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Société Publié le mercredi 7 octobre 2009 | Islam Info

Lutte contre la dépigmentation - Rev. Doh Marcellin (Président de l`ONG Christ en mouvement) : ``En Côte d`Ivoire 60 % de femmes se dépigmentent, c`est un problème de santé publique``

La dépigmentation est un mal incurable qui tue à petit feu. C'est un combat pour l'ONG “Christ en Mouvement”. Rev.Doh Marcellin, président de l'ONG Christ en mouvement, technicien dermatologue et conseiller cosmétique et Madame Koffi Ebi son Vice-président ont accordé une interview à Islam Info pour en parler sans détour. Suivons-les


Pourquoi luttez-vous contre la dépigmentation et quelles sont les actions entreprises par votre organisation dans ce sens ?

Rev. Doh Marcellin: Parler de la dépigmentation, c'est porter le regard vers la gente féminine car elle en est la première victime. Il y a beaucoup d'ONG sur le territoire qui luttent contre le SIDA, contre beaucoup de maux, mais elles oublient la dépigmentation qui est devenue récurrente. Ça va de mal en pire. Donc lutter contre elle, c'est prévenir les autres maladies. Pour nous, c'est un phénomène très inquiétant. Car elle est une réalité dans notre société.


Est-ce vrai que les médecins n'arrivent pas recoudre la peau d'une femme dépigmentée lors d'une chirurgie ?

Mme Koffi Ebi: Oui c'est exact. Parce que la dépigmentation détruit plusieurs couches de la peau. La conséquence est terrible lors des opérations. C'est comme un sol arboré où il y a beaucoup de fruits et du jour au lendemain tout est détruit. Et qu'il n'y a même pas de pluies pour fertiliser ce sol. Donc détruire la peau, c'est nous attirer expressément des maladies. La peau est sensée nous protéger. Si ce système de protection n'existe plus alors, les médecins auront toujours des problèmes pour recoudre une femme qui s'est fait décaper.


Quelles sont les raisons qui vous ont plus motivé particulièrement à lutter contre la dépigmentation?

Rev. D.M: l'Etat est submergé par ses problèmes quotidiens. Nous voulons aider l'Etat à lutter contre les maladies de santé publique. La dépigmentation affecte des personnes de 15 à 55 ans. Cela s'explique par le fait que le caractère culturel incite celles-ci à s'engager dans cette pratique. Certaines personnes disent qu'une épouse de teint clair porte bonheur. Il faut briser cette mentalité. Il est important pour nous de prévenir que de guérir. Toutes les structures sont focalisées sur les autres maux et biens d'autres pandémies, mais la dépigmentation est négligée. Or, nous savons que la femme est l'être qui donne la vie.


Quelles sont les actions que vous aviez déjà menées pour lutter contre ce fléau?

Mme Koffi Ebi: L'ONG Christ en Mouvement existe depuis le 29 novembre 2008. Nous avons organisé une caravane de sensibilisation à travers tout le District d'Abidjan avec les congrégations religieuses. Nous sommes allés également en milieu scolaire pour sensibiliser les élèves sur les méfaits de la dépigmentation. Ensuite, nous avons mis le cap vers les Eglises Baptistes Œuvres et Missions. Nous profitons de votre canal “Islam Info” pour attirer l'attention de la communauté musulmane. Notre objectif est de visiter toutes les contrées afin de briser le mythe qui est autour de cette pratique.


Avez-vous des chiffres ou statistiques qui attestent la montée de ce fléau?

Rev. D.M: En Côte d'Ivoire 60 % des femmes de teint clair ne sont pas des teints clairs naturels. Trois femmes sur cinq de teint clair se dépigmentent. C'est une réalité parce qu'on ne peut pas faire au moins 50m dans les rues sans en croiser une. Etre clair ne veut pas dire qu'on est forcément belle. Parce que la beauté est à l'intérieur du corps et non à l'extérieur. Je demande à mes sœurs ivoiriennes sans oublier celles qui sont musulmanes de chercher plutôt à changer de comportement que de vouloir changer la peau.


