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Économie Publié le jeudi 9 juillet 2009 | Nord-Sud

Pont de Jacqueville : Les usagers vont payer pour passer

Le chef de l’Etat a procédé au lancement des travaux de construction du pont de Jacqueville. Plus d’un demi-siècle d’attente, ça se fête. Et les populations ont rempli la mission.


En ce 8 juillet, jour choisi par le chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, pour le lancement des travaux de construction du pont, il ne fait pas beau sur Jacqueville. Pluie capricieuse et vient de 10 à 15 nœuds. Mais la navette du bac se poursuit. Les vedettes militaires patinent sur les eaux sous le regard amusé des convives et des villageois. Sur les engins sont fixés deux radars de sol capables de détecter des choses pas claires à plusieurs mètres. Ces outils exceptionnels qui n’ont jamais été mis en œuvre à Jacqueville montrent que l’évènement n’est pas ordinaire. De Mme Henriette Diabaté aux parents de Philippe Yacé en passant par le professeur Boni, aucun cadre de la région n’a voulu rater la fête. Les chefs traditionnels, qui se passionnent autant pour le paysage que pour le projet, ont préparé des présents spéciaux pour «le bienfaiteur ». Des pagnes et des objets d’art symbolisant la souffrance et l’humiliation subies. Ils sont allés les remettre en geste d’amitié à Laurent Gbagbo. Il est clair que depuis l’annonce de la construction de l’ouvrage, les populations laissent transparaître quelques signes sinon de prospérité nouvelle, du moins d’un frémissement. L‘idée d’un développement touristique est maintenant un grand espoir à Jacqueville. Modulée par le raisonnable fatalisme d’une population du bout du monde qui n’avait strictement rien depuis toujours et qui n’a pas encore grand-chose, la météo exécrable ne dérange personne, mais la force du vent est un peu préoccupante. «Aujourd’hui, je ne suis pas venu faire un discours. Je ne suis venu vous apporter le pont que je vous ai promis lors de ma visite ici en août 2005 ». Quand le chef de l’Etat lâche soudainement cette phrase, les fem­mes deviennent rieuses et les hommes délaissent leurs arcs de guerre. Jacqueville, cette île à l’écart de la Côte d’Ivoire pendant 60 ans va enfin sortir de l’enclavement. «Je vous envoie l’ouvrage mais il faut que les élus s’apprêtent à gérer le reste. Beaucoup de personnes vont venir chercher des terrains chez vous. Je vous préviens qu’il y aura un déferlement », explique Laurent Gbagbo. Dans la foulée, il ajoute que le pont sera à péage. Toutefois, il s’empresse d’ajouter que les ressources collectées ne serviront pas à amortir l’investissement mais à entretenir l’ouvrage. N’empêche que les populations ne boudent pas leur plaisir en attendant l’effectivité du projet. En ce jour mémorable, en effet, les contours très désordonnés de la lagune se sont précisés lentement sur fond de joli ciel nacré. L‘émotion est forte. Jacqueville va devenir fascinante. Le président du conseil général, Beugré Népri, qui faisait grise mine parce que l’attente aura certainement été trop longue, reprend du poil de la bête. «Un jour nouveau se lève sur Jacqueville», s’écrit-il. Sur le littoral, il y a beaucoup de choses à voir de plaisant, d’utile que des esprits selon la tradition orale ont offert à Jacqueville. La première grande nouvelle de la journée est que les travaux vont démarrer aujourd’hui même. Le déblaiement commencé va pouvoir se poursuivre plus efficacement, jusqu’à ce que la ligne de base réapparaisse, ce qui permettra de recaler le chantier dans le nouveau paysage de la faille. La seconde grande nouvelle de la journée est que l’édifice sera livré exactement dans 24 mois. Le premier engin est en route. Equipé du générateur, de la pompe et des tuyaux de la suceuse, il sera acheminé peut-être demain sur le chantier. Malgré les menaces de tornade, le ciel est resté aimable, couvert mais lumineux. Vers le terme de la fête, l’horizon se charge des somptueux nuages de la zone intertropicale. Les blocs résiduels vont être déplacés à l’aide de parachutes, des grosses outres gonflées à l’air des bouteilles de plongée, qui fonctionnent dans l’eau comme des ballons captifs. Eu égard à la végétation luxuriante de la rive gauche, encombrée de souches et d’arbres abattus, les jeunes chômeurs qui rêvent de travail, jubilent. «Nous allons avoir du travail », se réjouissent-ils. La journée s’est achevée dans la nuit avec des échanges de cadeaux et dégustation collective de poissons et de légumes frits.


Lanciné Bakayoko, envoyé spécial à Jacqueville
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