Bonjour cher ami Laurent,
Nous revoilà ici à Ouagadougou. Capitale de la Côte d'Ivoire pendant au moins 72 heures. C'est-à-dire jusqu'à vendredi pour ceux qui rentreront tôt et peut-être plus tard pour d'autres, les sous marins politiques. Nous sommes ici comme tu le devines aisément pour être témoins des échanges sur la crise ivoirienne. Qui dure depuis septembre 2002. Nous, c'est tous ceux qui accompagnent les délégations que conduisent les présidents Gbagbo Laurent, Henri Konan Bédié, les Premiers ministres Soro Guillaume, Alassane Dramane Ouattara, le président de la Commission électorale indépendante, Robert Beugré Mambé. Nous, ce sont les journalistes venus couvrir cet important et décisif rendez-vous. Témoins des sommets d'Accra III, de Kléber, de Marcoussis, de Prétoria I, de Prétoria II et de New-York. Cette sixième réunion du Cadre permanent de concertation (Cpc), comme me le confiait récemment à Abidjan un diplomate africain, doit être la dernière. En d'autres termes, à l'issue de ce Cpc, une matrice définitive doit être tracée et exécutée à court terme. Un chronogramme clair doit être défini et rendu public. Un chronogramme à mettre en application. Ça, c'est le souhaitable. Mais la réalité nous amène à ne pas baigner dans un optimisme béat. Le chef de l'Etat, arrivé à Ouaga depuis mardi, deux jours avant le sommet, a déjà clairement exprimé la position qu'il défendra. "Il ne faut plus raisonner en termes de date mais en termes de masse de travail qui reste à faire (…) Nous voulons aller à des élections mais sans que la guerre revienne. Mieux vaut aller à des élections tard et ne plus avoir de conflit que d'avoir des élections tôt avec des morts ". Tu as certainement lu ces propos de notre très cher aimé Laurent Gbagbo dans la presse d'hier. Déclaration faite à son arrivée mardi dans la capitale burkinabé. Des propos similaires ont été tenus par la même personne et ses collabos après le 5ème Cpc et en attendant le 29 novembre dernier. Le Cpc, pour Gbagbo, est terminé. Tu me parleras d'un simple pavé dans la mare que moi je te dirai que c'est le résumé de plusieurs semaines de réflexions au labo de la refondation. Mais de quelle "masse de travail" peut-il s'agir encore quand on sait que nous sommes aujourd'hui à l'affichage et au règlement des contentieux ? Je ne saurais te donner une réponse exacte mais mes investigations m'amènent à te faire une révélation.
Cher ami Laurent,
C'est un confrère d'une radio internationale avec qui j'ai eu à m'entretenir hier dans le hall du prestigieux hôtel Libya qui m'a révélé qu'il y a une importante étape encore à franchir. Plus qu'une étape, m'a dit le confrère mien, c'est une équation difficile à laquelle la Cei doit faire face. De quoi s'agit-il ? Après l'affichage de la liste électorale provisoire, nous sommes aujourd'hui à l'étape des contentieux. Réclamations, rectifications, suppressions…Chaque pétitionnaire s'adresse à sa Cei locale pour rendre son identité exacte ou pour dénoncer des cas d'omission ou de fraude. C'est selon. Mais, selon le confrère qui a pris son information auprès de la présidence burkinabé, si la Cei veut s'engager à vider tous les contentieux avant de procéder à la distribution des cartes nationales d'identité et des cartes d'électeurs, cela pourrait prendre au bas mot 5 à 6 mois. Parce que cela va prendre techniquement assez de temps. Et dans ce cas-là, il faut espérer voir se dérouler la présidentielle en mai ou juin 2010. Pour éviter cette longue attente, la Cei pourrait proposer d'ici peu la distribution des cartes d'identité, cartes d'électeurs à tous les pétitionnaires bénéficiaires. Avec ou sans erreur. Et puisque ce sont tous les signes (erronés ou pas) qui sont sur les deux pièces qui se retrouvent sur le listing électoral, chacun pourra voter (la photo sur la Cni faisant foi). Après la présidentielle et avant les législatives, chacun pourra s'adresser aux agents de Sagem pour retirer ses pièces corrigées. Ce qui nous ferait gagner du temps. Mais si du côté de l'opposition, cela pourrait être accepté facilement parce que jugé bonne solution pour une présidentielle maintenant, de son côté, Gbagbo ayant appris cela, il y a quelques jours, vient de faire savoir (à mots couverts) sa position. Il faut tout terminer, vider tous les contentieux. Donc donner une suite aux réclamations, distribuer cartes d'identité et cartes d'électeurs corrigées avant d'organiser les élections. Fraternité Matin et les journaux proches du camp présidentiel ont commencé depuis lundi à matraquer les esprits sur l'impossibilité d'organiser la présidentielle dans le premier trimestre de 2010. Cette question fondamentale sera, j'en suis sûr, débattu ce matin. Et chaque camp défendra sa position. Aller à la présidentielle avec les pièces erronées quitte à apporter des corrections ou créer une autre impasse, tout parfaire avant tout le processus électoral ? La mauvaise foi manifeste du camp présidentiel refait surface. Dans ce débat qui n'a pas sa raison d'être si on est vraiment conscient de la souffrance des Ivoiriens. Bref, si la Cei sait poser le problème, il ne se transformera pas en équation insoluble, bien au contraire. C'est une autre équation difficile que Mambé aura à gérer de plus. Mais si le facilitateur pèse de tout son poids dans les débats, la solution de la présidentielle fin février ou début mars 2010 devrait être possible. Au-delà du président Mambé et du facilitateur Blaise Compaoré, l'opposition représentée par Bédié et Ouattara doit aussi pouvoir taper du poing sur la table et dire "plus jamais de report sinon…nous sortons du gouvernement et nous retirons toute notre caution politique à l'Apo". C'est à mon avis une telle réaction vive et justifiée qui pourra faire fléchir Gbagbo.
