les pays en question. Le troisième souci, c’était les institutions multilatérales. Là également, on a eu ces séances interminables pour savoir ce qu’il faut faire avec la dette à l’égard de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. Dans un premier temps, ce que nous faisions, c’est quand un programme devait être approuvé, si c’est un pays de la zone franc, j’appelais le Directeur du trésor français pour lui dire : vous faites un prêt relais par exemple au Cameroun, de 100 milliards, pour payer sa dette à l’endroit de la banque mondiale et dès qu’il y a le décaissement, le Cameroun vous rembourse. Mais après, on a dit que cela ne résout pas le problème, parce que vous prenez l’argent de la poche gauche vous le donnez à la poche droite. On a mis donc en place un mécanisme à partir des bénéfices de la banque mondiale et des montants qui ont été mis à la disposition par exemple du Japon. Un fonds spécial qu’on pouvait donner à ces pays – je prends le cas du Cameroun – un don pour payer ses dettes. Pour que cela ne sorte pas de son budget. Voyez, c’est un mécanisme qui est bien complexe. Alors, vous comprenez bien que pour pouvoir bénéficier de tout cela, il y a des efforts que ces pays font. Ce sont les prélèvements sur les impôts de leurs concitoyens, de leurs entreprises, il faut bien qu’on soit d’accord qu’ils ne vont pas vous donner cela cadeau. Ils vont les effacer mais en vous disant : « vous avez fait des bêtises depuis 20 ans, les mêmes bêtises vous ne pouvez plus les refaire ». Par exemple sur le pétrole on ne sait pas combien la Côte d’Ivoire produit, on ne sait pas où va l’argent. A partir de maintenant, il faut que chaque fois, on sache ce qui se fait. Sur le café cacao, nous avons eu 1 million de tonnes, le kg fait 400 ou 1300 FCFA, maintenant, il faut que toutes les recettes soient connues, il faut savoir ce qu’il y eu pour le budget, pour le secteur privé, ce qui reste et où est parti cet argent. Il y aura donc une surveillance très étroite. Ce qui n’est pas une mauvaise chose. Quand j’allais dans les pays comme le Ghana, il y a 10 15 ans, qui était en effervescence économique, je rencontrais les syndicats et je leur expliquais qu’avec le programme du Fonds, ils allaient surveiller les gouvernements, ils étaient contents. En réalité, il n y a pas que du mauvais dans cette affaire, parce que cela permet d’avoir une meilleur utilisation des ressources pour l’avenir, parce qu’on ne veut pas que les mêmes erreurs qui ont été faites se reproduisent. Alors l’allégement, je l’ai déjà dit, théoriquement, cela peut se passer en un an ou 18 mois, si tout se passe bien. Mais j’ai aussi dit que mon institut est en train de suivre un pays qui a eu le point de décision que nous venons nous aussi d’avoir. Ce pays qui l’a eu en 2005 n’a pas encore eu l’allégement de la dette aujourd’hui, parce que le FMI estime que la gestion économique n’est pas encore suffisamment transparente pour pouvoir bénéficier de cet allégement. L’appui budgétaire, c’est la facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance par lequel le FMI a donné un prêt d’un certain montant dont la première tranche a été décaissée. Là, c’est un don budgétaire de 57 milliards que le trésor ivoirien a reçu pour payer les arriérés, mais en même temps, on vous dit comment vous devez le dépenser. Et la banque mondiale a donné un crédit de 75 milliards. Ça c’est le premier décaissement. Maintenant, pour un deuxième décaissement qui doit se faire en octobre, le FMI a du dire aux autorités : « maintenant, le deuxième décaissement vous ne l’aurez que quand vous aurez des élections ». Ah oui, ça c’est sûr ! Ce n’est pas la peine que des gens se fassent des idées. Tant qu’il n’ y aura pas d’élections, le deuxième décaissement ne viendra pas. C’est certain, parce que c’est l’argent des contribuables des pays qui font les dons. Les gouvernements de ces pays se disent, si les élections n’ont pas lieu on ne décaisse pas. Il ne le diront pas de façon ouverte, mais j’ai été directeur général adjoint du Fonds, quand j’allais en Indonésie, en Philippines et que j’avais des tête-à-tête avec le Président, je disais : « Président, on vous félicite, mais pour la suite voici, nos conditions… » S’agissant des entreprises artisanales. Vous savez la difficulté de répondre à ces conditions. La meilleure façon, c’est de paraître un peu politicien. Il faut que ce soit dan un cadre global et cohérent. Il faut que ce soit organisé par des spécialistes. J’ai parlé des PMI et de PME et c’est vrai, les entreprises artisanales sont des laissé-pour-compte. Ce sont des choses qui doivent être étudiées sérieusement. En général, les ministères ou les structures spéciales sont organisées pour cela. Je vois d’ailleurs que dans d’autres pays, un ministère leur a été dédié. Donc, ce n’est pas seulement de donner de l’argent au PMI et PME, de créer des subventions, de réduire la fiscalité, mais c’est d’encourager des investissements dans telle ou telle région. C’est toute une politique qu’il faut développer en la matière et je crois que c’est une excellence idée. Nous attendons de voir comment cela va marcher et nous en inspirer.
