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Société Publié le lundi 18 janvier 2010 | Le Mandat

Marché du vivrier : Intrusion au cœur d’un secteur à risques

Permettre à la Côte d’Ivoire de s’auto-suffire en denrées alimentaires. Voici la principale raison qui fait courir les femmes Gouro, spécialistes du secteur du vivrier et d’autres. A première vue, exercer dans ce domaine parait chose facile. Mais, il faut y faire un tour pour se rendre compte des difficultés que recèle ce milieu et qui, cependant n’entravent en rien la volonté de ces braves dames.

Le décor avant l’arrivée de la marchandise

Yopougon Siporex, précisément au lieu dit carrefour nouveau goudron. Il est 4 heures du matin, ce mercredi 30 décembre 2009, au seuil du nouvel an. L’heure pourrait étonner. Mais, c’est le temps universel réel. Une foule de femmes dont l’âge oscille entre 12 et 60 ans. Certaines portant des grossesses, d’autres des enfants au dos. Les unes assises, les autres, couchées sur un morceau de pagne ou à même le sol. Elles attendent avec patience l’arrivée des convois de marchandises. Objectif, s’en procurer. Parfois, à l’issue d’une rude lutte. L’essentiel est de repartir soit avec un sac d’aubergine, soit un panier de tomates ou encore un sac de gombo, de piments, de bananes ou de manioc, …De toutes les manières, il faut pouvoir être présente sur le marché dès l’aube. « C’est comme cela tous les jours ici », nous lance un jeune ‘’wôtrotigui’’, (charretier en langue malinké), de nationalité nigérienne. Lui, dit les attendre afin de les accompagner sur les lieux de stockage ou de vente. Une vingtaine de minutes plus tard, exactement à 4h20mn, apparaît un camion, surchargé, roulant péniblement et transportant les produits cités plus haut. On se demanderait comment ce mastodonte a pu rallier la zone de production à Abidjan. C’est la course au trésor. Certaines femmes n’hésitent pas à lancer un morceau de pagne sur le véhicule. D’autres, tout objet qu’elles trouvent sur leur passage. C’est une manière à elles de faire la réservation, peu importe la manière. Telle se présente la situation avant l’approvisionnement.

Les circuits d’approvisionnement

Bouaké, Daloa, Oumé, Sinfra, Tiassalé,Divo,.. , sont quelques unes des villes phares qui alimentent la plupart des marchés du vivrier. Cependant, la ville de Bouaké et son marché de gros avait joué, avant la crise, un rôle particulièrement important et fort ancien dans les circuits marchands de produits vivriers, non seulement à travers la Côte d’Ivoire, mais aussi, toute la sous-région ouest africaine. C’était surtout grâce à son site qu’elle avait joué également un rôle exceptionnel de carrefour dans les circuits de commercialisation de produits vivriers de l’Afrique de l’Ouest. Ce marché traitait en 1993 près de 360000 tonnes de produits vivriers, dont plus des deux tiers étaient expédiées hors du pays. On estimait qu’en 1997, année de son ouverture, le futur marché de gros traiterait environ 650000 tonnes de vivriers, dont seules quelque 200000 tonnes représenteraient la consommation urbaine de Bouaké. La majorité des expéditions concernerait l’igname qui a fait de Bouaké le plus grand centre de redistribution de ce tubercule de la sous-région, un tiers des tonnages expédiés portant sur des produits secs (maïs et arachide). Aujourd’hui, la relève est très bien assurée par les villes zones forestières comme Sinfra, Tiassalé, Divo, Guiglo et autres Bouaflé, Danané. C’est donc de ces lieux que proviennent tous ces produits qui se retrouvent tous les jours sur nos marchés. « Vous comprenez pourquoi nous sommes obligées de veiller dans les points d’accueil », nous a confié Mme Trazié Sidoine.

Surproduction à l'intérieur, pénurie à Abidjan

Une des difficultés auxquelles doivent faire face ces commerçantes du vivrier est incontestablement la pénurie que rencontre les consommateurs du District d’Abidjan. En effet, pendant que la production vivrière connaît une embellie à l'Ouest, ce frémissement ne profite pas à l'ensemble du pays, notamment à Abidjan. Les causes, les problèmes d'approvisionnement. Pourtant, les produits vivriers inondent l'intérieur du pays. Un défi que doivent relever absolument toutes les structures de la filière du vivrier. « Notre slogan étant d’éviter à la Côte d’Ivoire la famine, nous faisons des efforts pour que la capitale économique soit toujours approvisionné.

C’est certes une tâche difficile mais nous y parviendrons. C’est donc le sens de notre perpétuel combat », tente de rassurer Mme Boli Bi Christiane, au marché Gouro de Yopougon. « Les causes de cette situations sont multiples. Entre autre, les difficultés liées du fait des mauvais états de nos pistes et routes », explique toujours notre interlocutrice, avant de poursuivre : « cette campagne, les pluies ont été particulièrement généreuses, entraînant une abondance des récoltes dans les zones de production, notamment à l'Ouest. Très tôt le matin, les paysannes effectuent plusieurs tours entre les champs et le village. Elles regroupent leurs produits sous des préaux en attendant l'arrivée des acheteurs potentiels en provenance des grandes villes. Mais le mauvais état de nos voies constitue un frein à l’écoulement vers les grandes agglomérations ». Compliqué tout cela. Malgré toutes ces difficultés, des femmes se sont fait distinguer positivement dans ce milieu de par leur présence massive.

