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Politique Publié le samedi 30 janvier 2010 | Le Patriote

Interview / Seka Adoubi Apollinaire (Ancien secrétaire aux finances de la FESCI) : “En 2000, Blé Goudé n’était pas pour Gbagbo”

Seka Adoubi Apollinaire. Un nom qui peut ne pas dire grand’chose à certaines personnes. Mais dont d’autres se souviendront toute leur vie. Parmi ces personnes, un certain … Blé Goudé Charles, alors secrétaire général de la FESCI. Ancien secrétaire aux finances de ce syndicat estudiantin dans le bureau de Blé Goudé, Séka Adoubi Apollinaire et Blé Goudé étaient plus que des proches. Ils étaient des intimes. Tellement intimes que Blé Goudé n’a pas hésité un seul instant à se confier à lui, lorsqu’il s’est agi de trouver un ‘’homme lige’’ dans sa fameuse affaire de licence volée en 2001. Après plusieurs années de silence, l’homme a bien voulu se confier à un journal. Et il a choisi le Patriote. Dans cette interview, l’ancien bras droit et homme à tout faire de l’actuel Directeur de campagne de Gbagbo, chargé de la jeunesse, sort de sa réserve. Des vérités jamais dites de Séka Adoubi Apollinaire sur Blé Goudé. Entretien.

LP. Que retenez-vous de vos années FESCI?

Seka Adoubi Apollinaire : Les années que j’ai passées à la FESCI m’ont beaucoup éclairé. Et si c’était à refaire, je le referais sans une aucune hésitation. Parce que ces années m’ont été très profitables. A travers ce militantisme, je me suis fait beaucoup d’amis. Pour cela, j’en suis fier.

LP. Etes-vous en contact avec vos anciens camarades de la FESCI?

SAA: J’ai conservé les relations avec certains camarades qui, comme moi, ne sont pas dans le camp présidentiel. Nous nous appelons. Mais j’ai aussi gardé de bons contacts avec certains qui sont dans le présidentiel. Nous nous appelons et nous nous rencontrons souvent.


LP: Comment expliquez-vous que pendant que certains d’entre vous sont délaissés, d’autres sont soutenus par le camp présidentiel et roulent carrosse?

SAA: Nous avons mené un combat. Nous avons porté quelqu’un au pouvoir. Ce que nous constatons, c’est qu’il y a une différence dans le traitement des camarades de lutte d’hier. Certains ont été privilégiés comme vous pouvez le constater. Ils ont aidé certains à rentrer par exemple à l’Ecole nationale d’administration (ENA) pendant que d’autres sont des laissés-pour-compte.

LP. Vous étiez le secrétaire national aux finances de la FESCI. Quelles étaient les relations entre ‘’l’argentier’’ que vous étiez et le patron qu’était Blé Goudé?

SAA: Blé Goudé et moi, nous avons eu de très bonnes relations. Même en dehors de l’exercice de nos fonctions au niveau de la FESCI. On était toujours ensemble. Tout le monde le sait. On a voyagé ensemble partout en Côte d’Ivoire. On dormait ensemble. On faisait tout ensemble.

LP: Et maintenant?

SAA : Maintenant, le pouvoir rend aveugle et obscurcit les relations pour certains. Aujourd’hui, on est coupés lui et moi, quoiqu’il se soit servi de moi pour atteindre un stade. Je voudrais expliquer l’origine de nos affinités, Blé et moi. Quand Soro Guillaume sortait de la FESCI, il nous a présenté un candidat qui s’appelait Karamoko Yayoro. Il nous l’a présenté pour qu’on le soutienne et qu’il conduise la destinée de la FESCI. Nous, en tant que secrétaires généraux de section, on a plutôt penché pour Blé Goudé qui, en tant que secrétaire à l’organisation, était plus en contact avec nous par rapport à Karamoko qui était le numéro 2 de la FESCI et qui était un peu loin de la base.

C’est ainsi que nous avons contribué à l’élection de Blé. Une fois élu, il m’a appelé au bureau national. Et depuis, on a gardé ces relations jusqu’à la rupture, en 2002.

LP. Pouvez-vous nous expliquer comment s’est faite l’élection de Blé Goudé à la tête de la FESCI ?

SAA : Il faut dire que l’élection de Charles Blé Goudé s’est faite dans la douleur. Il y avait trois clans, celui de Karamoko Yayoro, celui de Drigoné Bi dit Faya, et celui de Blé Goudé. En réalité, il y avait quatre candidats à cette époque-là. Le premier congrès, celui qui devrait se tenir en 1997 a avorté. C’est finalement en 1998 que le congrès qui a porté Blé Goudé à la tête de la FESCI a été organisé. Ce que je retiens, c’est que ce congrès ne s’est pas fait dans le calme. Il s’est fait dans la bagarre des clans, les deux autres clans étant contre celui de Blé Goudé. Finalement, Blé Goudé est sorti vainqueur suivi de Drigoné Bi dit Faya et de Karamoko Yayoro.