La question de la délocalisation des entreprises revient au cadre général. Ce que nous appelons le cadre macroéconomique. Comment penser qu’une entreprise japonaise ou française viendrait s’installer en Côte d’Ivoire si elle estime que les perspectives ne sont pas bonnes. Parce que par le passé, la Côte d’Ivoire était une destination favorable, la fiscalité sur les entreprises avaient été réduites, la monnaie convertible littéralement, puisque avec le franc CFA, vous pouvez faire des transfert sans difficultés à partir du moment où ce sont des bénéfices. Donc beaucoup d’entreprises venaient ici pour se délocaliser. Mais ces temps-ci, c’est le contraire. Avec la crise, les entreprises sont parties, hélas ! Il faut espérer qu’après les élections ces entreprises reviennent en Côte d’Ivoire pour aider un peu au développement de ces secteurs et du pays. Alors, se posera la première question : la moralisation de la finance internationale. Il ne faut pas penser que c’est une épée dans l’eau. Je crois que ce sont des choses qui bougent. Cela bouge à partir des grands pays. En son temps, nous avions voulu réglementer la finance internationale. A l’époque, certains pays ne voulaient même pas que le Fonds se charge du dossier. Parce que, disait-on, c’était un domaine réservé, de quoi le Fonds se mêle-t-il ? Je me réjouis que le dossier soit confié aujourd’hui au Fonds, avec le temps, les choses ont bougé. C’est un dossier indispensable, d’avoir un cadre réglementaire global, international et qu’un certain nombre de pratiques ne soient pas seulement imposées aux pays pauvres. Il faut que les pays riches qui créent toute sorte de déstabilisation mondiale, acceptent que leurs structures, les banques, leurs institutions financières soient réglementées, parce que nous sommes victimes de leurs bêtises. Excusez moi, mais pourquoi ne pas les contrôler ? La dernière observation que j’ai, concerne la multiplication des banques. Je voudrais dire que moi, je suis un libéral. Plus de banques il y a, mieux c’est. Parce que les mauvaises vont s’éteindre d’elles-mêmes. C’est ce qu’il faut espérer. Je vous remercie et merci de m’avoir donné cette occasion.
Jean Eric Adingra et Jean Claude Coulibaly
Question: On sait que la crise financière mondiale aura forcément des répercussions sur nos économies africaines. Parmi les remèdes pour la contrer, on nous a parlé de la moralisation de la finance internationale. Comme l’ancien DGA du FMI est devant moi, je voudrais lui demander s’il est possible de moraliser la finance internationale. Je suis très sceptique parce que pour moi, la finance est immorale. Je voudrais demander à l’économiste s’il croit vraiment à cela. Deuxième chose, je voudrais aussi avoir son impression sur la multiplication des banques sur le territoire ivoirien.
Question: J’ai constaté que tous les pays d’Asie que vous avez cités n’ont pas connu la révolution industrielle. J’ai 40 ans aujourd’hui, quand j’étais au primaire, on me parlait du problème récurrent de la transformation de nos produits. Au lycée, c’était la même chose. Aujourd’hui, je considère que depuis près de 15 ans, la tendance est à la délocalisation des facteurs de production, notamment, dans les pays asiatiques, en Corée, en Malaisie, mais pourquoi ça ne se fait pas chez nous en Afrique ? Est-ce que c’est un choix politique opéré ? Si oui, pourquoi, si non pourquoi et qu’est ce que vous envisagez faire pour changer la tendance ?
Question : Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous féliciter pour avoir reconnu que malgré les difficultés, les dirigeants actuels ont pu tenir contre toute attente, c’est pourquoi je voudrais vous en féliciter. Ma préoccupation concerne les entreprises artisanales, c’est-à-dire que l’artisanat est l’un des socles de l’économie ivoirienne, mais pendant le débat, personne n’en parle. Ce qui fait que nous les artisans, nous nous retrouvons des laissés-pour-compte : au niveau bancaire, lorsque vous avez besoin de financement, on vous demande de mettre en dépôt le montant du prêt que vous voulez avoir. Notre préoccupation, c’est que nous sommes éparpillés dans la nature. Est-ce que dans votre vision des choses, vous allez déterminer des zones dans les communes pour nous regrouper, nous organiser pour que nous puissions tirer profit de notre activité ?