Cher ami Laurent,
Je voudrais conclure là ce courrier du jour sans oublier de te dire que s'il y a un beau coup que Compaoré a réussi hier, celui d'avoir logé les trois frères ivoiriens dans une même maison ici à Ouagadougou. A l'hôtel Libya. Gbagbo au 10ème, Bédié au 8ème et Ouattara au 7ème. Le Premier ministre Soro ayant lui choisi de séjourner dans sa résidence privée à Ouaga 2000. Si Bédié et Ouattara ont pu se voir, se parler hier dans l'hôtel où ils résident avec Gbagbo, ils n'ont eu aucun contact avec ce dernier au moment où je t'expédie cette lettre de Ouaga. Dis à ton homonyme que certes il est chef d'Etat, mais Bédié et Ouattara sont ses aînés. Et cela lui impose un devoir vis-à-vis d'eux. Fera-t-il ce que tu lui demanderas ? Pas si sûr. A demain si Dieu le veut.
Ton ami Zion Kah Denis à Ouaga
Nous revoilà ici à Ouagadougou. Capitale de la Côte d'Ivoire pendant au moins 72 heures. C'est-à-dire jusqu'à vendredi pour ceux qui rentreront tôt et peut-être plus tard pour d'autres, les sous marins politiques. Nous sommes ici comme tu le devines aisément pour être témoins des échanges sur la crise ivoirienne. Qui dure depuis septembre 2002. Nous, c'est tous ceux qui accompagnent les délégations que conduisent les présidents Gbagbo Laurent, Henri Konan Bédié, les Premiers ministres Soro Guillaume, Alassane Dramane Ouattara, le président de la Commission électorale indépendante, Robert Beugré Mambé. Nous, ce sont les journalistes venus couvrir cet important et décisif rendez-vous. Témoins des sommets d'Accra III, de Kléber, de Marcoussis, de Prétoria I, de Prétoria II et de New-York. Cette sixième réunion du Cadre permanent de concertation (Cpc), comme me le confiait récemment à Abidjan un diplomate africain, doit être la dernière. En d'autres termes, à l'issue de ce Cpc, une matrice définitive doit être tracée et exécutée à court terme. Un chronogramme clair doit être défini et rendu public. Un chronogramme à mettre en application. Ça, c'est le souhaitable. Mais la réalité nous amène à ne pas baigner dans un optimisme béat. Le chef de l'Etat, arrivé à Ouaga depuis mardi, deux jours avant le sommet, a déjà clairement exprimé la position qu'il défendra. "Il ne faut plus raisonner en termes de date mais en termes de masse de travail qui reste à faire (…) Nous voulons aller à des élections mais sans que la guerre revienne. Mieux vaut aller à des élections tard et ne plus avoir de conflit que d'avoir des élections tôt avec des morts ". Tu as certainement lu ces propos de notre très cher aimé Laurent Gbagbo dans la presse d'hier. Déclaration faite à son arrivée mardi dans la capitale burkinabé. Des propos similaires ont été tenus par la même personne et ses collabos après le 5ème Cpc et en attendant le 29 novembre dernier. Le Cpc, pour Gbagbo, est terminé. Tu me parleras d'un simple pavé dans la mare que moi je te dirai que c'est le résumé de plusieurs semaines de réflexions au labo de la refondation. Mais de quelle "masse de travail" peut-il s'agir encore quand on sait que nous sommes aujourd'hui à l'affichage et au règlement des contentieux ? Je ne saurais te donner une réponse exacte mais mes investigations m'amènent à te faire une révélation.