La main mise des femmes Gouro.

Le business du vivrier leur colle à la peau. Originaires du centre ouest de la Côte d’Ivoire, les femmes Gouro n’ont pas usurpé leur omniprésence et leur hégémonie sur ce secteur. Un tour au marché Gouro d’Adjamé Roxy et vous vous rendez compte de cette main mise. C’est le cas de Mme Trazié Louise, originaire de Diégonefla, que nous avons surprise presque perdue au milieu d’une foule de marchandes. Elle a de la peine à répondre à notre préoccupation. Avec une fillette sur le dos, cette femme, la quarantaine révolue, un foulard de couleur rouge sur la tête, tente de servir ‘’ses clientes’’ qu’elle a du mal à maitriser. « Doucement, doucement, vous serez toutes servies », ne cessait-t-elle de crier. Sur insistance, l’une de ses compagnes finit par jeter un coup d’œil en notre direction tout en nous demandant de patienter. Entre temps, La foule ne cessait de grossir autour d’elle. Dans notre attente, nous observons le ballet des femmes venues se ravitailler. Elle finit une trentaine de minutes plus tard à nous recevoir. « Que voulez-vous ? », nous lance-t-elle. « Connaitre le secret de votre réussite dans le domaine du vivrier », répondons- nous. Après une période d’hésitation (certainement pour protéger son secret), elle se résout finalement à nous répondre dans un français approximatif. « Le courage, la volonté et le sérieux.

Nous n’avons pas peur de nous salir ». Compagne de route durant une vingtaine d’années de Mme Tah Lou Irié, Présidente du Conseil d’Administration du marché Gouro d’Adjamé Roxy, elle se dit fière de dominer toutes leurs consœurs qui essaient tant bien que mal, de leur tenir tête.

Aujourd’hui, la majorité de tous les marchés de vivriers portent le nom de ce groupe ethnique.

L’on n’est pas surpris qu’elles soient à la tête des plus grandes associations de ce domaine en Côte d’Ivoire. Mme Tah Lou Irié, est Présidente du Conseil d’Administration du marché Gouro d’Adjamé Roxy, le plus grand marché de vivriers de Côte d’Ivoire. Mme Irié Lou Irié Colette gère avec maestria la Fédération nationale des coopératives du vivrier (Fenacovici). Du côté de Cocody, c’est encore une autre, qui en a le contrôle. Il s’agit de Mme Boti Lou. Elles ont les mêmes ambitions, celles de permettre à la Côte d’Ivoire de se tourner vers l'autoconsommation. Autant elles sont au premier plan autant elles se retrouvent dans tous les marchés. Elles sont estimées à près de 60% dans ce secteur commercial très porteur au vu des derniers statistiques. Mais, force est de reconnaître qu’il serait imprudent de se fier aux chiffres au vu des réalités sur le terrain.

Les attentes de la population ivoirienne

Selon le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP version 2009), la Côte d’Ivoire est un pays dont 57% de la population vit en milieu rural. L’agriculture y représente l’activité principale avec 2/3 des recettes d’exportation et 2/3 des emplois. Elle contribue pour 27% du PIB et a permis de générer des revenus pour l’Etat, les producteurs et les exportateurs et a contribué au développement des secteurs secondaire et tertiaire. Le secteur vivrier occupe 85% de la population active agricole dont 90% sont des femmes. Les principales cultures vivrières sont le riz, l’igname, le manioc, la banane plantain, le maïs et les légumes. La production vivrière, estimée à 9.000.000 de tonnes en 2006, occupe une superficie de 2.448.000 ha. Elle est essentiellement réalisée par de petits agriculteurs utilisant du matériel rudimentaire et enregistre des rendements. La production vivrière (sans le riz) connaît une progression moyenne de 3,8%par an grâce à un accroissement des surfaces cultivées et non du fait de l’intensification. Le système de production n’a pas subi d’amélioration majeure. La production nationale, estimée à 700 000 tonnes de riz blanchi en 2007, ne permet de satisfaire actuellement que 50% des besoins de la consommation intérieure estimée à 1300 000 tonnes de riz blanchi. Pour combler ce déficit, la Côte d’Ivoire a recours à des importations massives qui se chiffrent en 2007 à 808 781 tonnes pour un coût de plus de 150 milliards de F CFA, et qui proviennent des pays asiatiques. Lorsqu’on observe ce bilan, l’on est à même de dire que ce secteur est porteur. Cependant, l’auto suffisance prônée est loin d’être atteinte. Une raison supplémentaire pour ces braves commerçantes de redoubler d’ardeur. Aucun effort n’étant vain, elles finiront certainement avec l’aide de l’Etat ivoirien par être récompensées.

Réalisée par Jules César Y.
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