Question : Ma préoccupation concerne le programme PPTE, Monsieur le Premier ministre a dit que normalement, ce programme devrait prendre fin dans dix-huit mois, mais déjà, l’apport de 144 milliards de nos francs a été acquis, et cela a été brandi en côte d’Ivoire comme un évènement très heureux. J’aimerais demander si c’est le lieu d’être heureux pour cet appui budgétaire de 114 milliards, j’aimerais aussi savoir si cet appui budgétaire est utilisé à bon escient ? Parce que, cet appui, je crois, était pour le payement de la dette intérieure. Est-ce que le conférencier a une autre voie pour l’utilisation de cet appui budgétaire ?
Question : J’ai juste deux petites questions. La première, c’est de savoir si après les différentes crises que nous avons connues, le corps de métier ivoirien sera toujours l’agriculture ou faudra-t-il en envisager un autre ? La deuxième question concerne le programme PPTE. Je considère ce projet comme celui d’un pays qui a bénéficié d’un abandon de créance et lorsque nous avons bénéficié d’un abandon de créance, je ne suis pas très sûr avec la crise financière et la crise économique actuelle, que d’autres pays aient le courage de nous aider, ou de nous prêter encore des fonds qui seront abandonnés dans 10 ou 15 ans.
Question : Je voudrais savoir ce que la Côte d’Ivoire va gagner au point de décision du PPTE et quelles sont les possibilités du pays?
Question : Le conférencier a parlé de l’importance du secteur privé dans la relance de l’économie. Est-ce que dans la même optique, il ne serait pas bien de penser à un mécanisme qui permette aux clubs services eux aussi de s’inscrire d’avantage dans cet élan-là ?
ADO : Parlons du PPTE, parce que j’ai le sentiment que je n’ai pas été suffisamment explicite. Je parcourais hier matin un journal dans lequel une caricature montrait un enfant qui disait à son père : « papa que veut dire PPTE ? Et le père de répondre : « ça veut dire : papa pauvre très endetté » (rire dans la salle). Je crois que tout le monde suit cette affaire de PPTE de manière assidue. En réalité, c’est un mécanisme. Ce n’est pas un programme annuel qui donne lieu à un certain nombre de ressources fixes, ce que nous avons obtenu, c’est ce qu’on appelle la facilité pour la réduction de la pauvreté et de la croissance. Ça, c’est la première étape dans ce mécanisme du PPTE. Avant cela, il y avait ce qu’ils appellent l’assistance d’urgence pour les pays en crise. Le PPTE, quand nous l’avions fait en 96, nous avions essayé de prendre un certain nombre de critères pour voir les pays qui pouvaient profiter d’un mécanisme d’allégement exceptionnel de la dette. Autrement, quand un pays a obtenu un soutien financier du FMI à l’issue de l’adoption du programme financier du pays cadre du FMI, ça été le cas de la Côte d’Ivoire dans les années antérieures, immédiatement après, il y a le Club de Paris qui allège la dette, mais l’allègement concerne les dettes qui ont été contractées avant une certaine période. Par exemple, en 99 j’étais au FMI quand les pays allaient au club de Paris, et on leur disait l’allégement, c’est toutes les dettes qui ont été contractées avant 1992. C’est cette dette qui est effacée en partie ou en totalité. Avant qu’il y’ait le PPTE, les effacements de dettes ou les remises de dettes allaient au maximum jusque à 50%. Parce que les grands pays disaient : « pourquoi effacer la dette alors qu’en réalité c’est de l’argent qu’on a prêté ? » Et comme le disait un intervenant tout à l’heure : « si on efface chaque fois, pourquoi devons nous faire de nouveaux prêts à ces pays ? » Alors après le Club de Paris en général, il y a le Club de Londres. Le Club de Paris, c’est pour les créanciers officiels, c’est-à-dire les pays. Et ensuite, quand le pays finit avec le Club de Londres, il va au Club de Paris pour les officiels pour négocier la restructuration ou l’effacement. C’était en son temps, la restructuration de la dette sur une longue période qui correspondait pratiquement à une réduction des paiements. En dernier lieu, il y avait les questions des montants dus aux institutions internationales, notamment, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement. Le Fonds avait comme principe que pour donner de l’argent à un pays à l’issue de l’approbation d’un programme, ce pays ne devrait pas avoir d’arriérés de paiement à l’endroit de la Banque africaine de développement pour