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Politique Publié le jeudi 18 mars 2010 | Le Temps

Trois semaines après le soulèvement de l`opposition : Les langues se délient à Bouaké et Korhogo

Les violentes manifestations de rue du Rhdp commencent à livrer leurs secrets. Incursion au cœur de l'ex-rébellion. Reportage !

Nous sommes le samedi 20 février 2010. Une date qui sera à jamais inscrite dans les annales de la politique ivoirienne, certes, mais surtout dans celles de la gestion des zones sous contrôle de l'ex-rébellion. Ce jour-là, prétextant d'un appel à manifester lancé par le président du directoire de la coalition de l'opposition, Djédjé Mady, réunie au sein du Rhdp, des jeunes, pour la plupart des gamins, se soulèvent, prennent d'assaut les rues de Bouaké, de Korhogo et comme animés d'un esprit maléfique, détruisent, saccagent et incendient des biens publics, privés. Le domicile du Directeur national de campagne de Laurent Gbagbo, n'échappe pas à la furia de ces gamins, y compris le siège du Fpi. Tout est attaqué, pillé, et détruit, à l'instar de la mairie de Bouaké, de la toute récente compagnie urbaine de transport, Stub (Société de transport urbain de Bouaké), la préfecture centrale. Les occupants n'ont eu la vie sauve que grâce à de bonnes volontés. Si tous ces soubresauts de ce samedi noir, semblent au départ être collés au motif d'appel à l'insurrection de Djédjé Mady, plus de trois semaines après, des langues se délient et l'on parle de plus en plus d'un véritable coup, planifié, et qui devait mettre à mal le processus de paix. Qui connaît une avancée notable grâce à l’Accord politique de Ouagadougou signé le 4 mars 2007. De quoi s'agit-il effectivement ? Pourquoi, en est-on arrivé là. Autant de questions qui méritent réponses, en tenant compte de nouveaux éléments à notre disposition. Retour sur un soulèvement à relent insurrectionnel, dont les conséquences auraient été plus catastrophiques que celles que le pays a connues le 19 septembre 2002.

La marche, un prétexte, pour réaliser le funeste plan

Mardi 9 mars, 10h 42 minutes. Notre équipe de reportage foule le sol de Bouaké. Un matin encore glacial à cause de l’harmattan, avec un ciel clément, comme le disent les météorologues. Mais ce qui fait la différence ce jour-là, c'est le mélange de chaleur ressenti après seulement quelques minutes de marche. Nous voici devant la préfecture centrale de la capitale de la Région de la Vallée du Bandama, connue aussi sous le nom, non moins intéressant de " fief de l'ex-rébellion ". Pour avoir abrité tous les services de transmissions (administratifs, politiques et militaires) des Forces nouvelles (Fn). Un calme plat dans l'enceinte de la préfecture. Des taches de pneus brûlés à l'entrée témoignent de l'intensité de la sottise humaine enregistrée ce samedi 20 février. Un témoin oculaire raconte : " Ici, tout était noir de fumée. Des pneus étaient dressés et incendiés par une horde de gamins. En tout cas, de véritables enfants animés d'une rare colère se sont amassés là ", nous confie-t-il, montrant du doigt le bitume noirci. Un véritable gâchis pour notre jeunesse aujourd'hui, ajoute, un autre témoin, gardant tous l'anonymat. Ce qui nous pousse à aller loin en entrant dans l'enceinte de la préfecture. Ce lieu, autrefois fierté de la capitale du Centre, est devenu l'ombre de lui-même. Vu les dégâts perpétrés contre cet édifice de l'Etat. Abritant les fonctionnaires de l'Etat, pour une mission de service public. Qu'est-ce qui a pû arriver à ces jeunes ? S'est interrogé T. Adama. Un pas à l'intérieur du bâtiment que tout semble la désolation, la tristesse. Plus rien ne peut fonctionner. Bureaux, accessoires, toitures… tout est parti en fumée. Des flammes d'une intensité inouïe ont envahi cet édifice. A la grande joie des instigateurs. Non loin de nous, juste devant, un cimetière de voitures 4x4, calcinées. Irrécupérables, même pour la casse d'Abobo, à Abidjan. Quel gâchis ! Poursuivant notre randonnée, nous arrivons à la gare de la Stub. Arrivée nouvellement dans la ville de Bouaké, cette société de transport, initiative du maire Fanny Ibrahim, subit sa toute première furia. Sa sœur jumelle d'Abidjan, Sotra, en est habituée. Elle qui, à chaque mouvement de protestation, enregistre des bus brûlés ou saccagés. Cela n'émeut plus personne, puisque que les mêmes sont à l'assaut des bus tôt le matin, une fois la colère partie. Plus d'une dizaine de bus partis en fumée. Chose étrange dans tout ça, ces manifestants ont eu l'audace de tout démonter. Pièce par pièce, pneu par pneu. En tous cas, tout ce qui pourrait leur être " utile ". " Ils ont tout démonté, pillé, volé ", confie un agent de la Stub rencontré sur les lieux. Et de persister en disant que " c'est un prétexte qu'ils ont trouvé pour venir nous voler ". Outre cette destruction, la mairie n'a pas échappé. La salle de mariage à été soigneusement " dépouillée " de tout son décor. Ce jour-là, raconte un infortuné, des prétendants au mariage sont repartis la mort dans l'âme. Certains accusant le sort, d'autres jetant leur dévolu sur le Rhdp. Mais plus, il se raconte dans tous les coins, buvettes, boîtes de nuit, à Bouaké que le soulèvement de ces gamins a bien d'autres origines. Si ce n'est de jeter l'opprobre sur Laurent Gbagbo, ou son premier ministre, Guillaume Soro. Car, comment comprendre qu'une simple manifestation visant à dénoncer le délestage a pu dégénérer. En effet, selon des sources bien informées, il s'est agi d'un prétexte pour réaliser " le funeste plan de déstabilisation " et de " sabotage du processus de sortie de crise, bien entamée par l'Apo". Et l'opposition, soutenue par une branche de l'ex-rébellion. Qui a armé ces gamins, en les jetant dans la rue et le moment venu, les véritables commanditaires, tapis dans l'ombre, viendront pour ouvrir le champagne.