Cher ami Laurent,
C'est un confrère d'une radio internationale avec qui j'ai eu à m'entretenir hier dans le hall du prestigieux hôtel Libya qui m'a révélé qu'il y a une importante étape encore à franchir. Plus qu'une étape, m'a dit le confrère mien, c'est une équation difficile à laquelle la Cei doit faire face. De quoi s'agit-il ? Après l'affichage de la liste électorale provisoire, nous sommes aujourd'hui à l'étape des contentieux. Réclamations, rectifications, suppressions…Chaque pétitionnaire s'adresse à sa Cei locale pour rendre son identité exacte ou pour dénoncer des cas d'omission ou de fraude. C'est selon. Mais, selon le confrère qui a pris son information auprès de la présidence burkinabé, si la Cei veut s'engager à vider tous les contentieux avant de procéder à la distribution des cartes nationales d'identité et des cartes d'électeurs, cela pourrait prendre au bas mot 5 à 6 mois. Parce que cela va prendre techniquement assez de temps. Et dans ce cas-là, il faut espérer voir se dérouler la présidentielle en mai ou juin 2010. Pour éviter cette longue attente, la Cei pourrait proposer d'ici peu la distribution des cartes d'identité, cartes d'électeurs à tous les pétitionnaires bénéficiaires. Avec ou sans erreur. Et puisque ce sont tous les signes (erronés ou pas) qui sont sur les deux pièces qui se retrouvent sur le listing électoral, chacun pourra voter (la photo sur la Cni faisant foi). Après la présidentielle et avant les législatives, chacun pourra s'adresser aux agents de Sagem pour retirer ses pièces corrigées. Ce qui nous ferait gagner du temps. Mais si du côté de l'opposition, cela pourrait être accepté facilement parce que jugé bonne solution pour une présidentielle maintenant, de son côté, Gbagbo ayant appris cela, il y a quelques jours, vient de faire savoir (à mots couverts) sa position. Il faut tout terminer, vider tous les contentieux. Donc donner une suite aux réclamations, distribuer cartes d'identité et cartes d'électeurs corrigées avant d'organiser les élections. Fraternité Matin et les journaux proches du camp présidentiel ont commencé depuis lundi à matraquer les esprits sur l'impossibilité d'organiser la présidentielle dans le premier trimestre de 2010. Cette question fondamentale sera, j'en suis sûr, débattu ce matin. Et chaque camp défendra sa position. Aller à la présidentielle avec les pièces erronées quitte à apporter des corrections ou créer une autre impasse, tout parfaire avant tout le processus électoral ? La mauvaise foi manifeste du camp présidentiel refait surface. Dans ce débat qui n'a pas sa raison d'être si on est vraiment conscient de la souffrance des Ivoiriens. Bref, si la Cei sait poser le problème, il ne se transformera pas en équation insoluble, bien au contraire. C'est une autre équation difficile que Mambé aura à gérer de plus. Mais si le facilitateur pèse de tout son poids dans les débats, la solution de la présidentielle fin février ou début mars 2010 devrait être possible. Au-delà du président Mambé et du facilitateur Blaise Compaoré, l'opposition représentée par Bédié et Ouattara doit aussi pouvoir taper du poing sur la table et dire "plus jamais de report sinon…nous sortons du gouvernement et nous retirons toute notre caution politique à l'Apo". C'est à mon avis une telle réaction vive et justifiée qui pourra faire fléchir Gbagbo.
Cher ami Laurent,
Je voudrais conclure là ce courrier du jour sans oublier de te dire que s'il y a un beau coup que Compaoré a réussi hier, celui d'avoir logé les trois frères ivoiriens dans une même maison ici à Ouagadougou. A l'hôtel Libya. Gbagbo au 10ème, Bédié au 8ème et Ouattara au 7ème. Le Premier ministre Soro ayant lui choisi de séjourner dans sa résidence privée à Ouaga 2000. Si Bédié et Ouattara ont pu se voir, se parler hier dans l'hôtel où ils résident avec Gbagbo, ils n'ont eu aucun contact avec ce dernier au moment où je t'expédie cette lettre de Ouaga. Dis à ton homonyme que certes il est chef d'Etat, mais Bédié et Ouattara sont ses aînés. Et cela lui impose un devoir vis-à-vis d'eux. Fera-t-il ce que tu lui demanderas ? Pas si sûr. A demain si Dieu le veut.
Ton ami Zion Kah Denis à Ouaga