L’affaire Guy André Kieffer, du nom du journaliste franco canadien, enlevé le 16 avril 2004, devant un supermarché abidjanais, a connu un rebondissement, avec la dernière sortie du procureur de la République, Raymond Tchimou. Au cours d’un récent entretien, le patron du parquet ivoirien, qui était déjà allé en Estonie, à la recherche du Probo Koala, le navire qui a déversé des déchets toxiques dans notre capitale économique, a jeté un véritable pavé dans la mare: «dans le cadre de l’enquête sur M Kieffer, on ne cherche plus un homme mort, mais quelqu’un qui a été exfiltré de la Côte d’Ivoire et qui vit actuellement… Les corps ont toujours été retrouvés à 100% dans tous les cas d’assassinat ou de meurtre en Côte d’Ivoire». Sans aucun doute, la sortie, pour le moins, spectaculaire, du magistrat, a dérouté plus d’une personne dans notre pays. Pour qui connaît la qualité et le rang occupé par Tchimou dans l’appareil judiciaire ivoirien, il est certain qu’il ne s’agit nullement de vaines paroles en l’air. L’homme sait de quoi il parle et de quoi retourne la nébuleuse Kieffer. D’emblée, il indique clairement la piste à suivre au juge français Patrick Ramael et bat en brèche les thèses selon lesquelles, Kieffer avait été enterré quelque part sur l’autoroute du Nord ou dans la forêt du Banco. S’il n’est pas mort et a été exfiltré de la Côte d’Ivoire, où donc a-t-il pu se terrer ? Par sa déclaration, Raymond Tchimou se met droit devant le prisme des enquêteurs et sous le feu brûlant des interrogations de l’opinion. Il sait beaucoup de choses et doit véritablement passer à table. De prime abord, Raymond Tchimou, en se présentant comme un sachant, lève a priori le doute qui planait depuis sur les dirigeants de la refondation, notamment Simone Gbagbo, Paul Antoine Bohoun Bouabré, longuement cités par des témoins. Selon des sources concordantes, proches du temple de Thémis, tel était l’objectif du pavé lancé par le juge ivoirien, qui était récemment en France, pour interroger des témoins. A la vérité, il s’agirait de la mise en forme d’un deal entre Tchimou et le grand chef. Ce dernier, dans la perspective de la présidentielle du 29 novembre prochain, entend se débarrasser et se défaire des casseroles par trop bruyantes que trainent certains de ses collaborateurs, principalement dans l’affaire Guy André Kieffer. Pour cela, Tchimou a choisi de porter sur sa personne, la pression trop forte exercée sur le régime. En homme du sérail, il a décidé de jouer sa partition, jusqu’au sacrifice personnel, pour soigner l’image pas du tout reluisante de la refondation. Comme dans tout compromis, il a droit à une contrepartie, dans cet exercice. A défaut de demeurer procureur, Raymond Tchimou pourrait être nommé diplomate dans un pays «ami», histoire de bien le protéger. Telle est la raison essentielle de la déclaration du magistrat. Reste à savoir si ce plan fonctionnera à merveille, si cette tentative de diversion atteindra la promesse des fleurs, étant entendu que la justice française, notamment le juge Ramael, n’a pas encore dit son dernier mot.
Bakary Nimaga
Bakary Nimaga