Voici comment le plan a été déjoué, ceux qui seraient impliqués

Si dans d'autres localités, il y a eu des marcheurs, à Korhogo et notamment à Bouaké, l'on a eu affaire à une autre catégorie de mécontents. Ceux-là, sont des gamins, des propriétaires de moto-taxi et des vendeurs de carburant à tous les coins de rue. En effet, pour assouvir leur dessein, des ex-rebelles à la solde de l'opposition coalisée au sein du Rhdp, ont donné des ordres bien définis à ces gamins. Pour la plupart d'origine étrangère. Leur promettant vivres et mieux-être une fois le but atteint. Et le but, c'est de renverser Guillaume Soro et par extension, fragiliser Gbagbo et pourquoi pas conclure qu'il a échoué, en dissolvant la Cei et le Gouvernement. Donc, en un mot, l'échec de l'Apo. " Tous ceux que vous voyez-là sont des ex-rebelles. Ils n'hésitent pas pour un oui ou non, à descendre dans la rue ", révèle K. G, nous montrant des vendeurs de carburant en détail et des chauffeurs de taxi motos. Ajoutant que lors des événements, ce sont " eux qui se sont attaqués aux biens publics et privés ". Motif. Bien simple, nous conte notre interlocuteur. Qui soutient qu'au-delà du saccage et du pillage des bus, qui est un règlement de compte- Fanny est accusé de ravir le marché aux taxi-motos en introduisant le transport en commun, le bus-, l'option était de mettre tout en feu et par delà, créer un climat de psychose au sein de la population avec la fumée. Quitte à eux maintenant de profiter de l'occasion pour asseoir leur stratégie de maîtrise de la ville. Une fois la ville gagnée par la panique. Aussi a-t-il estimé que la réaction tardive des éléments des Forces nouvelles y est pour quelque chose. En fait, pendant que ces gamins armés de gourdins et de cailloux s'adonnaient à cœur joie à leur sale besogne, aucun responsable militaire des Fn, d'habitude prompt à réagir, n'a osé intervenir. Il a fallu plus tard, quand le mouvement a commencé à s'intensifier pour qu'ils sortent de leur réserve. Trop tard. Des informations reçues relativement à leur silence, font état de ce qu'au départ, ni les com'zones, ni les com'secteurs, ni les subalternes, ne savaient qui étaient derrière les manifestants. C'est après quelques minutes que certains, voyant l'ampleur de la situation, ont compris qu'il faut agir. Pour ne pas se rendre complice d'une autre rébellion. C'est juste à ce moment, que Chérif Ousmane, voyant la vie des autorités préfectorales et sous-préfectorales en danger, va ordonner à ses éléments de rentrer en scène. Une simple farce ou jeu de mise en scène ? On connaîtra la suite, quand le sous-préfet a eu sa vie sauve grâce aux soins des hommes de la Compagnie Guépard. Qui, en fait, voulaient se laver les mains, à la Ponce Pilate. Car, apprend-on, plus tard, que Chérif Ousmane, très attaché à sa logique, celle de soutenir jusqu'au bout son maître, Ado, s'est vu esseulé. Face à cela, il a abdiqué et a choisi de jouer les républicains. Outre ce comportement qui jette du doute sur l'intervention tardive des Fn, l'on évoque, et c'est peut-être la thèse la plus plausible, le bouleversement de l'ordre établi. Un groupe d'ex-rebelles, fortement bellicistes, veut prendre les rênes des Fn, dirigées par Guillaume Soro. Et ce samedi, alors que le Sg des Fn, Soro s'apprêtait à consulter la base sur la formation du nouveau gouvernement et la nouvelle Cei, des voix discordantes se seraient élevées pour rejeter du revers de la main, le maintien de Soro au poste de Premier ministre. Pour ceux-là, Soro en acceptant d'être reconduit, a trahi la lutte. Soutenus par des opposants, ces bellicistes avaient trouvé le mot d'ordre de Djédjé Mady, comme le détonateur. Et donc il fallait monter de toutes pièces une marche dans les zones Cno. Le choix de Bouaké et de Korhogo n'étant pas fortuit. Ces villes au début de la crise de septembre 2002, ont servi de couloirs " armés " à la rébellion. Autre argument, et non des moindres, Fofié Kouakou, le maître de Korhogo, aurait été saisi du prétexte de la marche pour semer le désordre, voire, faire chuter l'Apo, devant emporter ses signataires. Au dernier moment, Fofié Kouakou aurait décliné l'offre. Quant au soutien politique, l'opposition en mettant les gamins dans les rues comptait avoir le soutien de certains ex-rebelles. Pour faire de Bouaké et de Korhogo leur base arrière. Une fois les élections organisées, ils rejetteront le résultat des urnes à partir des villes sus-citées. Puisqu'à ce moment, Soro et ses proches collaborateurs auront perdu le contrôle du Secrétariat général des Forces nouvelles. Un plan, savamment orchestré. Qui va échouer, ce 20 février, grâce à la dextérité des éléments restés fidèles à Soro.

