Fadal Dey, l’artiste reggae ivoirien au verbe incisif vient de sortir un nouvel album intitulé ‘‘Ma culpa’’. Dans cet entretien, il présente ses excuses à feu le président Houphouët-Boigny et exprime sa déception vis-à-vis du pouvoir dirigé par Gbgagbo.
Ton nouvel album s’intitule ‘‘Mea culpa’’. Que te reproches-tu ?
J’estime qu’aujourd’hui, je ne suis plus un enfant. Je suis responsable de ce que je fais. J’ai observé ma vie et aussi la vie politique en Côte d’Ivoire, et je me suis rendu compte que j’avais fait du tort à un vieil homme qui, malheureusement n’est plus. J’ai participé à le vilipender à l’humilier, mais il faut dire que j’étais jeune et je ne savais pas ce que je faisais parce que j’ai suivi le mouvement de l’époque. Et je me rends compte, 20 ans après, que je me suis trompé. Tout ce que nous avons aujourd’hui, les ponts, les routes, qui malheureusement sont dégradées, les Chu sont des acquis que nous avons eus grâce à Houphouët. Tous ceux qui sont passés après lui n’ont pas fait mieux. Au regard de tout çà, j’ai vu que je m’étais trompé. J’ai eu tort de l’appeler voleur. J’ai décidé alors de faire mon ‘‘Mea culpa’’ et lui demander pardon. Je souhaite que ceux qui nous ont poussés à poser cet acte puissent m’emboîter le pas.
Des titres comme ‘‘Probo Koala’’, ‘‘Les prisonniers de la guerre’’ indexent directement le pouvoir en place. Est-ce une façon de dire que tu es déçu de ce pouvoir?
Oui, je suis très déçu parce que je suis un enfant du peuple. Je suis un jeune Ivoirien qui vient d’Odiénné et de Zuénoula. Je n’ai qu’un pays. Pour moi, critiquer, c’est participer à l’évolution du pays. En tant qu’Ivoirien, j’ai le droit de donner mon opinion et ma vision des choses. J’estime qu’il y a des gens qui sont dans des prisons dorées. Ils jouissent de la situation de guerre que nous vivons. Quand il y a la guerre, eux ils ‘‘mangent’’. Tant qu’il y a la guerre, ils sont aux anges. La guerre fait leur affaire. Or, la majorité des Ivoiriens soufre, la majorité des Ivoiriens aspire à la paix. Moi je fais parti de ceux-là. Je suis leur voix car ils sont des sans voix. C’est pourquoi dans la chanson ‘‘Les prisonniers de la guerre’’, je voudrais qu’on aille à l’essentiel en allant à la paix. Avec ‘‘Probo Koala’’, j’estime que rien ne justifie le fait qu’on ait déversé des déchets toxiques en Côte d’Ivoire. C’est pour cela que j’ai décidé de faire mon mea culpa et estimé que sous Houphouët-Boigny, aucun ‘‘Babiè’’ (Salaud en langue malinké ndlr) de blanc ne pouvait avoir le courage de venir lui proposer de l’argent pour déverser des déchets toxiques en Côte d’Ivoire. Et même pour dévaluer le franc cfa, il a fallu qu’il meurt d’abord. C’était un baobab, un gros arbre qui nous protégeait et, sans le savoir, nous l’avons humilié. Il le disait lui-même : « Le vrai bonheur, on ne l’apprécie que lorsqu’on l’a perdu ». Je ne dis pas qu’il était juste à 100% parce que c’était un homme; mais il faut reconnaître que pendant qu’il était là, on vivait dans une paix parfaite. On ne faisait pas de différence entre les Ivoiriens. On pouvait aller du primaire à l’université avec quelqu’un sans se soucier de ses origines. Et tout cela a changé aujourd’hui.
Tu dis ceci : « Ils disent être des messies, mais dès qu’ils arrivent au pouvoir, ils oublient le peuple ». Penses-tu que le pouvoir actuel a oublié le peuple ?
Oui. La majorité des Ivoiriens souffre. Aujourd’hui, il y des Ivoiriens qui mangent une fois tous les deux jours. Or, quand les refondateurs étaient dans l’opposition, ce n’est pas ce qu’ils nous avaient promis. Le délestage, c’est nous qui le subissons, les déchets toxiques, c’est nous qui prenons les pots cassés. Le fait qu’il n’y ait pas de routes, c’est le peuple qui subit. Tous les politiciens d’Afrique sont les mêmes. Quand ils sont dans l’opposition, ils ont un langage, mais quand ils arrivent au pouvoir, ils oublient carrément le peuple. Il faut que ça change parce que c’est nous qui les votons, nous sommes leur patron. On ne doit pas avoir peur de critiquer un président de la République parce que c’est notre employé. Si aujourd’hui le peuple descend dans la rue pour dire qu’il ne veut plus du président, il ne sera plus rien. Alors, je suis fier du combat que je mène.
