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Sport Publié le samedi 27 juin 2009 | Nord-Sud

Football : Exode - Pourquoi le Burkina attire les footballeurs ivoiriens

Le Burkina accueille fréquemment des jeunes footballeurs ivoiriens dont le rêve est de séduire des clubs étrangers. Si certains sont parvenus à se faire une place au soleil, la majorité continue de galérer. Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Que gagnent-ils ? Enquête.



Il se souvient encore de son premier voyage en train vers le Burkina Faso, un mardi du mois d'août 2005. Il a quitté, son quartier non loin du grand marché de Koumassi, sa famille, ses amis et toutes ses petites habitudes pour le grand saut vers Ouagadougou. Animé par la farouche volonté de devenir un footballeur professionnel, il est parti. Lui, c'est Koné Bakary dit «Bako», défenseur international burkinabé d'origine ivoirienne de l'En Avant Guingamp (D2 France). Calé dans un fauteuil de l'airbus A 319-112 de la compagnie «Air Burkina», le ramenant en Côte d'Ivoire, 48h après la rencontre Etalons-Eléphants (3-2) dans le cadre des éliminatoires Can-Mondial 2010, samedi dernier, ce gaillard d'un mètre quatre vingt huit pour quatre vingt kilos, âgé de 21 ans et originaire de la ville de Tengrela, raconte ses débuts en terre burkinabé. Avec le sourire. «Je suis arrivé au Burkina grâce à un monsieur nommé Chabouda qui dirigeait notre centre de formation à l'époque à Koumassi (Abidjan). J'ai passé un test à l'EFO. Ça a marché. Par la suite, j'ai joué la Can Juniors avec les Etalons au Congo. C'est dans la foulée que Guingamp m'a recruté. Depuis 2006-2007 donc, j'évolue à Guingamp (Ligue 2) en France. A présent, c'est chez les seniors que je fais mes preuves», commence-t-il par expliquer.
C’est dur mais ils s’accrochent

Comme lui, ils sont nombreux, les jeunes footballeurs ivoiriens, à écumer le championnat de football du Burkina Faso. «Une trentaine…», croit savoir le secrétaire général du Club de football de Ouagadougou (CFO), Biyam Saïdou. Ce dernier reconnaît aussi que «les footballeurs ivoiriens apportent beaucoup au championnat du Burkina. Je dirai même qu'ils sont meilleurs et plus ambitieux». Kaboré Mohamed, ex-gardien de l'Asec mimosas, désormais à l'EFO, pense autre chose: «La Côte d'Ivoire est une grande nation de football et a de bons joueurs. Mais, ceux qui viennent ici sont généralement «vieux» et s'apparentent à des mercenaires ». Il a raison sur toute la ligne car les footballeurs ivoiriens du Burkina Faso sont, pour la plupart, d’anciens pensionnaires de la Ligue 1. Bien qu'en fin de carrière, ils refusent de raccrocher les crampons sans gloire. Pour le reste, l'âge de ces joueurs oscille entre 17 et 25 ans. Au Club de football de Ouaga (CFO), par exemple, on retrouve exactement huit Ivoiriens. Ils ont pour noms Coulibaly Moussa, Kouamé Valentin, Oulaï Hermann, Koné Lassina, Traoré Moussa, Séka Raymond, Doumbia Adama et Koffi Yeboa. Tous sont logés dans une grande villa du quartier de la Patte d'Oie. Entre séances d'entraînement et matches officiels, ils trouvent le temps de rêver à une carrière pro. Et à l'instar de leurs coéquipiers, ils se restaurent dans un maquis sénégalais. Mieux, ils y sont abonnés. Les primes de match varient entre 15.000 et 30.000 Fcfa dans ce club. Tout ce que leurs dirigeants demandent, en retour, ce sont des résultats positifs. Grâce à leur président, Sirima Lassina, la possibilité de rejoindre des clubs professionnels est aussi réelle. N'est-il pas à la base des transferts de Moumouni Dagano, Mady Panandétiguiri, Ahmed Touré ou encore Aristide Bancé ? A l'EFO, on retrouve deux défenseurs ivoiriens: Digbeu Lago Martial et Bamba Souleymane (ex-Stade d'Abidjan). Logés par leur club, ils perçoivent un salaire de 200.000 Fcfa chacun. Seule l'ASFA Yennenga ne compte pas de joueurs ivoiriens ou originaires de la Côte d'Ivoire. La précision est de taille étant donné que plusieurs joueurs changent de nationalité en cours de route. «La Fédération burkinabé de football n'autorisant que trois joueurs non burkinabè par match, les dirigeants préfèrent naturaliser ceux qui le désirent. Le tour est ainsi joué», explique Berthé Mamadou, président de la section football du CFO.
Au bout de l’effort, le succès

