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Économie Publié le mardi 28 juillet 2009 | Le Mandat

Fraude et contrefaçon - Un virus qui tue l`économie ivoirienne

La crise économique que connaît notre pays est l'une des conséquences de la crise militaro-politique déclenchée depuis le 19 septembre 2009. Mais cette situation est attisée par l'industrie de la fraude et de la contrefaçon à laquelle s'adonnent les ennemis de la croissance économique.
En l'espace de quelques années seulement, la contrefaçon qui était jadis une action isolée, pratiquée de façon artisanale, s'est très vite muée en une véritable industrie qui encrasse tous les secteurs d'activités. Et pourtant beaucoup d'efforts ont été consentis, aussi bien au niveau international que national. Ainsi, au niveau international, les conventions de Paris de 1883 et de Benne de 1886 ont instauré respectivement la protection de la propriété intellectuelle et la protection des œuvres littéraires et artistiques. Les accords de Lusaka de 1976 et de Bangui de 1977, administrés par l'OAPI et l'ARIPO, témoignent de la volonté des Etats africains, d'agir en commun pour instaurer des régimes uniformes de protection de la propriété intellectuelle. Au niveau national, le décret N°2005-112 du 24 février 2005 institue l'Office Ivoirien de la Propriété Intellectuelle (OIPI) en Côte d'Ivoire. Dans l'optique d'un renforcement du cadre juridique existant, un projet d'ordonnance portant protection de la propriété intellectuelle aux frontières, a été soumis au gouvernement ivoirien. Ces actions de lutte se traduisent sur le terrain par la mise en place de brigades de lutte contre la fraude et la contrefaçon au niveau de la police économique et des Douanes qui abattent un travail remarquable dans la lutte contre ces deux fléaux. Malgré toutes ces dispositions et actions menées ça et là, on assiste toujours au développement galopant de la fraude et de la contrefaçon.

Les produits les plus contrefaits
Les produits et secteurs les plus touchés par les actes de contrefaçon sont entre autres : Les cigarettes, les vêtements et accessoires, les pagnes, les CD et DVD, les équipements à usage électriques, les médicaments, les pièces automobiles, les jouets, les parfums et produits cosmétiques, les boisons alcoolisées, les montres, les produits alimentaires, les pâtes dentifrices etc.Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le secteur ivoirien de l'industrie de fabrication des médicaments enregistre 10 à 30 % des médicaments venant de l'industrie de la contrefaçon. 50 % des traitements anti paludéens sont des faux, d'où de graves menaces sur la santé des populations. Le textile est aussi fortement touché par le fléau. La société Uniwax a déjà supprimé 8.500 emplois en moins de trois ans et a perdu d'importantes sommes. Les pagnes Wax fabriqués par cette entreprise sont illégalement copiés, introduits frauduleusement et vendus à vil prix en Côte d'Ivoire. Idem pour le pagne " Fanci " de la société Gonfreville à Bouaké. L'écart entre les prix des faux pagnes et ceux d'origine, contribue à faire évoluer le phénomène de la contrefaçon. Le pagne " Wax " qui se négociait à 25 000 FCFA pour les trois pagnes est vendu à 7000 ou 8 000 FCFA pour les faux, tandis que le faux " Fanci " tombe à 500 fcfa contre 2000 fcfa pour l'original. Tout ceci est à la base de la fermeture de plusieurs entreprises du secteur textile.