LP. Est-il juste de dire que c’est avec Blé Goudé que la violence a fait son entrée au sein de la FESCI?

SAA: En réalité, les gens qui l’entouraient étaient des hommes très, très durs. Ce sont eux qui lui ont donné un certain coffre. Ils étaient si influents qu’ils pouvaient donner n’importe quel mot d’ordre et celui-ci était sûr d’être exécuté. Evidement, Blé en profitait pour durcir davantage ces mots d’ordre, avec les conséquences qu’on sait.

LP: Blé Goudé aurait été soutenu et financé par le FPI. Qu’en est-il?

SAA: Le FPI n’a pas soutenu Blé Goudé. Blé Goudé était vu comme un rebelle. Parce que d’abord, à la sortie des instances de la FESCI, il était convenu que Soro monte au Secrétariat général du FPI. Damana Pickass devait prendre la jeunesse du FPI et Yayoro, la tête de la FESCI. C’est en ce moment que Blé Goudé s’est demandé où, lui, devrait être. C’est en tant que rebelle qu’il s’est présenté. Il n’a pas été soutenu par le FPI en tant que tel. Ce sont peut-être des individus membres du FPI qui l’ont soutenu. C’est plutôt le PDCI qui a financé la campagne de Blé Goudé Charles. Certains camarades l’ont aussi aidé.

LP: Au cours d’une conférence de presse, vous avez affirmé que c’est par vous que Blé est passé pour avoir sa licence. Que s’est-il passé exactement?

SAA : Merci pour l’occasion que vous me donnez aujourd’hui de faire la lumière sur cette question. J’en avais déjà parlé, mais je pense que beaucoup n’ont pas compris. Effectivement, dans le temps, il y avait un camarade qui siégeait au niveau du Conseil de l’Université. Je préfère taire son nom. Comme il siégeait au niveau du Conseil, il avait une certaine notoriété. C’est lui que Blé avait contacté au départ. Il était étudiant. Il n’était pas trop de notre bord, mais vu la circonstance, Blé l’a approché pour qu’il puisse nous aider. Il n’y a pas vu d’inconvénients. Il a donc fait appel à ses contacts pour lui permettre de prendre la licence.

LP: Vous confirmez donc face à la Nation ivoirienne que Blé ne s’est jamais assis dans une sale de composition pour obtenir sa licence?

SAA: Oui, cela a été confirmé, bien avant que le témoin oculaire ne puisse prendre la parole aujourd’hui pour parler. Il y a une enquête qui avait été menée dans le temps. Tous les étudiants de la licence avaient été interrogés. Parmi les interrogés, il y avait des membres du bureau national de la FESCI. Tous ont dit qu’ils n’ont jamais vu composer Blé Goudé. Moi, je ne fais qu’apporter la vérité, le témoignage dans ce qui s’est passé.

LP: Comment est-ce que cette tricherie a été découverte?

SAA: D’abord, quand les résultats ont été affichés, les étudiants ont commencé à murmurer pour dire qu’ils n’avaient pas vu composer Blé Goudé. Les murmures ont dépassé le cadre de l’Université. C’est ainsi que d’autres oreilles se sont intéressées à la chose. Par la suite, le problème est entré dans le domaine public.

LP: Où était Blé Goudé quand la problème a éclaté?
SAA: Blé Goudé était déjà parti à Manchester.

LP: Comment Blé Goudé a-t-il été informé ?

SAS: Il a été informé par la presse. Il nous a appelés de là-bas. Nous lui avons fait le point. Cela a fait que, c’était un peu dur pour lui de revenir ici. Le Professeur Toro Seri a été suspendu pendant 2 ans sans salaire. Il est passé au Conseil de discipline. Il a payé sa part au niveau de l’Université.

LP: Aujourd’hui que devient le Professeur Toro Sery?

SAA: Je ne suis plus au département d’Anglais. Je ne sais pas ce qu’il est devenu.

LP : Et vous-même, qu’est ce que vous devenez?

SAA : J’ai un niveau d’étude doctoral en sociologie de développent économique et social. Pour l’heure, je suis consultant dans les organismes qui luttent pour le VIH SIDA et je suis permanemment dans un centre sanitaire du VIH SIDA en tant que chef du personnel.

LP: Comment se sont passées les premières semaines du retour de Blé après l’éclatement de la guerre?

