Depuis la seconde guerre mondiale, qui a vu les nations dites civilisées ou si on veut avancées, l’univers s’est empêtré dans une atmosphère d’affrontement systématique de deux camps. L’occident dit libéral et l’Est Communiste. A la guerre fratricide a succédé une guerre froide sans nom donnant lieu à l’acte le plus ignoble qui soit, divisant un grand pays comme l’Allemagne, en deux Etats horriblement hostiles l’un à l’autre. Ce fut le drame le plus cruel que notre monde ait connu en ce siècle, si on n’excepte les deux conflagrations mondiales que furent les guerres mondiales. Celle de 1914-1918 et celle de 1939-1945. Dieu n’abandonnant pas ses enfants, un certain 9 novembre de l’année 1989, comme un château cartes, le mur de la honte, de la séparation d’un même pays en deux entités hostiles s’est effondré, et vive la liberté ! L’effondrement de ce mur lointain mais si près de nos souffrances, ouvrira une nouvelle ère, l’ère de la liberté pour tous et pour chacun. Cet hymne a été chanté partout dans le monde. Pour nous rafraîchir la mémoire de ce moment mémorable de portée historique et surtout universel, nous allons rappeler quelques faits qui nous ont paru déterminants. En 1989, la République fédérale d’Allemagne est confrontée aux divers problèmes posés par un afflux incompréhensible et massif d’Allemands de l’Est. En République Démocratique d’Allemagne (RDA) même, les choses ne sont pas au beau fixe. Les manifestations sont devenues presqu’un lot quotidien, compte tenu de l’exode des citoyens, vers l’Ouest. Cette République appendice de l’Union Soviétique va basculer vers la RFA, c’est-à-dire la République fédérale d’Allemagne. Un jour d’octobre 1989, les principaux dirigeants du SED, entendez le Parti socialiste unifié de la RDA, doivent démissionner. Un des porte-parole du parti peut alors déclarer que tous les Allemands de l’Est qui souhaitent partir vers l’Ouest n’ont plus besoin de visa. Le 9 novembre 1989, le mur de la honte s’effondre sous les pioches de la colère et de la rencoeur. L’Allemagne amorce alors sa réunification qui aboutira aujourd’hui à l’élection d’Engela Merkel, ancienne de l’Est, à la Chancellerie. La chute de ce mur n’a pas eu que des répercutions en Allemagne. C’est sur le plan mondial que l’effondrement produira plus d’impacts. Modestement, ici en Côte d’Ivoire, 3 faits nous paraissent importants pour être signalés. Houphouët a tous les pouvoirs sans partage. Il est épuisé par l’usure de son pouvoir. Les pensées du jour n’ont plus d’attrait pour nombre d’Ivoiriens. Il se cherche. Laurent Gbagbo qui était parti en exil en 1982, est rentré en 1988, créant dans une brousse de Dabou, quelque part, le FPI, clandestinement. Tout est mélangé. Au cours d’un Conseil national, Houphouët avoue ses limites. Il a planqué des milliards en Suisse. Cela est sorti de sa propre bouche. Pour ne pas être fou comme il dit. Et le mur de Berlin est tombé et bien tombé. Gbagbo, qui ne manque pas d’imagination, titre à la "Une" d’un journal clandestin qu’il avait créé, l’Evénement” : "Sale temps pour les dictateurs". Les conférences nationales poussent partout comme des marguerites hors saison en Afrique. Dans ce bréviaire, nous aurions tort de passer sous silence ces trois citations. Celle du rédacteur chef de Fraternité-Matin de l’époque, celle de Monseigneur Paul Dacoury-Tabley et surtout la rebuffade de Marcel Etté. En septembre 1989, comme un signe précurseur, Marcel Etté, le vieux syndicaliste, au cours du Conseil national auquel il a été fait allusion plus haut, peut lancer à la figure d’Houphouët : "Le peuple veut le multipartisme". Avec la ruse qu’on lui connaît, "Le Père de la Nation", tel qu’en lui-même, dira que Gbagbo et Etté étaient incapables de se faire élire chez eux, s’il y avait des élections. Comme il ne dit pas des élections libres et transparentes, on a tout compris. Le parti unique qui n’a plus que quelques jours encore à vivre peut demeurer. Marcel Etté avait coupé la crête du coq, il n’y a plus que des poules dans la basse-cour. Dès cet instant, tout va aller très vite et à la "surchauffe" économique va s’ajouter un véritable malaise politique. Plus personne n’a confiance en ce régime. L’atmosphère est lourde. En cette fin d’année, les fêtes se préparent difficilement, sauf dans quelques familles aisées, toujours les mêmes où l’opulence le dispute au superflu ostentatoire. La messe de la paix à Saint Paul Monsieur Kébé Yacouba à l’époque directeur général de Fraternité-Matin et éditorialiste émérite ne croyait pas si bien écrire en titrant un certain éditorial, le 2 janvier 1990 : "1990 la décennie de l’espérance". Il n’y a rien de surprenant. Les vœux il y en a toujours eu. Mais Kébé Yacouba ira très loin dans la réflexion, sans se rendre compte de ce qu’il écrivait certainement. Aujourd’hui, il dira peut-être qu’il avait été visité par un don prophétique du ciel. Et ça ne serait pas faux. Il avait été pertinent. "1989, qui vient de s’achever, a été l’année de toutes les crises et de toutes les déchirures. L’Europe de l’Est est en train d’enterrer Lénine pour célébrer Montesquieu. Après une quarantaine d’années de «dictature rouge» les peuples de Tchécoslovaquie, de Pologne, de RDA, de Hongrie, de Bulgarie et de Roumanie abordent 1990 dans l’euphorie des libertés retrouvées. Ils vont devoir s’exercer au dur apprentissage de la démocratie". Malheureusement, le rédacteur en chef de Fraternité-Matin n’aura pas