On en sait davantage sur les conditions dans lesquelles des déchets chimiques à forte odeur ont été déversés lundi au quartier Biafra, dans la commune de Treichville. Nord-Sud Quotidien a enquêté.
Le voile continue de se lever sur l'affaire des déchets chimiques déversés lundi après-midi à Biafra, dans la commune de Treichville. D'autres détails ont été fournis hier par les responsables de la Société tropicale d'engrais et de produits chimiques (Stepc), entreprise d'où est parti le liquide, et ceux de Envipur-Côte d'Ivoire, le sous-traitant chargé de l'évacuation. Les deux sociétés reconnaissent que le fluide n'a pas été traité comme il le fallait avant d'être déversé. D'où l'odeur « nauséabonde» qui a révolté les riverains. Selon elles, ces odeurs sont les seules nuisances imputables aux produits déversés. Le liquide, affirment-elles, n'était pas toxique, encore moins mortel.
L'événement a suscité de nouvelles interrogations sur le décès de Akobé Olivier, employé de la Stepc, mort le 4 mai suite à une fuite de chlore liquide, survenue dans l'atelier où il travaillait. Il a perdu connaissance puis s'est mis à saigner du nez. Evacué dans une clinique à Biétry, il a rendu l'âme au moment où les médecins tentaient de le sauver. A en croire le secrétaire général de la société qui l'employait, ce décès n'a pas été causé par la fuite de chlore. « Il était malade depuis longtemps. Il avait déjà saigné au travail. C'est ainsi qu'il a pris un repos maladie. Il venait de reprendre le service quand l'incident s'est produit », affirme N'Dohi Raymond. Il nous a présenté un dossier médical du défunt selon lequel « Akobé Olivier est mort d'une varice œsophagienne.» Il s'agit d'une infection chronique de l'œsophage due, selon une source médicale, à « une hypertension portale (augmentation de pression dans le système veineux hépatique) après une cirrhose, un cancer du foie ou une thrombose de la veine porte. » Pour donner du poids à la thèse de cette maladie pouvant être provoquée par la consommation abusive d'alcool, le patron révèle que son employé était « alcoolique » et qu'il était régulièrement malade depuis des années. Nous reviendrons au cas Akobé. S'agissant de l'événement de Biafra, les deux interlocuteurs se veulent très rassurants. Ils affirment, que contrairement à ce que nous écrivions mercredi, le liquide amené à Biafra n'était pas une matière première avariée, mais des eaux de nettoyage de l'atelier des phytosanitaires de la Stepc. Dans ce cas précis, les déchets résultaient de l'exploitation de matières actives comme le diazinon et l'éthéphon jugés non toxiques. « Ce sont des insecticides», soutient le directeur de Envipur Côte d'Ivoire, Aka Victorien. « Depuis 1946, nous vendons ces produits aux planteurs. S'ils étaient aussi mortels, beaucoup de planteurs seraient morts », ajoute le SG. Voyons ce qu'en disent les sources scientifiques.
Les effets sur la santé
Selon le ''Dictionnaire environnemental'' en ligne, le diazinon « est un insecticide utilisé pour lutter contre les insectes nuisibles.» L'Institut de la recherche agronomique (Inra) de France indique que « l'insecticide diazinon est 3 700 fois plus toxique pour la larve d'Abeille que pour l'ouvrière.
Il se présente sous la forme d'un liquide brun foncé incolore. Il a été développé en 1952 par Ciba-Geigy, une entreprise de chimie suisse, qui deviendra plus tard, Novartis, puis Syngenta. C'est un insecticide organophosphoré utilisé pour contrôler les blattes, poissons d'argent, fourmis, et les puces en milieu résidentiel, dans les bâtiments. Il est encore utilisé à des fins agricoles.
Le diazinon tue les insectes par l'inhibition de l'acétylcholinestérase, une enzyme nécessaire au fonctionnement du système nerveux. Le diazinon a une faible persistance dans le sol. Les symptômes associés à l'empoisonnement au diazinon sont la faiblesse, des maux de tête, une oppression dans la poitrine, des troubles de la vision, une salivation excessive, une transpiration, des nausées, des vomissements, des diarrhées, des crampes et des troubles de l'élocution. » En 1988, l'Agence de protection de l'environnement américaine a interdit l'utilisation du diazinon sur les terrains de golf et dans les fermes en raison de la décimation de nombreux oiseaux rassemblés sur ces zones. Aux États-Unis, depuis le 31 décembre 2004, il est illégal de vendre du diazinon en libre service.