les pays africains et de la Banque mondiale. Mais, je veux dire que cela a changé avec le PPTE. Avec le PPTE, on a dit, écoutez, si le pays est très pauvre, allégez la dette qui prend en compte le développement de 50%, le reste de la dette ne peut pas être supporté par le pays. C’est ainsi qu’on a commencé à faire avancer la période à prendre en compte. Ce qui veut dire que pour des dettes contractées jusqu’en 92, on a dit, par exemple, que ce sont des dettes contractées jusqu’en 97. Ce qui fait que toutes les nouvelles dettes contractées de 92 à 97 tombaient dans le panier de l’allégement. En deuxième lieu, on leur a dit, écoutez 50%, ce n’est pas assez et pour certains pays, le Rwanda par exemple que j’ai suivi, quand on faisait les calculs, on disait : « on va vous faire un allégement jusque à 80% ». Mais après discussions avec les grands pays, on a dit qu’on pouvait aller jusqu’à 90%. On est allé plus loin pour dire que dans ce cas, pour tous les pays qui sont pauvres et qui ne peuvent pas supporter le paiement de leur dette, le Club de Paris doit développer des mécanismes pour s’aligner sur ce que les officiels ont fait, parce que les grands créanciers ont demandé aux autres banques de changer le mécanisme de la restructuration pour donner des périodes plus longues, de baisser les taux d’intérêt pour que les paiement à faire soient très faibles pour être compatibles avec l’effort qui est fait par les pays en question. Le troisième souci, c’était les institutions multilatérales. Là également, on a eu ces séances interminables pour savoir ce qu’il faut faire avec la dette à l’égard de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. Dans un premier temps, ce que nous faisions, c’est quand un programme devait être approuvé, si c’est un pays de la zone franc, j’appelais le Directeur du trésor français pour lui dire : vous faites un prêt relais par exemple au Cameroun, de 100 milliards, pour payer sa dette à l’endroit de la banque mondiale et dès qu’il y a le décaissement, le Cameroun vous rembourse. Mais après, on a dit que cela ne résout pas le problème, parce que vous prenez l’argent de la poche gauche vous le donnez à la poche droite. On a mis donc en place un mécanisme à partir des bénéfices de la banque mondiale et des montants qui ont été mis à la disposition par exemple du Japon. Un fonds spécial qu’on pouvait donner à ces pays – je prends le cas du Cameroun – un don pour payer ses dettes. Pour que cela ne sorte pas de son budget. Voyez, c’est un mécanisme qui est bien complexe. Alors, vous comprenez bien que pour pouvoir bénéficier de tout cela, il y a des efforts que ces pays font. Ce sont les prélèvements sur les impôts de leurs concitoyens, de leurs entreprises, il faut bien qu’on soit d’accord qu’ils ne vont pas vous donner cela cadeau. Ils vont les effacer mais en vous disant : « vous avez fait des bêtises depuis 20 ans, les mêmes bêtises vous ne pouvez plus les refaire ». Par exemple sur le pétrole on ne sait pas combien la Côte d’Ivoire produit, on ne sait pas où va l’argent. A partir de maintenant, il faut que chaque fois, on sache ce qui se fait. Sur le café cacao, nous avons eu 1 million de tonnes, le kg fait 400 ou 1300 FCFA, maintenant, il faut que toutes les recettes soient connues, il faut savoir ce qu’il y eu pour le budget, pour le secteur privé, ce qui reste et où est parti cet argent. Il y aura donc une surveillance très étroite. Ce qui n’est pas une mauvaise chose. Quand j’allais dans les pays comme le Ghana, il y a 10 15 ans, qui était en effervescence économique, je rencontrais les syndicats et je leur expliquais qu’avec le programme du Fonds, ils allaient surveiller les gouvernements, ils étaient contents. En réalité, il n y a pas que du mauvais dans cette affaire, parce que cela permet d’avoir une meilleur utilisation des ressources pour l’avenir, parce qu’on ne veut pas que les mêmes erreurs qui ont été faites se reproduisent. Alors l’allégement, je l’ai déjà dit, théoriquement, cela peut se passer en un an ou 18 mois, si tout se passe bien. Mais j’ai aussi dit que mon institut est en train de suivre un pays qui a eu le point de décision que nous venons nous aussi d’avoir. Ce pays qui l’a eu en 2005 n’a pas encore eu l’allégement de la dette aujourd’hui, parce que le FMI estime que la gestion économique n’est pas encore suffisamment transparente pour pouvoir bénéficier de cet