Abidjan, rue du gouverneur Abdoulaye Fadiga. Sur cette place bien connue de la capitale économique , en face de la « Pyramide», en plein cœur du Plateau, se trouve un marché de change informel à ciel ouvert.
Au cœur du Plateau, à quelques pas de la Banque centrale des Etats de l`Afrique de l`Ouest (Bceao), se tient un commerce informel de la monnaie. Dans ce grand bazar, les dollars, euros, livre sterling et autres devises fortes y sont « librement convertibles ». Téléphones portables et liasses de billets à la main, de jeunes cambistes clandestins déambulent çà et là, à l`affût d`un moindre regard intéressé. «Change !», proposent-ils aux passants. En cette chaude matinée de juin, le dollar américain, entame sa tendance haussière par rapport au franc cfa. Cent dollars valent 50.000 Fcfa à l`achat et 45.000 Fcfa à la vente. Il y a à peine deux mois, la parité entre les deux monnaies tournait autour de 480 Fcfa pour un dollar. Ce sont les vacances annuelles, de nombreux Ivoiriens de l`étranger retournent au pays. Les flux d`émigrés s`accompagnent toujours de nouveaux flux de devises. Pour éviter probablement les tracasseries dans les banques ou pour minimiser les taux appliqués par les bureaux de change, ils préfèrent s`orienter vers le marché parallèle. Recherche de la plus-value oblige, les détenteurs de monnaies fortes sont attirés par les taux de change alléchants que leur offrent les circuits illégaux. Au taux en vigueur sur le marché officiel, 100 dollars valent quelque 50.000 Fcfa mais c`est lent. Cédé aux cambistes clandestins, le même montant en monnaie américaine rapporte jusqu`à 55.000 Fcfa. De ce simple arbitrage, porteur de gain facile, procède pour ainsi dire l`attractivité du change informel. Du côté de la «Pyramide» comme sur l`ensemble des marchés informels, la parité des cours fluctue au gré de la loi de l`offre et de la demande. S`inclinant pendant l`été en raison d`une offre additionnelle de devises, les monnaies fortes retrouvent en revanche toute leur vigueur avec les traditionnelles poussées de certaines demandes. A l`exemple de la période du pèlerinage à La
Mecque.
Laisser faire, laisser passer
Sensible aux humeurs du marché, la cotation du Fcfa par rapport aux devises fortes s`effectue en continu à l`aéroport de Port-Bouet et dans les supermarchés. Hormis les jours de fêtes et parfois les dimanches, les cambistes clandestins s`adonnent quotidiennement au négoce des devises. Les autorités laissent faire. «Ce n`est pas notre affaire », coupe un des nombreux policiers qui viennent contrôler les chauffeurs de taxis alignés le long de la chaussée. Mais pour se donner bonne conscience, l`agent assermenté indique que « ces vendeurs ont toujours été là» et que son rôle, à lui, se limite à réguler la circulation. Vaquant pleinement à leur commerce, les cambistes ne semblent pas, non plus, faire grand cas de la présence des agents en uniforme. «Ce sont nos gars. Ils sont là pour nous aussi », lâche un cambiste. Selon certains commerçants de la rue des Banques, outre quelques jeunes vendeurs indépendants, une poignée de « gros fournisseurs » ont la main sur le marché parallèle de change. Peut-être « des barons de la devise ». Les cambistes de la Pyramide ne seraient quant à eux que de simples petits vendeurs gagnant des marges de 2 à 5 % sur les montants échangés. L`un d`entre eux affirme que les montants qu`il échange au quotidien dépassent rarement les 500.000 Fcfa. « Les gros montants, explique-t-il, ne s`échangent pas ici... ». Mais, rien n`indique en retour que les préposés à la vente de ces devises soient de « petits porteurs ». La rue des Banques, principalement devant la Sgbci non loin de la Chambre de commerce et d`industrie donne une ambiance digne d`un authentique marché boursier. Un mouvement de va-et-vient accapare le regard. Les cambistes s`agitent et ne tiennent pas en place. L`air averti, un quadragénaire exhibant quelques billets verts, indique qu`en cette période, le cours de la monnaie américaine est intéressant.