L'éthéphon est une matière chimique incolore, mais qui donne de la couleur. Une étude du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement ( Cirad), révèle qu'en Côte-d'Ivoire, la coloration de l’ ananas est artificiellement accélérée et homogénéisée par une application d'éthéphon quelques jours avant la récolte. Aux périodes chaudes de l'année, alors que la pulpe est souvent translucide, le traitement est parfois peu efficace ou même sans effet. On a étudié le métabolisme de l'éthéphon dans l'épiderme du fruit en fonction des facteurs température, pH et maturité des fruits. La majorité du produit reste sous forme de résidu sec en surface, particulièrement aux fortes températures. L'éthéphon absorbé (20%) est lentement dégradé en une douzaine de jours. La température du fruit n'influe pas sur l'efficacité du traitement. L'augmentation du pH des solutions la diminue. La vitesse de dégradation de l'éthéphon dans l'épiderme est indépendante de la maturité du fruit.
Pourquoi les déchets n'ont pas été traités
Pourquoi les odeurs fortes des rejets du lundi n'ont-elles pas été neutralisées. Voici la réponse du secrétaire général de la Stepc : «Cela a échappé à ceux qui devaient le faire. Ce sont des choses qui arrivent. Nous travaillons avec cette structure depuis 3 ans. Cela ne s'était jamais produit. Cette fois-ci, peut-être que le camionneur était un peu trop pressé. Il a pris les déchets en début d'après-midi au lieu du matin. Comme ils sont payés au nombre de voyages, il a voulu certainement faire vite. Au lieu d'aller garer pour attendre le traitement, il est allé directement. » Finalement, c'est sur le terrain que la neutralisation a été faite. Le produit a été déversé dans une des bouches du grand réseau de canalisation des eaux usées de la ville d'Abidjan. Un réseau qui part d'Abobo jusqu'au fond marin, à Port-Bouët, avec des ramifications à Cocody, Adjamé, Plateau Marcory… La Stepc détient les agréments pour y déverser ses rejets. Ces documents nous ont été présentés. Après la protestation des riverains de Treichville, le propriétaire des déchets et son partenaire ont dépêché des équipes sur le terrain pour terminer le travail qui devait être fait à l'usine. « Pendant toute la nuit, nous avons injecté des produits dans la canalisation pour tuer l'odeur, et elle a disparu la même nuit. Nous avons fait ce travail avec les services de la Protection civile et le Ciapol (Centre ivoirien antipollution) », poursuit le DG d'Envipur. Des prélèvements ont été faits par le Ciapol pour des analyses plus poussées. Les résultats nous situerons davantage.
Retour au cas Akobé. Malade depuis longtemps, comme le disent ses employeurs, son décès a curieusement coïncidé avec la fuite de chlore dans son atelier. N'Dohi Raymond répond que l'ouvrier a pu mourir parce qu'il était fragilisé par son mal chronique. Il en veut pour preuve le fait que d'autres employés qui étaient sur le lieu de l'accident n'ont pas eu besoin de soin et qu'aucun membre de l'atelier ne souffre de maladie liée aux produits chimiques. Il ajoute qu'aucun travailleur n'a été tué par son activité depuis la création de l'entreprise. Des dispositions ont toujours été prises, (combinaisons, bottes etc.) pour protéger le personnel. « Le seul problème que nous avons, c'est qu'au lieu d'utiliser les bottes, certains employés préfèrent les donner à leurs parents paysans. Nous venons de prendre une mesure qui dit que tout travailleur qui ne porterait pas sa tenue de travail sera remercié », prévient-il. Si tant est qu'Akobé est mort naturellement, pourquoi la Stepc n'a-t-elle pas réagi aussitôt à l'article (Nord-Sud Quotidien n°1190 du 6 mai 2009) que nous publions au lendemain sur le drame auquel il n'a pas survécu. « Votre article aurait mérité un droit de réponse. Mais nous n'avons pas voulu réagir. C'est un choix personnel », explique le secrétaire général.