d’yeux pour l’Afrique des iniquités, des autocraties et autres oligarchies de toutes natures qui spolient les peuples d’Afrique. Il faut reconnaître que la presse, la fameuse presse d’Afrique, n’a les yeux de chimère que pour ceux qui sont aux pouvoir. Elle, la presse, ne portait en ces circonstances que des œillères. Elle ne voit que ce qui se passe chez les autres. Et Kébé ne connaissait sans doute pas, ce verset de la Bible, ou l’a-t-il oublié, qui dit : "Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ?" L’Afrique des dictatures sanguinaires, des autocraties et autres despotismes absolus, Kébé ne pouvait pas en parler. La censure bien sûr, mais pourquoi pas l’autocensure de ne pas avoir à s’expliquer en haut lieu. Cela aussi, c’est la vérité. Donc il n’est pas étonnant que le rédacteur en chef de Frat-Mat de surcroît Quotidien au "titre ronflant de journal pro gouvernemental", ait ignoré cette Afrique d’Assabou, des Camps Boiro. L’on se souvient de la triste prison d’Assabou où Houphouët enferma ses adversaires pour des complots qui n’ont pas existé, selon lui même après le mal qu’il fit aux autres. Mais, il y a eu aussi, le camp Boiro, près de nous, en Guinée de Sékou Touré où les condamnés à mort étaient voués à la mort certaine sans jeu de mots. En somme, un oubli volontaire. Une cécité bien entendu inexplicable. Toutefois, il faut noter que la veille ou l’avant-veille de cet éditorial cité plus haut, le 31 décembre 1989 exactement, la Cathédrale Saint Paul d’Abidjan avait réuni tout le gotha politique et religieux que compte la Côte d’Ivoire pour célébrer une grande messe dite Messe de la paix comme pour faire écho à l’appel du Saint Père, le Pape Jean-Paul II, sur le même thème cette année là : "La paix avec Dieu Créateur. La paix avec toute la création. Laissez venir à vous cette paix". Alléluia. Il ne serait pas inutile, pour ce qui va suivre de rappeler ici, ce qui a été dit au cours de cette messe présidée par le Cardinal Bernard Yago aujourd’hui disparu, paix à son âme, célébrant principal avec Paul Dacoury, l’évêque auxiliaire d’Abidjan de l’époque, comme prédicateur devant une constellation de dignitaires du parti unique, et de son gouvernement, encore en état de sainteté pour quelques jours seulement, avec à leur tête, la Première dame de Côte d’Ivoire, Madame Marie Thérèse Houphouët-Boigny. Dieu avait fait bien les choses comme il sait le faire. La Première Dame ivoirienne aura été le témoin privilégié, en ce lieu d’adoration du Père Créateur, de ce qui sera, sans exagération, le début de la fin des années heureuses du règne des Houphouët, car dans quelques jours, Houphouët ne gouvernera plus, il règnera. Certes son nom sera encore chanté par quelques nostalgiques, mais c’en était fini pour toujours. Ecoutons Paul Dacoury : "Il fut un moment où nous formulions des souhaits de paix, sans trop y croire, un moment où nous prions pour la paix sans trop l’espérer, parce que les mentalités et les structures étaient spontanément et systématiquement génératrices de violences, de divisions et de guerres. Mais depuis un certain temps, surtout ces dernières années, des signes apparaissent, des faits sont posés, qui montrent que la paix, la vraie paix est à la portée des hommes, pourvu qu’ils la veuillent dans la vérité et dans la liberté. Il est constaté, en effet aujourd’hui, que ces valeurs de vérité et de liberté, naguère étouffées, sont en train de fissurer, d’ébranler certaines citadelles de mensonges et de violences, qui commencent à s’écrouler en Afrique, en Europe, en Amérique". On ne pouvait pas faire meilleure prédication de ce qui attendait la Côte d’Ivoire à l’orée de cette nouvelle année 1990. En effet, des citadelles de mensonges vont effectivement s’écrouler. Des montagnes d’obscurantisme, dressées devant les peuples, vont être soufflées comme si de rien n’était, confirmant ainsi l’expression selon laquelle "on peut tromper le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper le peuple tout le temps". Des vérités comme celles-là, dites de surcroît dans la maison de Dieu et sous le regard de son seul médiateur, "le prince de la paix", notre Seigneur Jésus-Christ, dont on venait de célébrer quelques jours auparavant l’anniversaire de naissance donnent à réfléchir. Mais, comme dirait cet homme, nous étions en Côte d’Ivoire et la Côte d’Ivoire, c’est la Côte d’Ivoire. C’est tout dire. Personne ne prendra en compte ces propos oh ! combien importants appelant à la méditation qu’à autre chose. Ce beau monde recevra ces paroles pour ensuite les oublier. Allume-t-on une lampe pour la mettre sous le boisseau ? 1990 était à notre porte. Année de lumière, vivons la donc. Revivons donc le film de ce que fut 1990 à travers tous les faits et gestes des parties prenantes de ce qui aurait pu être le drame, notre drame collectif, si le bon sens et surtout la paix de Dieu n’avait pas habité notre peuple. Quand on sait que Nelson Mandela a été libéré, ce sont les conséquences de la chute du Mur de Berlin. Au Bénin le dictateur militaire, qui était en visite en RDA quand le mur s’est fissuré, le Général Kérékou, accepte la Conférence nationale. Ici même, en Côte d’Ivoire, en avril de l’année 1990, c’est le multipartisme. Que pouvons-nous encore écrire sur les conséquences oh combien prodigieuses de la chute du mur ? C’est une donne de Dieu tout simplement. Jacques Préjean
International Publié le mercredi 11 novembre 2009 | Notre Voie