Des capitaux colossaux
Tenant un magasin de confection à proximité de là, un commerçant fait part de son désagrément face à l`ampleur que prend le phénomène du change informel en ces lieux de la capitale économique. « Ce marché de la devise existe depuis longtemps et ces jeunes sont une troisième génération de revendeurs », signifie-t-il. « Ils sont plus protégés que vous et moi. Même pendant les évènements douloureux, ils n`ont jamais eu de problème », a-t-il confié. « C`est leur fief », a-t-il martelé. Emigrés et retraités affiliés aux Caisses de retraite françaises alimentent régulièrement le marché. A chaque fin de mois, les pensions payées en devises sont retirées des comptes bancaires pour atterrir aussitôt après chez les cambistes informels. Le marché parallèle brasse ainsi des capitaux colossaux en monnaies fortes. Personne, affirme-t-on, ne peut savoir combien d`argent, en devises comme en Fcfa, circule exactement. « Enormément d`espèces et peut-être même davantage que l`on puisse en trouver dans les agences bancaires avoisinantes », lance un commerçant voisin. Petits et grands affairistes, avance-t-il, « viennent s`alimenter en devises auprès de ces cambistes ». Ceux-ci ne se hâtent jamais de fixer les cours avant de savoir quelles sommes exactement souhaite-t-on échanger. S`il s`agit d`importantes traites, ils préfèrent recourir aux effets de commerce. Les chèques, ordres de virement et autres moyens de paiement scripturaux sont ici monnaie courante, nous confient certains habitués de la place. Et c`est via les banques, nous précise-t-on, que s`effectuent de pareilles transactions. Telle une véritable corporation, les cambistes clandestins sont « très organisés et solidaires ». « Ils se protègent les uns les autres et s`entraident pour pallier d`éventuels manques de liquidités », disent-ils. Même s`ils engrangent de gros bénéfices presqu`à tous les coups, nous explique un de leurs clients, « ils courent toujours le risque de faire de très mauvaises affaires si les taux viennent à baisser soudainement ». C`est là, souligne-t-il, «le principal écueil qu`ils semblent redouter... ».
Lanciné Bakayoko
Au cœur du Plateau, à quelques pas de la Banque centrale des Etats de l`Afrique de l`Ouest (Bceao), se tient un commerce informel de la monnaie. Dans ce grand bazar, les dollars, euros, livre sterling et autres devises fortes y sont « librement convertibles ». Téléphones portables et liasses de billets à la main, de jeunes cambistes clandestins déambulent çà et là, à l`affût d`un moindre regard intéressé. «Change !», proposent-ils aux passants. En cette chaude matinée de juin, le dollar américain, entame sa tendance haussière par rapport au franc cfa. Cent dollars valent 50.000 Fcfa à l`achat et 45.000 Fcfa à la vente. Il y a à peine deux mois, la parité entre les deux monnaies tournait autour de 480 Fcfa pour un dollar. Ce sont les vacances annuelles, de nombreux Ivoiriens de l`étranger retournent au pays. Les flux d`émigrés s`accompagnent toujours de nouveaux flux de devises. Pour éviter probablement les tracasseries dans les banques ou pour minimiser les taux appliqués par les bureaux de change, ils préfèrent s`orienter vers le marché parallèle. Recherche de la plus-value oblige, les détenteurs de monnaies fortes sont attirés par les taux de change alléchants que leur offrent les circuits illégaux. Au taux en vigueur sur le marché officiel, 100 dollars valent quelque 50.000 Fcfa mais c`est lent. Cédé aux cambistes clandestins, le même montant en monnaie américaine rapporte jusqu`à 55.000 Fcfa. De ce simple arbitrage, porteur de gain facile, procède pour ainsi dire l`attractivité du change informel. Du côté de la «Pyramide» comme sur l`ensemble des marchés informels, la parité des cours fluctue au gré de la loi de l`offre et de la demande. S`inclinant pendant l`été en raison d`une offre additionnelle de devises, les monnaies fortes retrouvent en revanche toute leur vigueur avec les traditionnelles poussées de certaines demandes. A l`exemple de la période du pèlerinage à La
Mecque.