Cissé Sindou
Le voile continue de se lever sur l'affaire des déchets chimiques déversés lundi après-midi à Biafra, dans la commune de Treichville. D'autres détails ont été fournis hier par les responsables de la Société tropicale d'engrais et de produits chimiques (Stepc), entreprise d'où est parti le liquide, et ceux de Envipur-Côte d'Ivoire, le sous-traitant chargé de l'évacuation. Les deux sociétés reconnaissent que le fluide n'a pas été traité comme il le fallait avant d'être déversé. D'où l'odeur « nauséabonde» qui a révolté les riverains. Selon elles, ces odeurs sont les seules nuisances imputables aux produits déversés. Le liquide, affirment-elles, n'était pas toxique, encore moins mortel.
L'événement a suscité de nouvelles interrogations sur le décès de Akobé Olivier, employé de la Stepc, mort le 4 mai suite à une fuite de chlore liquide, survenue dans l'atelier où il travaillait. Il a perdu connaissance puis s'est mis à saigner du nez. Evacué dans une clinique à Biétry, il a rendu l'âme au moment où les médecins tentaient de le sauver. A en croire le secrétaire général de la société qui l'employait, ce décès n'a pas été causé par la fuite de chlore. « Il était malade depuis longtemps. Il avait déjà saigné au travail. C'est ainsi qu'il a pris un repos maladie. Il venait de reprendre le service quand l'incident s'est produit », affirme N'Dohi Raymond. Il nous a présenté un dossier médical du défunt selon lequel « Akobé Olivier est mort d'une varice œsophagienne.» Il s'agit d'une infection chronique de l'œsophage due, selon une source médicale, à « une hypertension portale (augmentation de pression dans le système veineux hépatique) après une cirrhose, un cancer du foie ou une thrombose de la veine porte. » Pour donner du poids à la thèse de cette maladie pouvant être provoquée par la consommation abusive d'alcool, le patron révèle que son employé était « alcoolique » et qu'il était régulièrement malade depuis des années. Nous reviendrons au cas Akobé. S'agissant de l'événement de Biafra, les deux interlocuteurs se veulent très rassurants. Ils affirment, que contrairement à ce que nous écrivions mercredi, le liquide amené à Biafra n'était pas une matière première avariée, mais des eaux de nettoyage de l'atelier des phytosanitaires de la Stepc. Dans ce cas précis, les déchets résultaient de l'exploitation de matières actives comme le diazinon et l'éthéphon jugés non toxiques. « Ce sont des insecticides», soutient le directeur de Envipur Côte d'Ivoire, Aka Victorien. « Depuis 1946, nous vendons ces produits aux planteurs. S'ils étaient aussi mortels, beaucoup de planteurs seraient morts », ajoute le SG. Voyons ce qu'en disent les sources scientifiques.
Les effets sur la santé
Selon le ''Dictionnaire environnemental'' en ligne, le diazinon « est un insecticide utilisé pour lutter contre les insectes nuisibles.» L'Institut de la recherche agronomique (Inra) de France indique que « l'insecticide diazinon est 3 700 fois plus toxique pour la larve d'Abeille que pour l'ouvrière.
Il se présente sous la forme d'un liquide brun foncé incolore. Il a été développé en 1952 par Ciba-Geigy, une entreprise de chimie suisse, qui deviendra plus tard, Novartis, puis Syngenta. C'est un insecticide organophosphoré utilisé pour contrôler les blattes, poissons d'argent, fourmis, et les puces en milieu résidentiel, dans les bâtiments. Il est encore utilisé à des fins agricoles.
Le diazinon tue les insectes par l'inhibition de l'acétylcholinestérase, une enzyme nécessaire au fonctionnement du système nerveux. Le diazinon a une faible persistance dans le sol. Les symptômes associés à l'empoisonnement au diazinon sont la faiblesse, des maux de tête, une oppression dans la poitrine, des troubles de la vision, une salivation excessive, une transpiration, des nausées, des vomissements, des diarrhées, des crampes et des troubles de l'élocution. » En 1988, l'Agence de protection de l'environnement américaine a interdit l'utilisation du diazinon sur les terrains de golf et dans les fermes en raison de la décimation de nombreux oiseaux rassemblés sur ces zones. Aux États-Unis, depuis le 31 décembre 2004, il est illégal de vendre du diazinon en libre service.
