Droit au but : Au grand Dadié

Comment ne pas s’extasier devant le chant des mots que le maître de la parole domptée dans la langue des colons fait danser dans cette contribution publiée hier dans le quotidien « Notre voie » ! Bernard Dadié rappelle à tous, dans ce texte où les douleurs infligées aux nègres sous l’occupation coloniale se bousculent dans une succession infernale, que les hommes, tous les hommes, doivent s’unir contre l’oppression et l’injustice. L’auteur du célèbre Climbié fait défiler les massacres des tirailleurs du camp de Thiaroye, les abus du nazisme, les arrogances du colon. Il a la majesté de montrer l’engagement de blancs et de noirs pour les causes justes. Des hommes et des femmes qui se sont rebellés contre les siens, contre la politique du moment. Par devoir envers l’humanité et par solidarité avec ceux qui souffrent. L’injustice n’est pas acceptable. C’est certainement pour cela que le dramaturge pleure la
« destruction de notre flotte au sol ». Accusée, s’offusque-t- il, d’avoir tué des soldats français dans leur cantonnement. Pauvres Sukoï dont la mort attendrit le cœur du vieil homme. Vous êtes dignes d’être pleurés. Les hommes, les femmes et les enfants sur qui vous avez déversé, des jours durant, des tonnes de bombes à Bouaké, Man, Vavoua, Korhogo… un véritable déluge de feu, ne sont pas de l’humanité. Ils ne méritent pas une obole de larme. Il ne s’agit pas, comme le dit le grand Dadié, en rappelant l’histoire, de raviver des souffrances passées mais de nous rendre conscients de nos fautes. Le président en titre du congrès national de la résistance et pour la démocratie, au moins observateur de notre histoire encore fumante, sélectionne les douleurs qui méritent d’être pleurées. Et invite l’humanité à ses côtés. Le politique a vraiment tué l’humaniste.
D. Al Seni