Laisser faire, laisser passer
Sensible aux humeurs du marché, la cotation du Fcfa par rapport aux devises fortes s`effectue en continu à l`aéroport de Port-Bouet et dans les supermarchés. Hormis les jours de fêtes et parfois les dimanches, les cambistes clandestins s`adonnent quotidiennement au négoce des devises. Les autorités laissent faire. «Ce n`est pas notre affaire », coupe un des nombreux policiers qui viennent contrôler les chauffeurs de taxis alignés le long de la chaussée. Mais pour se donner bonne conscience, l`agent assermenté indique que « ces vendeurs ont toujours été là» et que son rôle, à lui, se limite à réguler la circulation. Vaquant pleinement à leur commerce, les cambistes ne semblent pas, non plus, faire grand cas de la présence des agents en uniforme. «Ce sont nos gars. Ils sont là pour nous aussi », lâche un cambiste. Selon certains commerçants de la rue des Banques, outre quelques jeunes vendeurs indépendants, une poignée de « gros fournisseurs » ont la main sur le marché parallèle de change. Peut-être « des barons de la devise ». Les cambistes de la Pyramide ne seraient quant à eux que de simples petits vendeurs gagnant des marges de 2 à 5 % sur les montants échangés. L`un d`entre eux affirme que les montants qu`il échange au quotidien dépassent rarement les 500.000 Fcfa. « Les gros montants, explique-t-il, ne s`échangent pas ici... ». Mais, rien n`indique en retour que les préposés à la vente de ces devises soient de « petits porteurs ». La rue des Banques, principalement devant la Sgbci non loin de la Chambre de commerce et d`industrie donne une ambiance digne d`un authentique marché boursier. Un mouvement de va-et-vient accapare le regard. Les cambistes s`agitent et ne tiennent pas en place. L`air averti, un quadragénaire exhibant quelques billets verts, indique qu`en cette période, le cours de la monnaie américaine est intéressant.
Des capitaux colossaux
Tenant un magasin de confection à proximité de là, un commerçant fait part de son désagrément face à l`ampleur que prend le phénomène du change informel en ces lieux de la capitale économique. « Ce marché de la devise existe depuis longtemps et ces jeunes sont une troisième génération de revendeurs », signifie-t-il. « Ils sont plus protégés que vous et moi. Même pendant les évènements douloureux, ils n`ont jamais eu de problème », a-t-il confié. « C`est leur fief », a-t-il martelé. Emigrés et retraités affiliés aux Caisses de retraite françaises alimentent régulièrement le marché. A chaque fin de mois, les pensions payées en devises sont retirées des comptes bancaires pour atterrir aussitôt après chez les cambistes informels. Le marché parallèle brasse ainsi des capitaux colossaux en monnaies fortes. Personne, affirme-t-on, ne peut savoir combien d`argent, en devises comme en Fcfa, circule exactement. « Enormément d`espèces et peut-être même davantage que l`on puisse en trouver dans les agences bancaires avoisinantes », lance un commerçant voisin. Petits et grands affairistes, avance-t-il, « viennent s`alimenter en devises auprès de ces cambistes ». Ceux-ci ne se hâtent jamais de fixer les cours avant de savoir quelles sommes exactement souhaite-t-on échanger. S`il s`agit d`importantes traites, ils préfèrent recourir aux effets de commerce. Les chèques, ordres de virement et autres moyens de paiement scripturaux sont ici monnaie courante, nous confient certains habitués de la place. Et c`est via les banques, nous précise-t-on, que s`effectuent de pareilles transactions. Telle une véritable corporation, les cambistes clandestins sont « très organisés et solidaires ». « Ils se protègent les uns les autres et s`entraident pour pallier d`éventuels manques de liquidités », disent-ils. Même s`ils engrangent de gros bénéfices presqu`à tous les coups, nous explique un de leurs clients, « ils courent toujours le risque de faire de très mauvaises affaires si les taux viennent à baisser soudainement ». C`est là, souligne-t-il, «le principal écueil qu`ils semblent redouter... ».
Lanciné Bakayoko