L'éthéphon est une matière chimique incolore, mais qui donne de la couleur. Une étude du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement ( Cirad), révèle qu'en Côte-d'Ivoire, la coloration de l’ ananas est artificiellement accélérée et homogénéisée par une application d'éthéphon quelques jours avant la récolte. Aux périodes chaudes de l'année, alors que la pulpe est souvent translucide, le traitement est parfois peu efficace ou même sans effet. On a étudié le métabolisme de l'éthéphon dans l'épiderme du fruit en fonction des facteurs température, pH et maturité des fruits. La majorité du produit reste sous forme de résidu sec en surface, particulièrement aux fortes températures. L'éthéphon absorbé (20%) est lentement dégradé en une douzaine de jours. La température du fruit n'influe pas sur l'efficacité du traitement. L'augmentation du pH des solutions la diminue. La vitesse de dégradation de l'éthéphon dans l'épiderme est indépendante de la maturité du fruit.
Pourquoi les déchets n'ont pas été traités
Pourquoi les odeurs fortes des rejets du lundi n'ont-elles pas été neutralisées. Voici la réponse du secrétaire général de la Stepc : «Cela a échappé à ceux qui devaient le faire. Ce sont des choses qui arrivent. Nous travaillons avec cette structure depuis 3 ans. Cela ne s'était jamais produit. Cette fois-ci, peut-être que le camionneur était un peu trop pressé. Il a pris les déchets en début d'après-midi au lieu du matin. Comme ils sont payés au nombre de voyages, il a voulu certainement faire vite. Au lieu d'aller garer pour attendre le traitement, il est allé directement. » Finalement, c'est sur le terrain que la neutralisation a été faite. Le produit a été déversé dans une des bouches du grand réseau de canalisation des eaux usées de la ville d'Abidjan. Un réseau qui part d'Abobo jusqu'au fond marin, à Port-Bouët, avec des ramifications à Cocody, Adjamé, Plateau Marcory… La Stepc détient les agréments pour y déverser ses rejets. Ces documents nous ont été présentés. Après la protestation des riverains de Treichville, le propriétaire des déchets et son partenaire ont dépêché des équipes sur le terrain pour terminer le travail qui devait être fait à l'usine. « Pendant toute la nuit, nous avons injecté des produits dans la canalisation pour tuer l'odeur, et elle a disparu la même nuit. Nous avons fait ce travail avec les services de la Protection civile et le Ciapol (Centre ivoirien antipollution) », poursuit le DG d'Envipur. Des prélèvements ont été faits par le Ciapol pour des analyses plus poussées. Les résultats nous situerons davantage.
Retour au cas Akobé. Malade depuis longtemps, comme le disent ses employeurs, son décès a curieusement coïncidé avec la fuite de chlore dans son atelier. N'Dohi Raymond répond que l'ouvrier a pu mourir parce qu'il était fragilisé par son mal chronique. Il en veut pour preuve le fait que d'autres employés qui étaient sur le lieu de l'accident n'ont pas eu besoin de soin et qu'aucun membre de l'atelier ne souffre de maladie liée aux produits chimiques. Il ajoute qu'aucun travailleur n'a été tué par son activité depuis la création de l'entreprise. Des dispositions ont toujours été prises, (combinaisons, bottes etc.) pour protéger le personnel. « Le seul problème que nous avons, c'est qu'au lieu d'utiliser les bottes, certains employés préfèrent les donner à leurs parents paysans. Nous venons de prendre une mesure qui dit que tout travailleur qui ne porterait pas sa tenue de travail sera remercié », prévient-il. Si tant est qu'Akobé est mort naturellement, pourquoi la Stepc n'a-t-elle pas réagi aussitôt à l'article (Nord-Sud Quotidien n°1190 du 6 mai 2009) que nous publions au lendemain sur le drame auquel il n'a pas survécu. « Votre article aurait mérité un droit de réponse. Mais nous n'avons pas voulu réagir. C'est un choix personnel », explique le secrétaire général.
Cissé Sindou