Quelle est la couche sociale la plus touchée par ce phénomène ?

Mme Koffi Ebi : C'est la plus faible couche sociale. Autrement, celle qui est démunie financièrement. La plupart du temps, ce sont des analphabètes qui sont les plus affectés. Notons que tout le monde fait cette pratique sans exception. Même les personnes aisées le font. La majorité des personnes victimes sont de faible classe sociale.


Quelles sont les raisons qui peuvent pousser une femme à vouloir se dépigmenter ?

Rev D.M : Il y a le complexe d'infériorité. Nous avons aussi la volonté de montrer son aisance. Certaines personnes pensent qu'avoir un pouvoir financier signifie qu'il faut changer de style, de cap. Démontrer aux autres qu'on n'est plus de la même classe sociale. En outre, on a la satisfaction du partenaire conjugal. Cela constitue la motivation des 90% des femmes qui se dépigmentent pour faire plaisir à leurs maris. Aujourd'hui, toutes les femmes dépigmentées que nous rencontrons disent qu'elles le font pour leurs époux qui aiment le teint clair. Selon elles, cela suffit pour décaper. Mais j'en suis arrivé à la conclusion selon laquelle à quoi sert de se sacrifier pour un homme qui après leurs funérailles prendra une autre femme. N'oublions pas le phénomène de mode, ''il faut se dépigmenter pour être dans le temps''. Il y a aussi l'ignorance. Par manque d'information, elles utilisent des produits dans l'intention d'embellir leur corps sans toutefois se dépigmenté. Malheureusement celles-ci se retrouvent avec un corps décapé.


Quelles sont les conséquences de cette pratique ?

Mme Koffi Ebi : Les conséquences sont terribles. En ma qualité de technicien dermatologique, nous avons fait une enquête. A l'issue de laquelle nous avons décortiqué un certain nombre de principes chimiques actifs qui se retrouvent dans les produits. Ceux-ci sont la force motrice dans le décapage. Par exemple, on a l’hydroquinone qui dépigmente à 89% l'utilisateur. Nous avons les glucocorticoïdes qui dépigmentent à 70%. Nous avons aussi les compositions personnelles ou les soi disant cosmétologues qui fabriquent à domicile pour les vendre. Ces produits fabriqués décapent à 13%. Les caustiques dépigmentent à 10%. On a les dérivés du mercure qui dépigmentent à 17%. Ce sont les différents produits auxquels nous devons faire attention. Je voudrais lancer un appel à toutes les dames qui souhaitent acheter un produit de faire très attention. Parce que les industriels ont une part de responsabilité dans cette pratique. Normalement, il est demandé à ceux-ci de marquer les composants de leurs produits au verso de l'emballage. Mais ce n'est pas le cas. Car ils préfèrent voiler et mettre “produit éclaircissant naturel sans hydroquinone”. Il n'existe aucun produit naturel sans principe actif. Je suis désolé. Il faut que tout le monde fasse attention pour l'achat de certains produits. Il est plutôt intéressant de s'orienter vers un professionnel ou un spécialiste. Car la santé n'a pas de prix.


Quelles sont les solutions pour éradiquer ce fléau ?

Mme Koffi Ebi : Une femme doit s'aimer telle qu'elle est. C'est la première solution. Elle doit aussi accepter la nature de sa peau. C'est un travail psychologique. Voyez-vous pour une peau qui est déjà décapée, il n'y a plus une grande chose à faire. Car, si on essaie de la restituer, ce n'est pas sûr que cela marche. Une peau endommagée est irréparable.


Quels sont vos partenaires dans cette lutte ?

Rev D.M : Nous avons des partenaires spécialisés dans le cadre médical. Par exemple, on a des professeurs des universités de sciences médicales. Mais nous n'avons pas encore un partenaire financier. L'ONG fonctionne sur fonds propres. C'est pourquoi, nous lançons un appel à toutes les personnes de bonne volonté de nous venir en aide pour ce combat noble. Pour mener à bien nos actions de sensibilisation et combler nos besoins de matériels pour travailler. Nous voulons faire la couverture de tout le pays. Malheureusement, nous sommes limités par les moyens financiers. Le matériel est important. En ce sens que des vidéos projecteurs permettent de mieux découvrir ce mal qui tue à petit feu nos sœurs parce que les images parlent. Nous pensons que c'est l'ignorance ou l'insouciance et le manque d'information qui les amènent à la dépigmentation.