Les conséquences engendrées
La contrefaçon menace la santé et la sécurité des populations. Les produits contrefaits, notamment les médicaments nuisent à la santé des populations. Les pièces automobiles contrefaites et défectueuses augmentent les risques d'accidents de circulation. Quant aux matériels électriques contrefaits vendus, ils favorisent les court-circuits et sont à la base de nombreux incendies. La contrefaçon a aussi un impact socioéconomique réel. Ce qui se traduit par la fermeture d'entreprises notamment dans le secteur textile, les licenciements massifs, la baisse de l'activité économique et la réticence des investisseurs étrangers. Les effets de ce fléau sont malheureusement amplifiés aujourd'hui par l'Internet à travers le e-commerce ou le commerce en ligne. L'Internet constitue désormais un canal d'écoulement privilégié des produits de contrefaçon vendus bien souvent au prix des originaux. En terme de chiffres, le chiffre d'affaires de la contrefaçon est évalué entre 9 et 10 % du commerce mondial, soit l'équivalent de 500 milliards d'Euros. 83 % des entreprises africaines pointent la contrefaçon comme préoccupation majeure. En Côte d'Ivoire, les opérateurs économiques éprouvent d'énormes difficultés à survivre et donc à préserver l'emploi à cause de la contrefaçon. La contrefaçon fait perdre globalement à l'économie ivoirienne près de 780 milliards de Fcfa par an. En Côte d'Ivoire, selon l'Association Industrielle Africaine (AIA), en 2005, ce sont plus de 50 % du chiffre d'affaires de Uniwax et 20 % pour la Sitab qui partent en fumée. Ces entreprises ont évalué les pertes pour l'Etat à plus de 6 milliards de Fcfa. Pour le secteur de la cartonnerie et des grands moulins, les pertes sont estimées entre 15 % et 20 % du chiffre d'affaires. Filtisac et l'industrie du tabac, ont perdu respectivement 8 milliards et 20 % de leurs chiffres d'affaires. En effet, la contrefaçon telle que pratiquée en Côte d'Ivoire, est essentiellement une contrefaçon d'importation qui met à mal la compétitivité des entreprises et le développement économique.

La provenance des produits contrefaits
Les sources d'approvisionnement des produits contrefaits sont diverses. Il y a des entreprises fictives existantes en Côte d'Ivoire qui copient les produits importés ou fabriqués sur place. Ces entreprises servent aussi de courroie de distribution des produits déjà contrefaits émanant des pays étrangers. Tout le monde admet aujourd'hui que la Chine et Dubaï sont deux grandes sources d'approvisionnement de produits contrefaits dans le monde. Selon les spécialistes dans la lutte contre la contrefaçon, 80 % des produits en provenance de la Chine sont de mauvaise qualité. Tous les acteurs du monde industriel s'accordent à dire que la contrefaçon est une nouvelle forme d'industrie souterraine qui se crée dans les pays asiatiques pour inonder le marché mondial avec des produits contrefaits.

Un fléau invincible
Sans prétendre atteindre le niveau zéro, la contrefaçon ne peut qu'être rendue marginale et digeste pour l'économie ivoirienne. Selon le bureau des douanes chargé des enquêtes financières à la Direction générale des Douanes, la difficulté à éradiquer la contrefaçon, est imputable à la limitation de l'action douanière telle que prévue par les textes en vigueur, mais aussi au manque d'expertise et de formation pour distinguer un produit contrefait du produit authentique. La douane n'est pas toujours outillée pour faire la différenciation entre le plagiat, une imitation, une reproduction illégale, une copie illicite, le faux et le vrai, l'original et l'authentique. Cela ne donne pas raison aux acteurs économiques de croiser les bras pour observer l'évolution galopante du fléau. C'est pourquoi, des actions visant à réduire ce phénomène dans notre pays doivent être menées non seulement par l'Etat, les opérateurs économiques, mais aussi par les distributeurs et les consommateurs. Il s'agit donc d'informer et de former les opérateurs économiques à la gestion dynamique de leur portefeuille de propriété industrielle. Quant aux distributeurs et les consommateurs, ils doivent être sensibilisés sur les méfaits de ce fléau. La lutte contre la contrefaçon doit être celle de chaque ivoirien. Un seul geste pour le faire : exiger toujours le produit original et refuser celui de la contrefaçon qui tue. Il faut faire une pédagogie approfondie autour de ce fléau afin de modifier sensiblement les habitudes et les comportements des populations face aux produits et services offerts sur le marché. Dans cette action, les campagnes médiatiques d'envergure pourraient accompagner des tournées de sensibilisation à l'échelle nationale, sans oublier l'outil précieux que représente l'école dans la formation des habitudes des futurs citoyens. " Tout se copie, protégez vos intérêts ", ce message de l'Office Ivoirien de la Protection Intellectuelle nous interpelle tous.

adaye.kouakou@yahoo.fr
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