Une autre rébellion avortée, ce que les populations entendent faire désormais

Eux, face à la détermination des jeunes manipulés de mettre le feu à la résidence de Soro, n'ont pas hésité à faire sortir les grands moyens. Pour défendre le Premier ministre. " On a vu un dispositif miliaire impressionnant devant la cour de Soro, au quartier Gonfreville. Ce dispositif a dissuadé les manifestants", relate un autre interlocuteur. Qui nous informe, par ailleurs, sur les conséquences qu'auraient eu la Côte d'Ivoire, si Soro avait perdu ce bras de fer. "J'ai eu peur à un certain moment. Mais, Dieu merci, l'affrontement a été évité. Soro avait eu le soutien de presque la quasi-total des chefs miliaires et politiques Fn", estime-t-il. A l'analyse, Bouaké était au bord de l'éclatement et donc de la mort de l'Apo. Aujourd'hui, si le calme semble revenir, toutefois des inquiétudes demeurent. Et cela se dépeint sur la vie de Soro à Bouaké, où une nuit qu'il y passe et se réveille le matin, est une grâce de Dieu. Les anti-Soro sont toujours dans l'ombre. Et ruminent. On se rappelle que lors du récent conclave (tenu dimanche 7 à mardi 9 mars dernier), des points de divergences étaient apparents. Chérif Ousmane, très décontracté, sourire aux lèvres, mais très réservé, toujours seul, accroché à son téléphone portable, ruminerait une vengeance. Pour, lui, apprend-on de lui, il est inconcevable que Soro soit resté dans le gouvernement dissou. Quand on le sait très proche d'Ado, ses intentions ne sont, en fait, que l'intention de son guide, Alassane Ouattara. Mais, comme le dit, K.M un industriel à Bouaké, s'il doit avoir une rébellion dans celle qui existe déjà, la population civile n'est plus prête à rester inactive. " Si la prochaine fois, ces jeunes gamins se servent de leur suppôt au sein des Fn pour tout piller et saccager, je pense qu'il appartient aux innocentes populations de faire front ", avertit un autre habitant. En attendant l’éventualité d’une autre rébellion dans les zones Cno, Konaté Sidiki, ayant pris la mesure des événements du 20 février dernier, a présenté les excuses des Fn aux habitants de Bouaké. Plus jamais, le laisser-aller, brèche ouverte au pillage et à une autre rébellion pour le bonheur de leurs pourfendeurs, ne sera toléré.

Toussaint N'Gotta
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