N’as-tu pas peur d’indexé ainsi le pouvoir ?
Non. Gbagbo lui-même a fait la prison plusieurs fois, mais il n’avait pas peur d’attaquer le pouvoir d’Houphouët. J’attaque un système, pas un individu. Tant que le système n’est pas profitable au peuple, l’artiste reggae doit le dénoncer. Au contraire, j’ai peur de la piraterie. Ma peur, c’est qu’on pirate nos œuvres, et l’Etat ne réagit pas.
Penses-tu qu’en chantant les choses vont changer ?
Pourquoi pas ? Mon combat ne se limite pas à la Côte d’Ivoire, il va au-delà. Quand on écoute une chanson comme ‘‘Mon général’’, dans laquelle je demande au général qui vient juste de goûter au pouvoir de ne pas faire comme Lassana Konté ou Dadis Camara. ‘‘Les prisonniers de la guerre’’, ce sont des gens qui, à chaque fois qu’on va vers la paix, posent de nouvelles conditions. En tant que reggae man, nous disons haut ce que le peuple pense tout bas. Je sais que la musique peut changer tout-ça. Par exemple, quand j’ai sorti mon premier album ‘‘Gouvernants chauve-souris’’ où le multipartisme venait juste d’arriver, l’album dans lequel je dénonçais le maintien au pouvoir du parti unique contre la volonté du peuple, Gbagbo aimait beaucoup cette chanson. Il utilisait même certaines paroles de cette chanson dans ses discours. Le combat paie tôt ou tard. C’est pourquoi nous le menons.
Cet acharnement contre le pouvoir en place n’est-il pas un aveu de ton appartenance à un parti de l’opposition ?
Je ne m’oppose pas au gouvernement en place, je m’oppose au système appliqué par le pouvoir en place. Le pouvoir en place est peut-être bon, mais si le système est mauvais, nous on frappe. Je ne milite pour aucun parti politique parce que l’artiste est plus important que les partis politiques. Aujourd’hui, j’ai plus d’un million d’albums vendus, en piraté. Quand j’arrive dans un stade, il est plein. Il y a des partis politiques qui ne font pas le plein des stades. Il n’y a pas un seul parti politique de la place qui peut dire que j’ai sa carte de membre. Je suis partout parce que j’ai des fans partout. Tous les partis m’appellent dans le cadre de mon travail d’artiste, et je réponds présent, pourvu qu’on paye mon cachet.
Ton nouvel album s’intitule ‘‘Mea culpa’’. Que te reproches-tu ?
J’estime qu’aujourd’hui, je ne suis plus un enfant. Je suis responsable de ce que je fais. J’ai observé ma vie et aussi la vie politique en Côte d’Ivoire, et je me suis rendu compte que j’avais fait du tort à un vieil homme qui, malheureusement n’est plus. J’ai participé à le vilipender à l’humilier, mais il faut dire que j’étais jeune et je ne savais pas ce que je faisais parce que j’ai suivi le mouvement de l’époque. Et je me rends compte, 20 ans après, que je me suis trompé. Tout ce que nous avons aujourd’hui, les ponts, les routes, qui malheureusement sont dégradées, les Chu sont des acquis que nous avons eus grâce à Houphouët. Tous ceux qui sont passés après lui n’ont pas fait mieux. Au regard de tout çà, j’ai vu que je m’étais trompé. J’ai eu tort de l’appeler voleur. J’ai décidé alors de faire mon ‘‘Mea culpa’’ et lui demander pardon. Je souhaite que ceux qui nous ont poussés à poser cet acte puissent m’emboîter le pas.
Des titres comme ‘‘Probo Koala’’, ‘‘Les prisonniers de la guerre’’ indexent directement le pouvoir en place. Est-ce une façon de dire que tu es déçu de ce pouvoir?