On retrouve aussi trois autres Ivoiriens à l'Union sportive de Ouaga (USO). Il s'agit de Yeboa Franck, de Doumbia Koulangoulou et de l'entraîneur Silué Yelato. Classée dernière équipe de Ouaga, l'USO est malheureusement reléguée en D2. Au Racing club de Bobo, Sylla Mamadou se distingue bien. A ce niveau, «Bako» a séduit Drissa Traoré Saboteur qui l'a attiré en sélection nationale à l'issue d'une rencontre amicale EFO-Etalons. «Je ne regrette pas d'être passé par le Burkina Faso. Ce pays m'a permis d'être aujourd'hui à ce niveau. C'est avec beaucoup de joie que j'en parle car je me morfondais à Abidjan. Lorsque l'occasion de faire le voyage pour jouer au Burkina s'est présentée, je n'ai pas hésité. J'ai tenté le coup et avec la bénédiction de tout le monde, ça a marché», confirme-t-il. Mais les footballeurs ivoiriens ne font pas souvent l'affaire de leurs employeurs comme cela a été le cas à l'AS Fonctionnaires de Bobo-Dioulasso, mal classée en championnat. Ce club se serait séparé de ses trois Ivoiriens en milieu de saison. Le président du Racing club du Kadiogo (RCK), Philippe Kiemtarboum, préfère faire confiance aux jeunes burkinabè. Au Racing club de Bobo-Dioulasso, en revanche, Drissa Traoré dit saboteur, qui est le patron du banc de touche, ne se prive pas de joueurs ivoiriens. Il a même un faible pour eux après s'être fait un nom au Stade d'Abidjan et à l'Asec mimosas. On retrouve encore des jeunes Ivoiriens dans des clubs de l'intérieur du pays comme Koupèla, Banfora ou Ouahigouya. Lago Digbeu Martial de l'EFO confie qu'il monnaie son talent au pays des hommes intègres car la vie y est facile et des opportunités existent pour émigrer en Afrique du Nord et en Europe. En clair, le Burkina Faso constitue un tremplin pour lui et tous les autres. A raison. En jetant un coup d'œil sur la liste des Etalons, on constate que Koulibaly Paul (Libye) est passé par l'EFO. Charles Kaboré s'est distingué à l'AS Sonabel avant de taper dans l'œil de Libourne St Seurin et poursuit sa progression à Marseille depuis l'an dernier. Kéré Mahamadou de Charleroi en Belgique a fait les beaux jours de Santos FC. Pareil pour Tall Mamadou, frère cadet de Tallé Ibrahim, qui a évolué aux Fonctionnaires de Bobo-Dioulasso avant de signer en Algérie, à Brest en France et depuis quelques mois au Portugal. Bref, en passant par le Burkina Faso, certains joueurs trouvent facilement le chemin de l'Europe et gagnent bien leur vie. Koné Bakary dit «Bako» récolte à présent les fruits de son travail. Vivant dans le Nord de la France, il est sur le point de se fiancer avec une ressortissante française avec qui il a déjà une adorable fillette prénommée Yanissa. Son conseil : «N'hésitez pas à tenter votre chance au Burkina. C'est un pays qui offre plein d'opportunités aux jeunes footballeurs. Mon exemple n'en est-il pas la preuve palpable ?»


Guy-Florentin Yaméogo

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