SAA: Il faut dire qu’on ne se voyait pas. Ce que je sais, c’est que Blé Goudé n’a pas apprécié mon attitude dès le début de la guerre. J’étais le premier à m’être insurgé contre ceux qui attaquaient la Côte d’Ivoire. J’ai fait la première déclaration à la télévision. Les journalistes de la RTI peuvent le témoigner. Vous savez, Blé Goudé est très jaloux. Le fait que j’essaie d’être l’un des leaders, n’a pas été de son goût. Il ne veut pas que d’autres personnes émergent. Quand l’Alliance des Jeunes patriotes a été créée à la radio avec l’aide de Pol Dokui, c’est nous, avec Tapé Koulou qui étions au premier plan. Pendant les meetings, il ne voulait pas que je prenne la parole. J’ai essayé de savoir ce qui se passait. C’est ainsi que le camarade Gnahoua qui est devenu aujourd’hui commissaire de police, qui au cours du meeting du 2 novembre, était chargé d’enregistrer les intervenants, m’a dit la vérité. Il m’a dit que Blé ne voulait pas que j’intervienne. Il m’a même dit que parfois, Blé a rayé mon nom de la liste des intervenants pendant les meetings. J’ai accepté cela.

LP. Comment expliquez-vous que Blé qui n’était pas au départ de la création de l’alliance, se retrouve aujourd’hui à la tête de cette alliance?

SAA: C’est simple. Cela est dû aux ambitions démesurées qu’il a. La guerre n’était vraiment pas bonne pour tout le monde, mais certains en ont profité pour se faire une place au soleil. Il faut savoir qu’il y a du marketing au niveau national et international. Des gens ont profité de la situation. Blé Goudé s’est imposé en noyant beaucoup de ceux qui était à la base de la création de l’alliance. Ce que je voudrais dire et que beaucoup ne savent pas, c’est que, pendant les élections de 2000, Blé n’était pas pour Laurent Gbagbo. Il faut que cela soit connu de tous. Il se proclame aujourd’hui de Laurent Gbagbo.

En réalité, l’homme que je connais, ne soutient aujourd’hui Laurent Gbagbo que par intérêt politique. Parce que en 2000, il n’était pas pour Laurent Gbagbo. Quand nous étions au dernier meeting du FPI animé par Damana Pikas, Blé n’a pas voulu prendre la parole en public, pour dire à la fois aux étudiants et aux Ivoiriens de voter Laurent Gbagbo. Quand on l’a approché, il a répondu qu’il n’a pas eu mandat d’une AG pour intervenir dans ce sens. Le camarade Kéké Joël et moi-même, lui avions dit que nous sommes membres du bureau national et qu’on lui donnait cette prérogative. On ne pouvait pas aller en AG parce que les élections devraient se tenir le lendemain. Il a été mis en minorité. C’est ainsi qu’il a pris la parole. En réalité, il était convaincu qu’on ne pouvait pas arracher le pouvoir à Gueï. Il était convaincu que Gueï n’allait pas lâcher le pouvoir. Pour lui, il fallait s’allier à Gueï pour être dans le bon camp.

LP: En clair, quel était son choix?

SAA: Ce que je sais, c’est qu’il était en amitié avec le camarade Ahipeaud Martial, un grand frère que j’affectionne beaucoup. C’est lui qui cordonnait tout au niveau de la jeunesse pour Gueï. Un moment, il m’a même demandé si je croyais en la victoire de Gueï?

LP: Quel est votre avis sur les accusations que Blé porte contre Mambé?
SAA: Je suis un peu désolé, mais moi je pense que Blé est mal placé pour dénoncer un tel fait.

Quand nous analysons sa vie qui a été entachée d’une fausse licence, je pense qu’il est mal placé. Pour nous, nous accordons la présomption de bonne foi à Beugré Mambé. S’il est a été avéré qu’il a fait du faux, qu’il soit remis à la police. S’il s’avère aussi qu’on lui a fait du tort, en faisant de la diversion pour reporter les élections, je dis non et je condamne cette attitude avec la dernière énergie. Pour terminer, je voudrais dire aux camarades de la FESCI que nous avons, dans le temps, mené un combat pour un homme en qui nous avions placé beaucoup d’espoir.

Aujourd’hui, nous constatons que ça n’a pas été le cas. On indique que certains partis sont basés sur les régions, je pense que tous les partis fonctionnent ainsi. Au niveau de la FESCI, nos camarades qui ont été pistonnés pour être à l’ENA, sont tous des bété. Les autres sont à l’ENA par leur propre travail. Beaucoup d’entre nous volons de nos propres ailes.

Interview réalisée par Yves-M. ABIET Coll : Thiery Latt
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