Oui, je suis très déçu parce que je suis un enfant du peuple. Je suis un jeune Ivoirien qui vient d’Odiénné et de Zuénoula. Je n’ai qu’un pays. Pour moi, critiquer, c’est participer à l’évolution du pays. En tant qu’Ivoirien, j’ai le droit de donner mon opinion et ma vision des choses. J’estime qu’il y a des gens qui sont dans des prisons dorées. Ils jouissent de la situation de guerre que nous vivons. Quand il y a la guerre, eux ils ‘‘mangent’’. Tant qu’il y a la guerre, ils sont aux anges. La guerre fait leur affaire. Or, la majorité des Ivoiriens soufre, la majorité des Ivoiriens aspire à la paix. Moi je fais parti de ceux-là. Je suis leur voix car ils sont des sans voix. C’est pourquoi dans la chanson ‘‘Les prisonniers de la guerre’’, je voudrais qu’on aille à l’essentiel en allant à la paix. Avec ‘‘Probo Koala’’, j’estime que rien ne justifie le fait qu’on ait déversé des déchets toxiques en Côte d’Ivoire. C’est pour cela que j’ai décidé de faire mon mea culpa et estimé que sous Houphouët-Boigny, aucun ‘‘Babiè’’ (Salaud en langue malinké ndlr) de blanc ne pouvait avoir le courage de venir lui proposer de l’argent pour déverser des déchets toxiques en Côte d’Ivoire. Et même pour dévaluer le franc cfa, il a fallu qu’il meurt d’abord. C’était un baobab, un gros arbre qui nous protégeait et, sans le savoir, nous l’avons humilié. Il le disait lui-même : « Le vrai bonheur, on ne l’apprécie que lorsqu’on l’a perdu ». Je ne dis pas qu’il était juste à 100% parce que c’était un homme; mais il faut reconnaître que pendant qu’il était là, on vivait dans une paix parfaite. On ne faisait pas de différence entre les Ivoiriens. On pouvait aller du primaire à l’université avec quelqu’un sans se soucier de ses origines. Et tout cela a changé aujourd’hui.
Tu dis ceci : « Ils disent être des messies, mais dès qu’ils arrivent au pouvoir, ils oublient le peuple ». Penses-tu que le pouvoir actuel a oublié le peuple ?
Oui. La majorité des Ivoiriens souffre. Aujourd’hui, il y des Ivoiriens qui mangent une fois tous les deux jours. Or, quand les refondateurs étaient dans l’opposition, ce n’est pas ce qu’ils nous avaient promis. Le délestage, c’est nous qui le subissons, les déchets toxiques, c’est nous qui prenons les pots cassés. Le fait qu’il n’y ait pas de routes, c’est le peuple qui subit. Tous les politiciens d’Afrique sont les mêmes. Quand ils sont dans l’opposition, ils ont un langage, mais quand ils arrivent au pouvoir, ils oublient carrément le peuple. Il faut que ça change parce que c’est nous qui les votons, nous sommes leur patron. On ne doit pas avoir peur de critiquer un président de la République parce que c’est notre employé. Si aujourd’hui le peuple descend dans la rue pour dire qu’il ne veut plus du président, il ne sera plus rien. Alors, je suis fier du combat que je mène.
N’as-tu pas peur d’indexé ainsi le pouvoir ?
Non. Gbagbo lui-même a fait la prison plusieurs fois, mais il n’avait pas peur d’attaquer le pouvoir d’Houphouët. J’attaque un système, pas un individu. Tant que le système n’est pas profitable au peuple, l’artiste reggae doit le dénoncer. Au contraire, j’ai peur de la piraterie. Ma peur, c’est qu’on pirate nos œuvres, et l’Etat ne réagit pas.
Penses-tu qu’en chantant les choses vont changer ?
Pourquoi pas ? Mon combat ne se limite pas à la Côte d’Ivoire, il va au-delà. Quand on écoute une chanson comme ‘‘Mon général’’, dans laquelle je demande au général qui vient juste de goûter au pouvoir de ne pas faire comme Lassana Konté ou Dadis Camara. ‘‘Les prisonniers de la guerre’’, ce sont des gens qui, à chaque fois qu’on va vers la paix, posent de nouvelles conditions. En tant que reggae man, nous disons haut ce que le peuple pense tout bas. Je sais que la musique peut changer tout-ça. Par exemple, quand j’ai sorti mon premier album ‘‘Gouvernants chauve-souris’’ où le multipartisme venait juste d’arriver, l’album dans lequel je dénonçais le maintien au pouvoir du parti unique contre la volonté du peuple, Gbagbo aimait beaucoup cette chanson. Il utilisait même certaines paroles de cette chanson dans ses discours. Le combat paie tôt ou tard. C’est pourquoi nous le menons.
Cet acharnement contre le pouvoir en place n’est-il pas un aveu de ton appartenance à un parti de l’opposition ?
Je ne m’oppose pas au gouvernement en place, je m’oppose au système appliqué par le pouvoir en place. Le pouvoir en place est peut-être bon, mais si le système est mauvais, nous on frappe. Je ne milite pour aucun parti politique parce que l’artiste est plus important que les partis politiques. Aujourd’hui, j’ai plus d’un million d’albums vendus, en piraté. Quand j’arrive dans un stade, il est plein. Il y a des partis politiques qui ne font pas le plein des stades. Il n’y a pas un seul parti politique de la place qui peut dire que j’ai sa carte de membre. Je suis partout parce que j’ai des fans partout. Tous les partis m’appellent dans le cadre de mon travail d’artiste, et je réponds présent, pourvu qu’on paye mon cachet.