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Afrique Publié le vendredi 4 septembre 2009 | Libération

Gabon : Ali Bongo et les 40 %

LIBREVILLE, correspondance FANNY PIGEAUD et THOMAS HOFNUNG (à Paris)



L’explosion de colère était prévisible, elle a eu lieu avant même la proclamation des résultats de l’élection présidentielle au Gabon, organisée dimanche suite au décès d’Omar Bongo, en juin. Après des heures de vives tensions en son sein, la Commission électorale a rendu son verdict : Ali Ben Bongo, le fils de son père, l’aurait emporté avec 41,73 % des suffrages. Il aurait ainsi devancé ses deux principaux rivaux, l’ex-ministre de l’Intérieur André Mba Obame et l’opposant historique, Pierre Mamboundou, crédités tous deux du quart des suffrages exprimés.

Des habitants de certains quartiers de la capitale ont manifesté leur colère, en brûlant notamment des voitures ou en vandalisant des kiosques. «Les Blancs, on va les tuer !» ont lancé certains d’entre eux à des journalistes étrangers, estimant que c’est la France qui a «imposé» aux Gabonais le fils de l’ex-président alors que la majorité d’entre eux s’avouent lassés du «système Bongo», clientéliste et corrompu. Le véhicule d’une équipe de France 3 a été caillassé par un petit groupe de jeunes.

«Brutalités». Auparavant, les partisans de l’opposition, rassemblés près du siège de la Commission, avaient été dispersés sans ménagement par les forces de l’ordre. L’un des candidats, Pierre Mamboundou, a été, semble-t-il, blessé à la tête (lire page 4). «Il y a eu des arrestations et des enlèvements de personnalités. La manifestation était pacifique, nous sommes étonnés de ces brutalités», a déclaré Herman Ditsoga, son directeur de cabinet, joint par Libération.

Mais les incidents les plus graves ont eu lieu à Port-Gentil. Dans la capitale économique du pays, située à 140 km de Libreville, et fief de la compagnie pétrolière Elf, absorbée depuis par Total, plusieurs centaines de jeunes partisans de l’opposant Pierre Mamboundou, arrivé troisième du scrutin, n’ont pas attendu l’annonce des résultats pour manifester leur mécontentement. Des centaines de personnes ont forcé les portes de la prison de la ville et libéré les détenus. Peu après, ils ont incendié une partie du consulat général de France, pillé des magasins en ville et saccagé des stations essence Total. Une employée de l’entreprise Schlumberger a été blessée. Durant la campagne, certains jeunes avaient prévenu, lors d’un meeting de Mamboundou : «Si Ali gagne, on va gaspiller [casser, ndlr] ! Et vous serez menacés, vous, les Français.» Pour eux, le fils Bongo ne pouvait pas gagner sans tricher.

Comptes à régler. Paris, qui a appelé au calme, considère que ces incidents ont été planifiés pour pousser l’ex-puissance coloniale à la faute. En attaquant des intérêts hexagonaux, les partisans de l’opposition auraient voulu inciter à intervenir le détachement français stationné à Port-Gentil. «L’image aurait alors été claire : la France soutient Ali Bongo», affirme-t-on à Paris, qui s’échine à réfuter, sans convaincre (lire page 3). L’ex-puissance coloniale s’est gardée d’adresser, pour l’heure, le moindre message de félicitations au nouveau président, arguant que la Cour constitutionnelle doit encore valider les résultats.

A Libreville, aucun observateur ne doutait réellement qu’Ali Bongo puisse être défait. «Le nouveau pouvoir aurait pu vouloir régler quelques comptes avec l’ancien régime», note un bon connaisseur du pays. De fait, certaines sources affirment qu’Ali Ben Bongo ne serait arrivé qu’en deuxième, voire en troisième position. «Il a eu soixante-douze heures pour rectifier les résultats des urnes», confie un observateur averti. Mais saura-t-on jamais comment ? Avant la tenue du scrutin, certains s’étonnaient ainsi du fait que 800 000 électeurs figurent sur les listes électorales dans un pays qui compte environ 1,3 million d’habitants.

Expatriés. Hier soir, le calme semblait revenu à Libreville, où d’importantes forces de sécurité quadrillent les rues. En revanche, les pillages se seraient poursuivis à Port-Gentil, où la compagnie Total aurait prévu d’exfiltrer les familles de ses employés expatriés. Un couvre-feu a décrété dans la soirée. A Paris, l’état-major des armées n’envisage pas, pour le moment, d’envoyer des renforts militaires.

Après la proclamation de sa victoire, Ali Bongo a lancé : «Je suis et je serai toujours le président de toutes les Gabonaises et de tous les Gabonais. […] Je suis et je serai toujours au service de tous sans exclusive.» Mais, à Libreville, les observateurs lui prédisent des lendemains difficiles, pointant du doigt la situation sociale explosive.
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