allégement. L’appui budgétaire, c’est la facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance par lequel le FMI a donné un prêt d’un certain montant dont la première tranche a été décaissée. Là, c’est un don budgétaire de 57 milliards que le trésor ivoirien a reçu pour payer les arriérés, mais en même temps, on vous dit comment vous devez le dépenser. Et la banque mondiale a donné un crédit de 75 milliards. Ça c’est le premier décaissement. Maintenant, pour un deuxième décaissement qui doit se faire en octobre, le FMI a du dire aux autorités : « maintenant, le deuxième décaissement vous ne l’aurez que quand vous aurez des élections ». Ah oui, ça c’est sûr ! Ce n’est pas la peine que des gens se fassent des idées. Tant qu’il n’ y aura pas d’élections, le deuxième décaissement ne viendra pas. C’est certain, parce que c’est l’argent des contribuables des pays qui font les dons. Les gouvernements de ces pays se disent, si les élections n’ont pas lieu on ne décaisse pas. Il ne le diront pas de façon ouverte, mais j’ai été directeur général adjoint du Fonds, quand j’allais en Indonésie, en Philippines et que j’avais des tête-à-tête avec le Président, je disais : « Président, on vous félicite, mais pour la suite voici, nos conditions… » S’agissant des entreprises artisanales. Vous savez la difficulté de répondre à ces conditions. La meilleure façon, c’est de paraître un peu politicien. Il faut que ce soit dan un cadre global et cohérent. Il faut que ce soit organisé par des spécialistes. J’ai parlé des PMI et de PME et c’est vrai, les entreprises artisanales sont des laissé-pour-compte. Ce sont des choses qui doivent être étudiées sérieusement. En général, les ministères ou les structures spéciales sont organisées pour cela. Je vois d’ailleurs que dans d’autres pays, un ministère leur a été dédié. Donc, ce n’est pas seulement de donner de l’argent au PMI et PME, de créer des subventions, de réduire la fiscalité, mais c’est d’encourager des investissements dans telle ou telle région. C’est toute une politique qu’il faut développer en la matière et je crois que c’est une excellence idée. Nous attendons de voir comment cela va marcher et nous en inspirer.
La question de la délocalisation des entreprises revient au cadre général. Ce que nous appelons le cadre macroéconomique. Comment penser qu’une entreprise japonaise ou française viendrait s’installer en Côte d’Ivoire si elle estime que les perspectives ne sont pas bonnes. Parce que par le passé, la Côte d’Ivoire était une destination favorable, la fiscalité sur les entreprises avaient été réduites, la monnaie convertible littéralement, puisque avec le franc CFA, vous pouvez faire des transfert sans difficultés à partir du moment où ce sont des bénéfices. Donc beaucoup d’entreprises venaient ici pour se délocaliser. Mais ces temps-ci, c’est le contraire. Avec la crise, les entreprises sont parties, hélas ! Il faut espérer qu’après les élections ces entreprises reviennent en Côte d’Ivoire pour aider un peu au développement de ces secteurs et du pays. Alors, se posera la première question : la moralisation de la finance internationale. Il ne faut pas penser que c’est une épée dans l’eau. Je crois que ce sont des choses qui bougent. Cela bouge à partir des grands pays. En son temps, nous avions voulu réglementer la finance internationale. A l’époque, certains pays ne voulaient même pas que le Fonds se charge du dossier. Parce que, disait-on, c’était un domaine réservé, de quoi le Fonds se mêle-t-il ? Je me réjouis que le dossier soit confié aujourd’hui au Fonds, avec le temps, les choses ont bougé. C’est un dossier indispensable, d’avoir un cadre réglementaire global, international et qu’un certain nombre de pratiques ne soient pas seulement imposées aux pays pauvres. Il faut que les pays riches qui créent toute sorte de déstabilisation mondiale, acceptent que leurs structures, les banques, leurs institutions financières soient réglementées, parce que nous sommes victimes de leurs bêtises. Excusez moi, mais pourquoi ne pas les contrôler ? La dernière observation que j’ai, concerne la multiplication des banques. Je voudrais dire que moi, je suis un libéral. Plus de banques il y a, mieux c’est. Parce que les mauvaises vont s’éteindre d’elles-mêmes. C’est ce qu’il faut espérer. Je vous remercie et merci de m’avoir donné cette occasion.
Jean Eric Adingra et Jean Claude Coulibaly