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Politique Publié le vendredi 19 juin 2009 | Notre Voie

Obsèques de Omar Bongo au Gabon: Les non-dits de l’attaque de Sarkozy contre Gbagbo

Pourquoi Nicolas Sarkozy qui envoie des émissaires auprès de Laurent Gbagbo à Abidjan pour, dit-il, «tourner la page des relations tumultueuses entre la France et la Côte d’Ivoire», peut-il subitement attaquer de façon frontale le président ivoirien ? Pourquoi le chef de l’Etat français peut-il parler de «promesses fallacieuses» et de «processus électoraux défaillants» s’agissant de l’élection présidentielle à venir en Côte d’Ivoire alors que la Commission électorale indépendante a fixé le scrutin au 29 novembre 2009, les différents acteurs ivoiriens ont agréé cette date et que l’Accord de Ouagadougou avance ? Pourquoi l’absence de Laurent Gbagbo au Gabon (il s’est fait représenter par la Première dame, Simone Gbagbo et le Premier ministre Guillaume Soro), peut-elle susciter une telle irrévérence du président français pour son homologue ivoirien ?
Selon le quotidien français «Libération», dans son édition électronique du mercredi 17 juin, Nicolas Sarkozy a évoqué la Côte d’Ivoire comme un «repoussoir» avant d’inviter le Gabon à ne pas glisser sur la même pente. Tout en ne cachant pas son amitié pour Alassane Dramane Ouattara (dont il fut le célébrant du mariage avec Dominique Nouvian à Neuilly-Paris), Sarkozy a soutenu qu’en Côte d’Ivoire, «la crise a commencé par l’ivoirité». Tout en pensant que le président Gbagbo veut se maintenir au pouvoir, le président français a indiqué qu’il ne croit pas au 29 novembre comme date de tenue de l’élection présidentielle. Pour lui, ce sont «des promesses fallacieuses» et l’armée française (9000 hommes), selon lui, n’a pas «vocation» à servir de «substitut à des processus électoraux défaillants».

Sarkozy et la Françafrique

Les trois questions fondamentales sus-indiquées nous plongent de plain-pied dans les non-dits des propos de Nicolas Sarkozy tels que rapportés par le journal français «Libération». Tout le monde en Côte d’Ivoire et assurément le président de la République, Laurent Gbagbo, veulent la tenue le plus rapidement possible, de l’élection présidentielle. le président Gbagbo le veut parce que la «sale» guerre imposée à la Côte d’Ivoire ne lui a pas permis d’appliquer son programme de gouvernement de refondation de la Côte d’Ivoire. Elle lui a plutôt imposé une cohabitation forcée avec les ex-rebelles et une opposition avec laquelle il ne partage visiblement aucune valeur. Le gouvernement n’est plus le sien et la vision de la société ivoirienne non plus. L’élection présidentielle transparente permettra également de savoir qui pèse quoi sur l’échiquier politique ivoirien, qui de Gbagbo, Bédié et Ouattara est majoritaire. Enfin, la Côte d’Ivoire va rompre avec 10 années d’instabilité. Comme le dit Laurent Gbagbo, «C’est pour nous-mêmes Ivoiriens que nous voulons ces élections. Pas pour les autres». Sur ce point, la colère de Sarkozy ne se justifie pas. Car l’on ne peut pas être plus royaliste que le roi. Surtout que le roi (les Ivoiriens) est conscient de sa royauté.
Les raisons de cette sortie de Sarkozy sont ailleurs. Elles sont, à l’analyse, dans la tentative de perpétuation du système opaque et à l’allure mafieuse qu’est la Françafrique. Libreville a accueilli à la faveur des obsèques d’Omar Bongo Ondimba, tout le gotha de la Françafrique. Tout le monde était présent. Des plus anciennes aux nouvelles recrues. N’est-ce pas l’adieu au doyen du système sur le continent ? Jacques Chirac, le dernier «monarque» français du système, a fait le déplacement. Mais tenez-vous bien ! Il est venu bras dessus dessous avec Nicolas Sarkozy, «son poulain». Dont on sait qu’ils n’entretenaient plus la lune de miel. Depuis plusieurs années, entre Sarkozy et Chirac, c’est «la guerre». Mais comme on le dit en Afrique, c’est au cours des funérailles que la famille se retrouve. Que «les frères» se réconcilient. Ce fut le cas à Libreville. Les obsèques de Bongo ont rapproché Sarkozy et son «mentor» Chirac. Devant tous les autres françafricains réunis, ils ont même ensemble déposé une gerbe de fleurs au pied du cercueil de leur «frère» Bongo.
Les funérailles d’Omar Bongo étaient assurément perçues par Sarkozy, Chirac et les autres comme l’occasion de relancer la machine françafricaine, moribonde depuis le départ de Chirac du pouvoir. Des querelles intestines de leadership l’affectent en Afrique de l’Ouest et du Centre. Et elle doit faire face à l’éveil des consciences qui gagne l’Afrique depuis le déclenchement de la crise en Côte d’Ivoire. Au plan des symboles, la complicité subite entre Sarkozy et Chirac au Gabon peut être perçue à juste titre comme une passation de flambeau.
Le «parrain» qui indique aux uns et aux autres que la succession est assurée avec Sarkozy. «L’héritier» semble avoir accepté de poursuivre le système. Des têtes-à-têtes se sont, sans aucun doute, tenus entre Chirac, Sarkozy et les autres membres de la Françafrique, en marge des funérailles de Bongo.
L’absence de Laurent Gbagbo est apparue comme un affront pour Sarkozy, le nouveau «maître» de la Françafrique. D’où sa colère et ses propos désobligeants et anachroniques. Nicolas Sarkozy qui pensait qu’avec le temps Gbagbo finirait par rejoindre la Françafrique se rend compte que le chef de l’Etat ivoirien ne peut changer de position. Le président Gbagbo tient à son indépendance et à l’autodétermination de la Côte d’Ivoire. La colère des Françafricains est d’autant grande que Gbagbo s’est fait représenter par son épouse, Simone Gbagbo et le Premier ministre, Guillaume Soro. Une manière de dire que seules les obsèques de Bongo sont importantes à ses yeux.



Didier Depry: ddepry@hotmail.com
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