Comment vous approchez vos différentes cibles ?

Rev D.M : Il y a des procédures. Nous faisons le rapprochement amical. Démontrer que nous portions l'amour pour la personne décapée. Ensuite, il faut passer la guérison psychologique. Car le mal doit-être combattu psychologiquement. Enfin, l'amener à accepter son corps. Aussi, par stratégie thérapeutique, lui faire comprendre avec l'appui des images le risque qu'elle court si elle perdure dans cette pratique. Pour cela nous travaillons plus avec les associations, les organisations et les structures confessionnelles parce que nous savons que c'est là que se trouve la masse de la population. Pour nous une personne sensibilisée et reconvertie équivaut à 1000 personnes décapées dehors non rencontrées. Parce qu'au sortir de la conférence et de l'atelier, cette personne peut transmettre le message à sa famille, à ses proches et à ses amis.


Que dit la Bible sur le phénomène de la dépigmentation ?

Mme Koffi Ebi : Se dépigmenter, c'est une manière flagrante de dire à Dieu qu'Il a fait une erreur, ce n'est pas normal que Tu m'ais créé noire. Les Blancs aujourd'hui font le bronzage. Les noirs font la dépigmentation. Donc qui est mieux que qui ? C'est pour dire que les religions condamnent cette pratique. C'est pourquoi, les chefs religieux doivent s'investir dans cette lutte pour l’éradiquer. La dépigmentation a créé assez de drames au Sénégal. On a 67 % de femmes dépigmentées sur la population entière. A Bamako, 33 % de femmes dépigmentées. Qui parle de Bamako parle de la Côte d'Ivoire. C'est devenu un problème de santé publique.


Qu'attendez-vous de la communauté musulmane ?

Rev. D.M: Nous voudrions faire une tournée dans les communautés musulmanes dans les différentes mosquées afin de transmettre ce message à nos jeunes sœurs. On ne s'arrêtera pas au niveau de la communauté musulmane. On ira dans toutes les confessions religieuses pour mener cette lutte. Parce que Dieu est amour et il a recommandé d'aimer son prochain comme soi-même. Nous savons qu’avec les musulmans le message passera parce qu'il y'a une rigueur à leur niveau. Notre objectif est d'amener les responsables des confessions religieuses et le COSIM à nous donner l'autorisation de sillonner dans toutes les mosquées et institutions musulmanes afin de mener cette campagne de sensibilisation auprès de nos sœurs.


Est -ce qu'au cour de la sensibilisation, vous n'allez vous pas véhiculer les messages d'évangélisation?

Rev D.M: C'est stratégique cette question. Sachez que la raison qui nous motive à votre niveau est typiquement médicale. Même étant une organisation chrétienne, nous appartenons à toute la population. C'est pourquoi, nous travaillons avec toutes les autres confessions religieuses dans le respect de leurs doctrines.


Quel est votre mot fin ?

Mme Koffi Ebi : Nous sommes des mères de famille. C'est nous qui devons être l'image de notre foyer. Nous devons plutôt chercher à donner une bonne image à notre société. On dit derrière un grand homme se cache une grande dame. Donc il ne faudrait pas qu'à côté de ce grand homme là, qu'il y ait une femme caméléon. Il faut qu'elle puisse refléter son homme. La dépigmentation laisse derrière elle des orphelins chaque jour que Dieu fait. Un orphelin, un enfant sans éducation et sans mère, à ses cotés, c'est un enfant sans racines. En tant que femme et mère en se dépigmentant nos enfants nous regardent. Ils copient sur nous. Obligatoirement cela se perpétue de génération en génération. Ne serait-ce que penser à l'avenir de nos enfants, nous devons arrêter ce phénomène et rester telle.

Réalisée par Fatim Kaba

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